- Très bien, je vais vous lire un poème qui me fait penser à nous.
Elle chercha la page, lui jeta un coup d'œil et lut :
Lorsque tu seras vieille, grise, et de sommeil emplie,
Aux portes du sommeil, près du feu, prends ce livre
Et lis sans te hâter et rêve à la douceur
Qu'avaient tes yeux jadis, dans leurs ombres profondes...
" Ma chérie, il ne faut pas parler de politique à table. Les hommes te trouvent déjà assez...anticonformiste comme cela. Le jour où tu voudras te marier, on ne sait jamais..." Elle baissa la voix. " J'ai peur que tu ne fasses fuir certains partis convenables."
Mais Jessie ne regrettait pas d'être venue. Le travail ne lui laissait guère le temps de ruminer le passé...elle en était arrivée à penser qu'elle pourrait un jour sinon être heureuse, au moins trouver un arrangement avec la vie.
Être docteur, c'est s'occuper de science. Les médecins doivent garder leur distance vis-à-vis du patient et ne pas se préoccuper de sa situation. Le médecin qui s'implique finira par rechercher des solutions personnalisées et cela va à l'encontre de la démarche scientifique qui doit nous guider. Si vous souhaitez considérer le patient en tant qu'individu, vous devriez plutôt devenir infirmière. Ce qui au fond, est un métier qui convient davantage au sexe féminin.
p.135 "Jessie, je n'ai pas peur de mourir. J'ai été très heureuse. J'ai su ce qu'être aimée par un homme bon veut dire. J'ai deux enfants qui sont ma fierté, et j'ai obéi aux desseins du Seigneur en donnant naissance à des enfants. J'ai eu bien plus de chance que bien des gens. Bien sûr, je ne veux pas vous quitter, toi et ton frère, et j'espère que je vivrai le plus longtemps possible, mais lorsque je mourrai, je retrouverai papa et je serai avec Dieu. Comment cela pourrait-il m'attrister ?"
P9
Jessie et Isabel se tenaient devant la tombe creusée à la hâte, la tête inclinée.
D'une façon ou d'une autre, d'ici quelques années, je pense être un homme riche.
Assez riche pour te marier?
Il secoua la tête. "Il n'y a jamais eu, et il n'y aura jamais qu'une seule femme pour moi." [...]
Je pensais qu'après tout ce temps tu l'aurais oubliée. Pourquoi ne veux-tu pas comprendre qu'elle n'est pas pour toi? [...]
Il la regarda dans les yeux en souriant. "Je suis un MacCorquodale, Jessie. Et les MacCorquodale ont toujours eu un faible pour les cause perdues."
Papa, je viens de prendre une décision. Je ne veux pas être infirmière, je veux être médecin, comme vous. Son père éclata de rire. Ma chérie c'est extrêmement difficile pour une femme de devenir médecin!
Pourquoi donc? Les filles sont aussi intelligentes que les garçons? Et n'y-a-t-il pas déjà des femmes médecins? [...] Alors tu crois que je pourrais devenir médecin?
Ce n'est pas impossible. [...]
Je ne sais pas comment ta mère réagira à cette idée. [...] Pour elle, ce qui compte c'est surtout que tu fasses un beau mariage.
Mais je n'ai aucune envie de me marier, papa! Il rit de bon coeur, comme s'il s'agissait là d'une plaisanterie.
Beaucoup de femmes ne rêvent que de se marier et de fonder une famille. Tu changeras peut-être d'avis, plus tard, quand tu auras grandi.
Isabel savait qu'elle ne changerait pas d'avis. Un jour elle serait médecin. Cela ne faisait aucun doute.
Les femmes étudiantes en médecine se battaient depuis des années pour avoir le droit d'assister aux cours aux côtés des hommes. Si elle battait en retraite maintenant, elle ne ferait que les renforcer dans leurs préjugés. Aujourd'hui, elle était la seule femme à avoir eu le courage de se présenter.
La seule façon de continuer était parfois d’oublier que chaque blessé était un fils, un frère ou un mari.