Citations de Eve Lerner (22)
J'ai appris que, contrairement à la mise en garde maternelle, les" jeux de mains" ne sont pas forcément des "jeux de vilains" et que certains mots vous pétrissent pour longtemps.
Oh, et puis c'est pas la peine de chialer, hein.
C'est pas ça qui va arranger les choses.
Oh et puis arrête de chouigner, hein! Tu sais faire que ça.
Ca y est, c'est les grandes eaux de Versailles!
On ne peut rien lui dire à cette gamine! c'est une vraie fontaine Wallace! Un vrai saule pleureur!
Faut une carte de travailleur de force pour soulever ce truc-là
Voilà bien une expression d'origine ouvrière à rallonge pour dire C'est trop lourd, qui peut aussi se reformuler par C'est pas léger, Ça pèse une tonne, ou pour d'autres Ça pèse une âne mort.
"Elle confirme que le langage n'est pas uniquement un utilitaire de communication mais que l'invention et le principe de plaisir y sont presque toujours à l'œuvre."
A l'époque, j'entendais de la bouche de ma mère le sens trivial et lui seul. Après, bien après, j'ai commencé à entrevoir un sens noble. Dans sa littéralité, l’expression devient quelque chose de grand. Car en y réfléchissant, on ne peut rien faire de bien sur le chemin de la vie si on n'a pas "l'âme chevillée au corps". Si le corps vit sa vie en lui et pour lui, s'il n'est concerné que par la seule exaltation des sens,sans la force de l'âme, on tombe très vite dans le superficiel et dans le dérisoire
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 4
Levés avant les oiseaux
nos jambes ne nous portent plus très loin
dans la tête mille réseaux
dont on ne sait que faire
tournent sur eux-mêmes
et nous empêchent de conduire
par ordre nos pensées
dont aucune ne vient
nous rappeler notre raison d'être
renouer notre fil conducteur
ou simplement nous dire
comment prolonger la vie.
p.19
(…)
extrait 3
On obtient tout par la douceur
plus de barrières
une fois encore je viens de naitre
vivante tremblante féconde
je retrouve la paix d’une mare de forêt
le calme d’une berge, la beauté d’une anse
le bercement des branches, je retrouve
le chatoiement du monde
(…)
Finistère
Impossible de détourner les yeux
du bouillonnement de la mer
ses tourmentes contre le roc
son hypnose, son invite
pour relever la tête
Quand on y parvient
le ciel en remous inversé, sa turbulence
la vélocité des nuages
donnent alors un second vertige
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 2
La rivière qui nous traversait est un lit de cailloux
exquise oasis ramenée au néant, personne ne s'arrête
les voyageurs s'enfuient à sa vue
hantée par une odeur de tombeau, oubliée des
chercheurs
elle a perdu son sang, sa couleur,
la lumière qui sortait de sa peau a disparu.
p.16
Jardins
Jardin minéral
Dans un jardin foncé de houx
de buis, d'eucalyptus vernissé
apparaissent à la surface des feuilles
perles, gemmes, cristaux irisés
diamants fabuleux
petites sphères d'intensité
chaque fruit, chaque goutte, chaque baie
lapidaire, décline sa géométrie
miroite dans la nuit bleu gentiane
comme les feux d'un théâtre.
p.45
Jardins
Jours fertiles pleins de sève
et de vent frais
un printemps qui naît.
Bourgeons, pétales blancs
et jacinthes précoces
la maturité de certains poètes.
Un bref instant de soleil
riche en femmes, en écrivains
les livres poussent sur les arbres.
Tant de mots partagés
tant de rire, tant de rêves
tant de vies à explorer.
p.37
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 10
Ne tenir qu'à un fil
Décider de couper ce fil
émacié comme un fis de la vierge
l'instant fragile, l'instant facile
en apparence de faire céder ce fil
ténu mais tenace, lisse, efficace, fossile
exsangue, maillé, tressé, fissile
roulé comme un filet de fumée
et qui reprend vie avec le sens
nourri par cela même qui espère
le détacher de son hil.
p.23
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 9
Contorsionniste de la langue et du temps
embryon prometteur, métamorphose en danger
dans le même temps, serpent guérisseur.
Entre les vivants et les morts
je psalmodie le lamento ou la consolation
je chante ce qui élève.
Dans cette modulation de fréquence
sujette au vertige, sa profondeur, sa profusion
l'infini des mondes se propage.
Un regard absolu s'aveugle, une main
gauche ou exquise, une bouche parfois
fait sourdre la liqueur d'amande des mots.
p.22
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 8
Suspendue par un fil
par la chair et par le sang
entre la glu du réel et l'intemporel.
On me dit solaire, entre singulier et pluriel
entre tempête de crâne et joie de ventre
je ne suis qu'un pendule hésitant
entre filet d'eau et de cataracte
entre nuit impossible et lune de jour
je suis un astre de confusion.
Je m'enrobe entre chien et loup
d'une brume impalpable, je tombe
du paradisiaque au nadir d'un seul jet.
...
p.22
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 7
demander un peu de rédemption
et balancer le poids du passé
la mélancolie est un loup qui gîte
à même le corps et s'instille
sous la peau, où il produit ses effets :
un jour dans les cimes, un autre dans l'abîme
rampe dans les veines, les artères
faisant mille dégâts invisibles à l'œil nu
avant d'exploser en images soudaines
caresser pour un temps l'espoir du vif
et pour un temps exulter.
p.21
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 6
Disparaître de la surface de la terre
imprimer le vide, les blancs, les creux
se tirer dans une fuite effarée
pur trouver le vrai repos d'éternité
arrêter les machines à penser
retrouver entière la vélocité de la non-matière
arrêter d'imprimer les circuits délétères
injecter la paix dans les mares, les marais
travailler la question des irréalités à venir
radier le poème, en rire avec modération
éclore davantage mort que vivant...
p.21
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 5
L'enfer me ment
Vide je voudrais voler
inventer les trous d'air, les nuages dorés
demander la grâce du passage
et ne plus sentir la prison de la terre
voler vers l'ailleurs, essouffler les vents
impalpable liberté de frôler les eaux
duvet, pennes, rémiges tout ensemble
extase de voir les cimes de canopée
nidifier sur les rochers de mer
oublier la dureté de l'hiver
revenir aux lacs d'Afrique
marcher sur la couche de chaleur
exactement comme un migrant.
p.20
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 3
Sans brèche sans chute
main dans la main avec la lenteur
la gravité s'inverse
sous les tempêtes de l'été.
**
Ne sachant comment veiller
sous le couvert d'une présence étrangère
et des médecines absorbées
à force de retard
reviennent les boucles du passé.
**
Sortir de cette cabosse est impensable :
qu'est-ce qui nous retient – quel fil,
ne plus respirer, ne plus croupir
que tout s'arrête, ne plus mourir
inlassablement chaque jour que dieu fait.
p.17
Ère de l'Anxiolytique Inférieur, an 20
Extrait 1
Malades, mais de rien, du vent
le corps se cabre contre ce rien
pas de blessure béante, pas d'os cassé
aucune entaille, maigreur ou purulence
une lourdeur de vide dans les yeux, la tête
un film entre nous et le monde
de toute la journée on ne sent rien de la vie
excepté l'absence de parole et d'écrit.
p.16
extrait 2
Je n’aurais jamais cru
que l’on puisse à ce point
jouir d’une intimité
à perdre ses frontières
Le toucher si velours
l’aiguillon du désir si calme
la fontaine d’un plaisir
sans heure
ouvrent une étendue
de temps et d’espace
à l’amble facile de nos corps
car ici et maintenant
sont devenus un ailleurs