C'est bien parce que le système peut sembler inébranlable que nous nous replions sur le niveau individuel. Abattre une personne est plus simple que d'abattre le système qui la soutient.
À l'heure où les forces réactionnaires semblent de plus en plus puissantes et vont jusqu'à utiliser nos dissensions contre nous-mêmes, produire une critique publique de nos contradictions internes peut apparaître comme une trahison. Ouvrir la question de ces défaillances revient pourtant à ne pas les laisser dicter nos combats et agendas politiques.
Se pose une question éthique : vouloir se passer de la police et de la justice étatique implique-t-il aussi d'abolir tout un système de droits humains individuels ou, au contraire, faire en sorte que tout le monde ait concrètement et effectivement les mêmes droits ?
Dans des espaces où il est admis que le recours à la police en cas de violence n'est pas la solution mais plutôt un problème supplémentaire, le risque principal consiste à n'avoir aucun relais extérieur pour dénoncer les injustices qui s'y déroulent.
Il est intéressant de noter le paradoxe entre des milieux militants (féministes) qui prônent la « déconstruction » et le peu de place effectivement laissé au tâtonnement.
Nous avons grandi dans une société qui propose la punition comme seul moyen de redresser des torts ; nous ne savons pas agir autrement.