Ève Lerner publie, sous une couverture flamboyante due à l’artiste lorientaise Chantal Gouesbet, un nouvel opus comme « une bouffée, une touffeur de paysages et de cultures Caraïbes » où résonnent, parmi d’autres, les voix des poètes martiniquais Édouard Glissant, fondateur des concepts d'« antillanité », de « créolisation » et de « tout-monde », et de Malik Duranty, jeune poète pawòleur à qui est dédié l’avant-dernier poème.
La poésie phénix d’Eve Lerner, qui tourne ici « l’œil et l’oreille vers les îles », nous exhorte avec énergie à renaître du chaos tant chante « notre polyphonie pour la diversité ». Elle se veut exaltation de la vie contre la destruction, le fossoyage des cœurs et des corps, le pouvoir asservissant de l’argent. Force combative, fervente qui fustige la fausseté, le déni, l’aveuglement, la peur, la perte du sacré qui précipitent notre chute. Pourtant toute « innocence n’est pas perdue», elle est là à notre portée avec ses mots d’amour et de fraternité. La musique, les arts, la parole, la marche debout, ensemble, l’exigence de justice peuvent nous la restituer. Serons-nous capables d’ouvrir « un nouveau sillage de la pensée » ? Que peut le poète, ce « fou », ce « voyant » contre les forces délétères ? Se tenir au croisement de toutes les cultures et les faire se régénérer par interpénétration.
« en échangeant avec l’autre je ne me perds pas » (Édouard Glissant)
L’imagination, le don d’empathie font des miracles sur la carte du monde : langues, musiques, danses de ces « îles-paroles » caribéennes, Haïti ou Madinina (la Martinique), mêlent leur magie foisonnante pour ressourcer l’âme, brasser des sangs neufs, revitaliser l’humanité en profondeur. La poésie-métissage d’Ève Lerner se souvient des blessures, des exils, des destins brisés à fond de cale mais elle appelle à la libération des mots et des souffles, à la langue sauvage, ardente, qui fait se lever le chant des hommes, ces « frères, sœurs du Tout Monde », un chant « briseur de chaînes » que rien ne peut arrêter.
Cette poésie « graine à feu », profondément humaniste, donne à voir un « monde rêvé » où l’amour « véloce » pourra se propager hors frontières « comme une onde aux confins de la terre entière ». Il le faut, « quelque chose doit céder » pour libérer notre conscience. Déjà, si le doute nous assaille, faisons confiance à la pluie pour « ensemencer la terre », croyons en « la splendeur du monde », remettons « le bonheur à l’ordre du jour » et laissons la beauté occuper « tout l’espace », « il y va de notre survie ». Si nous le voulons, les milliers de « monticules de joie » soulèveront les montagnes.
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L’âme chevillée au corps, est un récit mais ce sont aussi des souvenirs d’enfance
L’auteure qui est poétesse raconte son enfance à travers les expressions employées par sa mère
Elle a grandi dans un milieu ouvrier très simple, à l’époque où le peuple était mêlé de très prêt à la petite et à la grande Histoire
Elle raconte qu’enfant elle ne parlait pas, mais « absorbait » tout ce qui se disait autour d’elle et le mémorisait à sa façon avec ses déformations de compréhension. Et se sont ses « archives » qu’elle restitue dans ce livre. Elle y parle beaucoup de sa mère, à qui le livre est dédié et chaque expression fait référence à l’emploi que sa mère en faisait.
Le livre est divisé en trois parties, chacune subdivisée en petits chapitres consacrés à une ou plusieurs expressions ayant la même signification.
Ainsi on chemine de « c’est pas à un pied de vache près » à « la lisière ne vaut pas mieux que le drap » en passant par « il a pas une tête à sucer de la glace »
Le livre fourmille de dizaine d’expressions quelques une très familières et d’autres totalement inconnues
C’est plein de poésie, il y a des moments très émouvant, d’autres plutôt humoristiques et cela foisonne de tendresse
C’est un joli livre avec une couverture au graphisme très sympa ; de plus chaque chapitre est orné par un petit dessin qui illustre l’expression
J’ai beaucoup apprécié ce texte mais il ne m’a pas été facile d’en écrire une critique, il faut vraiment le lire pour en tirer toute l’âme et la saveur
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Avec ce livre sur la langue ouvrière je me suis régalée de mots, d'expressions imagées qui m'ont permis de remonter bien loin dans mon enfance. Ce livre "fait la rue Michel ! " : il me convient très bien. Merci à Eve Lemer.
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Une très agréable lecture pour toute personne qui aime la langue française, et particulièrement la langue des milieux populaires.
Eve Lerner qui est avant tout poétesse rend hommage à sa mère, qui était instinctivement linguiste.
Une richesse de mots et d'expressions plus savoureux les uns que les autres.
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désolé je n'ai pas aimé ni fini ce livre.
sélection du prix télégramme 2014.
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Sentir
Âme et corps liés dans une même
Vie
Ouvrant
Une mine
Riante, rutilante, revigorante et ravigotante d'
Expressions d'antan et de maintenant, écrites par
Une sacrée bonne femme
X et rayonnante aussi!
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J'ai énormément apprécié ce recueil,
sachant qu'une critique n'est pas des
plus faciles, au regard des choses et
notions évoquées.
Les expressions sont d'une grande richesse
et le vocabulaire imagé se suffit en soi.
Moins que les explications, la lecture
(voire des lectures plurielles ) et les
réflexions y attachées, permettent d'en
apprécier pleinement la saveur.
Les notions de " chemin", de " nuit ", de
" musique ", de " mots " de " chant "sont
omniprésents et enchantent notre lecture.
« Sans trouver de méthode, de chemin
sans savoir que d'où il [l'homme] est, il ne voit pas
que la méthode est le chemin
qu'il doit en suivre les cahots.»
« Je m'abandonne aux racines des mots
je voyage dans la nuit des temps
dans la minceur d'une nano-seconde
les trouées d'avenir déboulent. »
« la musique pure surgit de la nuit.
…
Lorsqu'elle arrive, je n'existe plus
je suis profondément absente
juste un lieu de passage pour des flux inconnus
dont l'énergie me traverse et me dépasse.
Les vagues se creusent, se courbent, s'enflent
se soulèvent, s'élèvent sans répit
je célèbre ce que je ne saurais comprendre
la musique, déferle, coule, envahit. »
Plus loin :
« Les mots s'agencent tout seuls
sur les portées, célébration, litanie
louange, euphorie, mélopée, thrénodie
le chant vient de plus loin que l'homme.»
Concluons sur ces dernières images :
« L'ardeur brouillonne se calme
je ramène au jour
des fragments d'altérité
dans les filets de ma nuit.
« Tôt le matin quand les villes dorment
les choses, les êtres, le monde
lointains, floutés
prennent des allures d'illimité.»
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