L'enfant
- Bonsoir, madame. Je voudrais du travail.
Le visiteur du soir
- Mais certainement, monsieur, formulez vos souhaits, vous serez exaucé.
L'enfant, sans reprendre son souffle
- D'abord, en sortant de la grande grande école, je voudrais commencer par faire compteur de pas, pour savoir si c'est encore loin pour continuer ma vie... Après je ferais bien grand mangeur de nouilles, parce que j'ai travaillé toute ma vie pour ça... Et puis quand j'en aurai marre des pâtes, j'irai au bord de la mer, pour faire regardeur de bateaux. Si j'ai trop froid, je deviendrai essayeur de doudounes ! Mais pas celles avec des vraies plumes de vrais oiseaux dedans, hein !... Je deviendrai aussi inventeur de nouveaux légumes, parce qu'il faut bien nourrir sa famille... Et puis apprivoiseur de limaces ! Pour que le temps dure plus longtemps. Quand j'en aurai fini avec ces bestioles, je me transformerai en objet volant, pour pouvoir repérer où que c'est le plus beau pour vivre. Et quand j'aurai trouvé, je deviendrai danseur du dimanche, pour fêter ça ! (p. 25)
L'enfant
- Demain, c'est dimanche. On verra pas la différence avec d'habitude.
La grand-mère
Ça te rassure, ce qui ressemble à d'habitude ?
L'enfant, à son père
- Oui, c'est mieux, tu sauras pourquoi tu te lèves tard...
Le père, avec un sourire
- Et si je me levais tôt, justement ?
L'enfant
- Et puis quoi encore ? Pourquoi pas, tant que tu y es, travailler le dimanche... (p. 60)
L'enfant
- Moi je sais que je me souviendrai toute ma vie que je voulais être aviateur !
Le père
- Pourquoi, "que tu voulais", tu ne veux déjà plus ?
L'enfant
- C'est toi qui dit toujours qu'on ne fait pas tout ce qu'on veut.
Le père
- Oui mais, à ton âge, tu as encore le droit de rêver.
L'enfant
- Parce qu'à ton âge, on n'a plus le droit ? (p. 21)
Le visiteur du soir
- Tu ne dors pas ?
Le père
- Ni ne travaille. de l'un découle l'autre.
Le visiteur du soir
- Crois-tu que seul ton travail justifie ton repos ?
Le père
- En tout cas je me sens bien inutile.
Le visiteur du soir
- Étais-tu utile avant ?
Le père
- J'aime à penser que oui. (pp. 12-13)