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Citations de Flore Vesco (275)


Il arriva en fin de matinée à l’entrée de la plus grande bourgade du comté. Hélas, les portes des courtines étaient fermées. Bert s’approcha. Deux gardes abaissèrent aussitôt leurs hallebardes :
- Personne en passe ! s’écrièrent-ils.
- Mais pourquoi donc ? demanda le vieil homme.
- Parce que c’est la guerre, répondit l’un des gardes.
- La guerre ? s’étonna Bert. Quelle guerre ?
- La guerre entre ceux qui aiment les raisins dans le taboulé et ceux qui les détestent.

Parenthèse instructive :
Le saviez-vous ? La guerre du taboulé avec ou sans raisins fut un des conflits les plus meurtriers de notre histoire. Cette lutte fut encore plus sanglante que celle qui opposa ceux qui disent « pain au chocolat » à ceux qui parlent de « chocolatine ». Parmi les autres grands conflits mondiaux, il faut encore mentionner la guerre entres les mangeurs de croûte de pizza et ceux qui la laissent, la guerre entre les lecteurs qui cornent la page des livres et les utilisateurs de marque-pages et, bien sûr, la grande bataille sur l’orientation du rouleau de papier toilette.
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Serrée contre lui, Sadima lui conte les hauts et bas de sa journée. Ils discutent longuement, bouche contre bouche. Elle trouve plus facile de se confier quand le souffle des mots n'a aucun chemin à faire, et se dépose directement entre les lèvres de son confident.
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On ne reste pas éternellement mutilé par une déception amoureuse.
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Il faut faire attention à ce que l'on souhaite. On désire parfois sans penser aux conséquences. Et quand l'objet qu'on appelle de ses vœux surgit brusquement, nous voilà pris au dépourvu.
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La magie, c’est une musique intérieur.
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Je voulais voir les couches des domestiques, savoir à quoi ressemblent leurs nuits amoureuses. On dit qu’ils sont plus libres. Ont-ils plus de plaisir? Là encore, je me suis lassée de ce jeu. Leurs nuits ressemblent aux miennes : un homme qui vous surprend et fait vite son affaire, après quoi il faut se relever, aller à la bassine pour se rincer, avant de rejoindre un tronc ronflant, qui occupe la moitié de la couche.
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– J’ai une idée, chuchota Adrian. Ferme les yeux. Et à chaque expiration, débarrasse-toi d’un organe, jusqu’à être vide.
– Vide ?
– La peur se loge dans les entrailles. Elle coule dans les méandres des méninges et de l’intestin. Une solution, c’est de faire le ménage. Ôte la ventraille, les tripes, les tissus mous gorgés d’anxiété. Un pancréas, je te le demande, à quoi donc est-ce que ça te sert dans l’immédiat ? Vire-moi donc le foie, la moelle épinière, le diaphragme, les reins, l’estomac, la vésicule biliaire, la glande typhoïde, le pharynx, l’œsophage, le thymus, le côlon, la rate. Ça fait de la place, sans ça, hein ?
À chaque organe qu’il nommait, Sadima se sentait de plus en plus légère, délestée de ces tripes lourdes et encombrantes. Elle n’était plus qu’une oreille, portée par la voix calme et chaude d’Adrian.
– On garde la peau, qui réagit aux sensations, et les muscles, qui se contractent plaisamment sous l’épiderme, continua Adrian.
L’oreille de Sadima était reliée à une enveloppe sensible, vacante et libre. En effet, maintenant qu’elle était quitte de ses viscères, elle voyait toute la place dégagée, prête à être remplie autrement. Par du plaisir. Ou, pourquoi pas, un amoureux.
Adrian passa la main sur ses hanches pour faire remonter sa chemise. Elle releva les bras. Il lui ôta le vêtement et posa une paume sur sa peau. Elle s’aperçut que cette main tremblait légèrement. Elle rouvrit les yeux.
– Je n’ai pas un morceau manquant à chercher, moi… dit-il d’un ton hésitant. Alors, euh… en l’absence de direction, est-ce qu’il y a un ordre à suivre ? Je veux dire… un programme que tu préfères ? Enfin, sinon, j’improvise, je suppose.
Sadima lui sourit. Elle s’aperçut qu’ils n’étaient plus que deux dans la pièce. La peur avait définitivement décampé. Elle venait de trouvait le courage de se montrer vulnérable. Il lui plaisait infiniment d’être nue et de se laisser aller. Elle posa la tête sur l’oreiller et ferma les yeux.

[L'École des loisirs, 2021, p. 179-180]
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Il revint sur le dos. Comme il avait gardé les paupières fermées, elle s'autorisa à laisser son regard descendre. Le long du torse, puis plus bas. Jusque-là. Elle s'y attarda, les yeux rivés.
– Sadima ? dit-il soudain.
Elle sursauta, rougit violemment et détourna vite le regard. Il se souleva sur un coude :
– Vraiment, à ce stade, je pense que vous pouvez m'appeler Adrian.
Il renfonça la tête dans les oreillers avec un sourire et ferma à nouveau les yeux, détendu. Sadima eut un petit rire agacé et heureux, qu’elle enfouit dans le torse d’Adrian.
Puis elle posa la joue sur sa poitrine. Elle écouta le cœur. Elle descendit dans le creux de la cage thoracique, prêta l’oreille au vrombissement des autres organes. Elle se laissa bercer par ce clapotis intérieur, et la chaleur qui pulsait doucement contre sa joue. Elle s’aperçut que le cœur du jeune homme battait plus vite.
Elle songea alors qu’elle n’avait pas encore percé l’essentiel. Elle l’avait arpenté, et commençait à le connaître sur le bout des doigts, et même sous la langue. Maintenant, elle était curieuse de son fonctionnement.
Elle écouta la surface de l'épiderme, se régalant chaque fois que, sous sa paume ou ses lèvres, la peau se faisait grenue et vibrante. Elle entendit la houle du sang et du souffle s'accélérer. Plus elle descendait, plus le torrent interne s'accélérait.
Elle continua lentement sa progression, en guettant les réactions sur le visage d'Adrian, ses yeux fermés qui papillonnaient, son torse qui se soulevait.
Elle descendit jusqu'à cet endroit qu'elle avait soigneusement évité jusqu'à présent.
Quand sa main s'engagea, les reins d'Adrian se creusèrent, les muscles abdominaux se tendirent.
ElIe fut surprise de la douceur si fine de la peau. Elle la sentit pulser, comme un petit animal qui palpite. Puissant et délicat. Sadima pensa au lapin. L'enveloppe soyeuse qui cache les muscles vigoureux, la détente nerveuse, insoupçonnée et délicieusement surprenante. Elle tenait sa proie. Il était à elle. Le cœur du lapin blanc qui bat contre sa paume, vivant et impatient. Elle avait réussi à l'attraper.
Adrian laissa échapper un soupir grognant, un ronronnement sourd et saccadé qui lui plut tant qu'elle joua des doigts pour le provoquer à nouveau.
Et, parce que son insolence tirait parfois le pire d’elle-même, Sadima ne put s’empêcher de dire :
– J’ai l’impression d’avoir trouvé quelque chose, milord. Mais je doute que ce soit le morceau manquant. Parce que rien ne manque, ici. On est plutôt, au contraire, dans l’ajout. Ou, disons, l’accroissement.
Adrian releva la tête et la regarda. Elle se perdit dans ses yeux : embrumés, lointains, libérés, enivrés, incroyables. Il laissa retomber sa tête sur l'oreiller.
– Tout de même, répondit-il. On ne sait jamais. N'hésitez pas à… continuer à chercher… par là… à explorer… plus avant.
Il n'avait même pas relevé le « milord » narquois.
Alors Sadima explora plus avant.

[L'École des loisirs, 2021, p. 167-169]
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En riant, il lui avait décrit les parties qu’il organisait pour Mr Watkins. Les chiens qui pistaient, levaient le gibier, le ramassaient une fois tué, bref, faisaient presque tout le travail. La tripotée de domestiques qui suivait, portant les poires à poudre, les sacs de plombs, les fusils de rechange et les carniers, et même un petit siège pliant car Mr Watkins, qui allait léger comme un pinson, fatiguait vite.
– Et encore, Mr Watkins vaut mieux que ces jeunes nobles qui chassent en bande, parce que lui, au moins, il suit mes conseils. Avec moi, il est à bonne école. Il ne tire pas les hases pleines, il ne tarabuste pas la moindre compagnie de grouses qui lève sous ses yeux en tirant dans le tas, il n’enfume pas les terriers.
Sadima écouta son père pester après les gentlemen bruyants qui saccageaient les fourrés, qui ne savaient pas viser avec leurs fusils dernier cri.
– Ils sont incapables de prendre le temps. Ils ne veulent que tirer leur coup. Tout ça pour se retrouver après entre eux et se raconter leurs exploits.
Le père avait marqué une pause.
– En fait, c’est exactement comme quand ils sont avec une…
Et, baissant les yeux sur sa petite fille de sept ans qui l’écoutait avec attention :
– Bref. Qu’importe. Je vais donc t’apprendre à chasser.

[L'École des loisirs, 2021, p. 133-134]
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– […] Je me moque d’être accepté. Le problème, c’est que vous avez peur du regard des autres.
– Évidemment ! cria Sadima. Parce que, pour moi, ça détermine ma survie. Si les braves gens se mettent à me mépriser, je serai rejetée de partout. Et donc plus de travail, la famine, le risque de se faire détrousser… C’est bien gentil, de se ficher du monde, quand il ne tient pas votre gagne-pain entre ses pattes. Pour vous, tout est si facile. Vous êtes riche. Vous êtes libre de faire tout ce qui vous plaît.
Lord Handerson eut un sourire crispé. Sadima était lancée :
– Si vous étiez une femme, même fortunée, vous seriez encore prisonnière, forcée de coucher dans le lit d'un homme qu'on aurait choisi pour vous... Mais vous n’avez même pas cette chaîne-là.

[L'École des loisirs, 2021, p. 127-129]
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– C’est assez invivable. Je n’avais pas réalisé à quel point c’est pénible, d’attendre ainsi, quand c’était moi qui jouais à ce jeu. Alors, je vous propose que nous arrêtions de faire ça.
Il reboutonna vaguement sa chemise, remit son gilet et sortit sa montre du gousset.
– Ou alors, nous pourrions convenir d’une durée d’attente beaucoup plus supportable. Que diriez-vous de trente secondes ?
Et comme Sadima ne disait toujours rien, il ajouta :
– Sadima, dans trente secondes, je vais vous embrasser.
Il appuya sur le petit piston. Dans le silence de l’aube, le tic-tac retentit très clairement. Sadima sentit son cœur s’emballer aussi vite que la petite aiguille.
– Vous comprenez, trente secondes, ça laisse assez de temps pour s’enfuir, si jamais on ne veut pas être embrassée. Ou si on a un autre impératif plus urgent, à ce moment-là.
Il s’approcha. Sadima avait beau réfléchir, elle ne trouvait pas le moindre impératif urgent, à l’instant. Plus que quinze secondes.
– Et ça permet de ne pas attendre trop longtemps, si jamais on était, au contraire, fort impatient d’être embrassé, continua lord Handerson.
Il se pencha. Sadima ferma les yeux. Plus que sept secondes. Quatre secondes. Trois. Deux.

[L'École des loisirs, 2021, p. 112-113]
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– Vous verrez, poursuivit-il. Demain matin, à 9 h 57 précises, je vous embrasserai.
Il ramassa sa couverture et la salua. Avant de s'éloigner, il se retourna et ajouta :
– Et je vous préviens, je vais mettre la langue.
[…]
Maintenant voilà qu’elle surveillait l’heure. Elle regardait la soirée avancer, et elle bouillonnait, à tout moment recalculant le temps qu’il lui restait avant de devoir s’échapper. Bref, elle se tourmentait encore, tout ça à cause d’un garçon égoïste et malin, qui s’amusait à ses dépens.
Son agacement enfla envers ce lord qui lui volait sa tranquillité d’esprit. Elle grimpa au grenier, ouvrit d’un coup la porte de sa chambre, la trouva vide, rata donc son effet, redescendit, entra dans la bibliothèque. Il était là, lové dans un fauteuil, un livre à la main. Sadima s’avança, planta ses deux mains sur le dossier, et lui jeta un baiser si violent que, sous ses lèvres, elle écrasa celles du lord et sentit la barrière de ses dents. Aussitôt elle s’écarta et le regarda d’un air de défi. Voilà. C’était fait. Elle était débarrassée. Elle pouvait dormir tranquille cette nuit.
Elle fit demi-tour et entendit lord Handerson, qui murmurait tout doucement :
– Je vous avais bien dit que c’était un moyen infaillible.

[L'École des loisirs, 2021, p. 109-110]
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Il faut faire attention à ce que l'on souhaite. On désire parfois sans penser aux conséquences. Et quand l'objet qu'on appelle de ses vœux surgit brusquement, nous voilà pris au dépourvu.

[L'École des loisirs, 2021, p. 95]
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Elle était comme une huître. Une solide coquille la recouvrait : de dehors, on aurait cru voir une pierre, sombre, dense, pleine, impossible à briser. Nul ne pouvait savoir qu’en vérité l’intérieur était lisse, lumineux, doux, humide et brillant.
Mais le secret, c'est la perle. Si un intrus pénètre la coquille (un grain de sable, un fragment de roche, un petit bout de quelque chose qui vient du dehors), alors l'huître l'enserre et le recouvre de nacre. Elle en fait une perle. C'est une transformation féerique.
Sadima ferma les yeux. Son amoureux toqua. Elle entrouvrit. Il était là, devant elle. Il la regardait. Intensément. Elle se vit nue et désirée dans le reflet de son œil. « Est-ce que je peux entrer ? » demanda-t-il.
Sadima n’avait pas envie de lui ouvrir sa coquille. Mais cet œil désirant et nacré lui plaisait. Elle ne fit entrer que ce regard qu’il lui avait lancé.
Elle referma, se replia sur elle-même, et rêva de cette œillade. Elle se la raconta encore et encore, la rejoua, la façonna à sa guise. C’était comme un grain de sable qu’elle tournait et retournait pour le lisser. Elle polissait la perle et la peau lisse s’arrondissait.
L’amoureux la regardait, son œil luisait, la perle brillait. Une tension impérieuse enflait en elle. La perle pulsait comme un point, en suspension… Maintenant Sadima connaissait cette ponctuation. Elle savait se mener jusqu’au point d’exclamation, lancer le sort qui laisse le corps content. Elle avait trouvé son pouvoir. Sa jouissance était une puissance.

[L'École des loisirs, 2021, p. 82-83]
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Ses imaginations gagnent en consistance. Son amoureux est vraiment là. Il lui avoue timidement qu’il a des pouvoirs, qu’il fait de la magie. Elle sent un tressaillement vriller sa colonne vertébrale et soulever la racine de ses poils.
Soudain, l’amoureux est tout petit. Sadima rit. Son père lui a donné un mari, mais quel petit homme ! Elle le perd dans son grand lit.
Le petit homme grimpe le long de ses jambes. Il s’agrippe aux poils fins à l’intérieur des cuisses, et Sadima frissonne. Il poursuit sa remontée. Elle sent sur sa peau le minuscule piétinement de ses petits souliers.
Sa respiration s’accélère. La houle de son sang martèle un nouveau rythme. Elle l’écoute, comme celui des mots qui donnent naissance à des formules. C’est sa magie. Des petits points et point-virgule pétillent sous ses paupières. Cette ponctuation la saisit. Elle s’accélère, monte, grimpe plus haut que les matelas… Les petits points se suspendent, puis s’épanouissent en corolle, jusqu’au point d’exclamation.

[L'École des loisirs, 2021, p. 73]
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Margaret fit la somme de ses connaissances sur le sujet des relations entre hommes et femmes. Elle partit de la base : il fallait d’abord se laisser courtiser, échanger en cachette quelques mots doux, puis une mèche de cheveux, et enfin autoriser l’homme à vous appeler par votre prénom. Venaient ensuite la déclaration, l’autorisation des parents, le délai de trois semaines pour publier les bans, la signature du contrat, la constitution de la dot et du trousseau, la cérémonie.
– Et après ? Pendant la nuit de noces ? Que se passe-t-il ? demanda May.
Margaret dut avouer qu’elle ne connaissait rien à la suite des opérations.
Et pour cause : il n’était pas de secret mieux gardé. Leur maman avait pris soin de désherber la bibliothèque familiale, pour qu’aucune ballade amoureuse ne leur tombe entre les mains. Elle couvrait leurs oreilles quand le palefrenier parlait de faire monter la jument par l’étalon du voisin.
Une vraie jeune fille bien élevée passait la porte de la chambre nuptiale sans même soupçonner le début des manœuvres. Eh certes ! pourquoi donc la déniaiser ? Rien de plus charmant pour un époux que les candides effarements d'une vierge.

[L'École des loisirs, 2021, p. 39-40]
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– J’ai l’intention de me marier. Ce n’est pas une décision à prendre à la va-vite, il me semble. Aussi, pour trouver une épouse, j’ai imaginé une épreuve.
Il recula et eut à nouveau ce geste de balayer l’air devant lui.
– Alors, bien sûr, je pourrais demander aux intéressées d’enfiler une pantoufle de verre ou un anneau, mais ça ne m’a pas semblé la meilleure manière de les départager.
Margaret répondit à cette boutade par un petit rire forcé. Autour de la table, on se détendit un peu.
– Vous auriez pu, aussi, organiser un bal ou une garden-party, risqua May.
– Ce genre de festivités m’ennuie, dit lord Handerson. Mais vous avez raison, je pourrais m’y contraindre, s’il le fallait. Le problème n’est pas là. Ce qui me déplaît, dans cette façon de rencontrer les gens, c’est qu’il faut laisser agir le hasard.
– Mais c’est ça qui est beau ! s’exclama May.
– Comment cela ?
– Mais enfin, je veux dire…
May baissa la tête, embarrassée. Elle rassembla son courage et se lança :
– Ce qui est beau, c’est, par erreur, bousculer quelqu’un… s’excuser machinalement, lever les yeux, et soudain perdre la parole, avoir le cœur qui s’emballe. Ou alors s’échapper de la piste de danse, se réfugier dans un coin sombre et là, tomber sur quelqu’un qui, comme nous, préfère le calme et la solitude. Ou, à un bal masqué, danser avec un partenaire dont les mouvement s’accordent parfaitement aux nôtres, dont le sourire nous fait chavirer… et découvrir, derrière le masque, qu’il s’agit de notre ami d’enfance, auquel nous ne prêtions même plus attention !
Lord Handerson écouta froidement ces bluettes.
– Et les aventures que vous nous contez là, elles arrivent souvent ?
– Non, c’est vrai, dit May. C’est en cela qu’elles sont belles.
Lord Handerson se leva et fit quelques pas, la tête penchée, dans l’attitude de celui qui organise ses pensées. Le sujet l’intéressait.
– Prenons une analogie. Vous allez au bord de la rivière dans l'espoir de trouver une pépite d'or. Vous savez à quel point elles sont rares. Quel serait le meilleur moyen de procéder ? Eh bien, votre solution, c'est de rester à l'endroit du ruisseau où vous ont portée vos pas, de retourner quelques cailloux, et d'espérer qu'en dessous il se cache un filon. Alors que moi, je me propose de ratisser l'ensemble de la rivière. Je me suis fabriqué un tamis à ma mesure, qui permettra d'éliminer les simples cailloux. Qui, de nous deux, a le plus de chance de trouver sa pépite ? Et ne croyez-vous pas qu'une alliance pour la vie mérite bien ces efforts ? Il me semble même que nous devrions tous procéder ainsi. Et pourtant on ne voit par le monde que des célibataires qui, un jour, trébuchent sur une pierre ou attrapent celle que leurs parents leur lancent, et se persuadent qu'ils ont trouvé leur trésor.

[L'École des loisirs, 2021, p. 35-36]
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Oh, il n’était pas lisse et joli comme ces fades gravures de mode, qui se font oublier sitôt qu’on les a admirées ! De touchantes oreilles décollées pointaient entre les mèches de ses cheveux châtains. Il avait cette allure un peu voûtée et dégingandée des grands jeunes gens qui ont poussé d’un coup, et ne sont pas encore tout à fait accoutumés à leur carrure.
Avec sa fortune, il lui aurait suffi d’avoir deux bras et deux jambes pour plaire à la gent féminine. Sans le moindre sens de la mesure, il s’offrait encore le luxe d’être charmant.

[L'École des loisirs, 2021, p. 33]
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Ces trois jeunes filles de la bonne société anglaise étaient de fort délicates créatures. Mrs Watkins pouvait être fière d'avoir produit ces jouvencelles aux fins cheveux blonds, à la mince ossature point trop tapissée de chair. Elle avait veillé sur leur taille étroite, leur avait appris à ne laisser échapper qu'un petit filet de voix. Il en allait des filles comme des bagages : moins elles prenaient de place, et plus elles seraient faciles à caser.

[L'École des loisirs, 2021, p. 14]
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Laissez les jeunes filles danser et, parées ou dévoilées, circuler dans la cité, ou bien il pourrait vous en coûter. Suivez les enfants inconscients, qui jamais ne doutent, n'hésitent ni ne tremblent.
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