J’avais alors été en voie d’atteindre la vie que je désirais, avant que l’entreprise ne vire la moitié de ses employés, moi comprise, lorsque des fonds de capital-risque plus que nécessaires ne s’étaient pas matérialisés. Avant que des mois à postuler sans cesse ne donnent rien. Avant que la blessure au dos de ma mère ne la laisse dans le besoin financier pour la première fois de sa vie.
Je ne voulais pas abandonner mes rêves new-yorkais, mais à ce stade, je ne voyais pas d’autres options.
— Que ferais-tu si tu retournais dans le Vermont ? demanda Bianca.
— Je pourrais reprendre mon ancien boulot de serveuse. La paye est médiocre, mais je pourrais aider maman à ne pas perdre la maison… si j’habite avec elle. Sa pension d’invalidité n’est pas suffisante. Et maintenant, son chirurgien dit qu’il y a peu de chances qu’elle marche à nouveau sans une autre opération de la colonne.
— L’opération expérimentale dont tu m’as parlé ?
— Oui. Celle que son assureur ne couvrira pas. À moins que je gagne à la loterie ou que je trouve un moyen de réunir cent vingt mille dollars, ma mère est prise dans ce fauteuil pour toujours.
— Et ton master ? Tu en as fait la moitié, tu ne peux pas laisser tomber maintenant.
— En ce moment, terminer mon MAE est le dernier de mes soucis. Je peux peut-être transférer mes crédits à l’Université du Vermont et terminer mon master là-bas, dans un an ou deux.
Bianca se pencha vers moi.
— Ilana, écoute-moi.
— Je t’écoute.
— Tu es découragée. Tu te sens vaincue. Je comprends. Mais tu dois y réfléchir sérieusement.
— À quoi bon ? Je suis totalement foutue.
Je le regardais en préparer une autre, puis j'agis impulsivement.
- Ok. Je vais le faire.
- Quoi ?
- Je vais manger la chose vivante.
- Aussi appelée une huître.
- Peu importe, je vais y goûter.
- Très bonne idée.
Il m'en prépara une, la prit et l'approcha de moi.
- Ouvre grand.
Je fixai la boule visqueuse et me demandai si elle me voyait. Savait-elle que j'allais la manger ? Pouvait-elle voir mes dents ?
- Attend un peu. Où sont ses yeux ?
- Elle n'en a pas. Elle n'a même pas de sexe précis.
- Quoi ?
- Les huîtres sont hermaphrodites.
- Euh... les huîtres sont quoi ?
- Elles peuvent changer de sexe, selon leur entourage
[...]
-Je ne peux pas croire que je viens de manger la chose vivante. Bon, maintenant c'est la chose morte, je suppose. Disons qu'elle repose en paix alors.
Les mots que j'avais, jusqu'à ce jour, uniquement murmurés dans son oreille lorsqu'il était dans son lit d'hôpital.
- Damien, je t'aime.
Il tourna la tête vers moi, mais ne répondit rien. De longes secondes s'écoulèrent dans le silence, secondes pendant lesquelles je souffris mille morts.
Mais alors son expression changea et il me serra contre lui.
- Je t'aime aussi, Mia. Je crois que je t'ai aimée dès le premier moment, lorsque tu as retiré ces verres fumés ridicules et que j'ai aperçu les ecchymoses autour de tes yeux.... et la force dans ton coeur. Tu étais blessée et embarrassée, mais tu avais encore le courage de me faire face.
La peinture avait toujours été un refuge, un répit des demandes de la vie. Je commençai par appliquer de larges lavis pour l’océan et le ciel. Puis, je changeai pour un pinceau en éventail et mélangeai et étalai des touches blanches.
Le divorce n’était donc pas une surprise complète. Je me disais qu’ils seraient mieux seuls, et c’est le cas. Ils ne se sont pas remariés, mais ils sont tous deux dans une relation qui leur convient.
Il fronça les sourcils
Nos corps se fondirent l’un contre l’autre et nos langues s’affrontèrent. Mon désir pour lui s’intensifiait avec chaque caresse. Mes mains explorèrent les contours de son torse musclé, avant de remonter vers son visage.
Cet homme avait tout pour lui : beauté et virilité en proportions idéales, accompagnées d’un air de confiance absolue, inhabituel chez un homme aussi jeune… il ne semblait pas avoir plus de trente ans.
Ce n’était pas le moment de fantasmer, même si s’adonner à un fantasme avec cet homme pouvait sans doute se révéler intéressant dans d’autres conditions.
« Les gagnants ne lâchent jamais et les lâcheurs ne gagnent jamais – Vince Lombardi ».