Alors, apparut la première étoile. Majid était debout au côté de Baba Nourredine. Ils avaient les pieds bien plantés dans le sable encore tiède. Majid sentait l’épaule du père contre sa joue. Leurs ombres confondues dessinaient un long trait sinueux sur la pente vertigineuse. Ils regardaient ensemble toute l’étendue du monde : le désert et le ciel immenses. Ils étaient deux hommes libres.
Dans le secret des chambres nous nous confions nos rêves. Nous chantons des jours nouveaux, nous parlons d’hommes aimants et tendres, nous inventons des pays au-delà des montagnes où nous serions reines. Avec la laine de nos bêtes, nous tissons patiemment des histoires secrètes que nous seules savons lire. Nous regardons les hommes aveugles les fouler.
Cent yeux regardent Majid. On l’épie, on le dévisage, on le suit. Depuis le col, les sifflets n’ont pas cessé. Il est passé dix fois devant des bergers impassibles, statues brunes coiffées d’une capuche, yeux invisibles, bouche close. Lorsqu’il est arrivé en vue de Zartan, une pierre a volé au-dessus du chemin.
J’aurais aimé lire le voyage de mon père. Il est peut-être venu ici, un jour de souk. Il est sûrement passé à Marrakech, avant de prendre la grande route vers le Nord.
Au loin, ce chemin qui vient du passé et s’estompe et celui-là devant, encore secret, qui l’appelle vers le nouveau.