La blancheur des étoiles
Une histoire de vie et de mort, de douleur et de jouissance sur fond d'errance urbaine. Une fille-mère et son chevalier furieux courant après des moulins à vent, un amour qui cherche les étoiles où s'effacent les haines et les peurs.
Des immeubles et la révolte de graffitis, l'ivresse des martinets et le vacarme d'un scooter pour crever la vieille indifférence du monde. La mémoire de femmes fuyant le pouvoir des hommes. La jeune maternité surtout, la plénitude de la grossesse, et l'enfant que dévorent les ogres ordinaires.
L'histoire est librement inspirée d'un témoignage : une fille-mère privée de son enfant, forcée d'avorter d'un deuxième et qui a voulu mourir.
Eric Brucher
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Plus tard je me dis , ma colombe , n'espère pas l'hospitalité en ce monde ; crains plutôt l'hospitalisation .
Puis j'ai cette peur. Un effroi que je n'avais jamais connu.
Le sentiment d'un néant, d'une négation radicale. Une chose plombée au fond de mon corps devenu caveau scellé.
Plus rien ne bat lorsque je tente faiblement de sonder mon cœur.
Comme si l'oiseau était mort. Comme si l'on avait tué ma colombe.
L'impression d'une dévastation, une solitude dévastée. La vérité d'une perte infinie. Je ne connais pas d'autres mots.
Elle descendait en elle-même, lentement pour ne rien effrayer, à la rencontre de la crevette minuscule. Cette plongée, comme elle l’avait inventée, en cherchant les frémissements secrets, suivant les mouvements du sang, des veines, son rythme un peu sourd, imperceptible et saccadé. Sa pensée telle un fluide qui se propage par les nervures et se diffuse, s’instille à travers les filaments roses et blancs de la matière, cherche au fond d’elle le centre précieux de l’univers. Cette petite vie où commence tout l’amour du monde, une forme de langage, un mystère, le battement d’une communion secrète.
Mon thorax est une cage qui enferme une colombe fragile, ses ailes veulent s’ouvrir pour s’en aller. Mon corps l’empêche et la blesse
Elle guettait les mouvements du foetus, cherchait à sentir bouger les ondes lentes, le relief bizarre d’un pied contre la paroi tiède du ventre. Elle parlait tout bas, descendait jusqu’au bébé avec sa pensée, ainsi qu’elle l’avait inventé, pour le couver dans la paix. Une vibration pour lui infuser l’amour au coeur."
Là-haut, à l’abri des cheminées, Laszlo lui a appris l’amour. C’était ça aussi la blancheur des étoiles."
Je passais pour une intello parce que j'avais le nez toujours plongé dans des livres . Je les empruntais aux bibliothèques ou les achetais en seconde main .
Et cela me fait bien rire aujourd'hui de m'entendre dire que je n'ai pas d'appétit , je dévore , j'ai toujours dévoré
Il disait son nom Laszlo Kohler, toujours en insistant sur le nom.
Serena était trop surprise ou grisée pour lui poser des questions, elle croyait qu’il inventait. Il voulait écrire partout sur le béton sa phrase semblable à un slogan la bave des crapauds n’atteint pas la blancheur des étoiles, sa propagande pour secouer la ville. Comme parler des choses infinies, ôter la taie aveugle sur le regard des gens, leurs ricanements de sarcasme, l’ignorance sinistre.
J’appartiens à ce peuple ailé (les colombes) qui rêve d’élévation et aspire à l’absolu
Les mains posées sur les côtés de son ventre pareil à un ballon, elle sentait les ondes de l'enfant à l'intérieur, ses petites gesticulations. Cette torpeur au soleil était un délice. Etre là uniquement, n'être occupée que des mouvements infimes au creux d'elle-même, et cette durée quand elle finissait par s'enrouler sur elle-même et s'estomper, disparaître dans une béatitude. Des heures flottantes et pleines à la fois.