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Flore Vesco (Autre)
EAN : 9782211310239
240 pages
L'Ecole des loisirs (03/03/2021)
4.17/5   833 notes
Résumé :
C’est un lit vertigineux, sur lequel on a empilé une dizaine de matelas. Il trône au centre de la chambre qui accueille les prétendantes de Lord Handerson. Le riche héritier a conçu un test pour choisir au mieux sa future épouse : chaque candidate est invitée à passer une nuit chez lui, à Blenkinsop Castle, dans ce lit d’une hauteur invraisemblable. Dormir chez un inconnu, sans parent ni chaperon ! Quoi de plus scandaleux pour une jeune fille de bonne famille ?
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Critiques, Analyses et Avis (289) Voir plus Ajouter une critique
4,17

sur 833 notes
On ne s'en rend plus compte tant ils nous sont familiers, mais les contes de fée sont décidément des histoires à dormir debout, absurdes au possible – sans parler de leurs petites morales d'un autre âge ! Pensez par exemple à La princesse au petit pois : sérieusement, auriez-vous jamais songé à choisir votre conjoint.e en fonction de sa propension à larmoyer au moindre inconfort ? Mais cela dit, êtes-vous vraiment prêts à découvrir le vrai de l'affaire ? Réfléchissez bien car vous risquez fort d'être ébouriffé.

De perle et de dentelle, d'argent et de bâillement, de draps et de ducats, de satin et de traversin, d'écus et de… Arrêtons-nous là, vous l'aurez compris, ce texte n'est pas pour les enfants (les miens l'ont donc lu avec avidité). À la lecture des aventures des prétendantes du richissime lord Henderson conviées à passer une épreuve des moins conventionnelles, on ne sait plus si on frissonne de plaisir ou d'épouvante. Blenkinsop Castle a quelque chose du manoir du comte Dracula, avec ses couloirs lugubres et ses mystères qui nous donneraient envie de tourner les pages plus vite. Mais pas trop vite, mais pas tout de suite : on prend le temps de profiter de tout. Délicieux dialogues sur le mariage et l'amour. Merveilleux personnage féminin qui fait voler en éclats tous les stéréotypes de genre. L'ironie qui vient décaper les contes, révélant leur saugrenuité et leur hypocrisie (les règles de bienséance passent vite à l'arrière-plan lorsqu'une fortune est en jeu). Et surtout, l'ode rare et savoureuse à la sensualité.

C'est avec un peu d'appréhension que nous avions écarté le baldaquin de lord Henderson : nos attentes étaient élevées comme une pile de matelas après avoir lu de cape et de mots ou L'estrange malaventure de Mirella ! Mais le sort a opéré, nous avons été enchantés par cette lecture étonnante et réjouissante, portée par de belles valeurs émancipatrices.

PS: Seule ombre au tableau : nous avons désormais lu tous les romans de Flore Vesco, longue sera l'attente jusqu'au prochain. Mon fils cadet espère une suite aux aventure de Louis Pasteur et Gustave Eiffel (peut-être consacrée à Clément Ader, comme pourraient le suggérer les indices qu'il a glanés dans les premiers tomes). Son frère et moi lirions volontiers une nouvelle adaptation de conte : s'il faut prendre des paris, je verrais bien Les habits neufs de l'empereur ou même La reine des neiges !
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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Il était une fois...
… un lord qui cherchait une épouse. Une nouvelle qui se répandit bien vite dans tout Greenhead. En effet, cela faisait des années que personne n'entendait plus parler de lord Handerson et de Blenkinsop Castle. Orphelin très jeune, on le pensait à Londres, chez un oncle, et le domaine à l'abandon...
… trois jeunes filles, Margaret, Maria et May, dont la mère, aussitôt cette nouvelle à son oreille, s'empressa de les préparer toutes les trois afin de se présenter au lord. Et ce, malgré l'exigence du lord, pour le moins choquante, voire déplacée à ses yeux, de les laisser passer la nuit au château, sans parents ni chaperon. Mais la rente de 80 000 livres n'en valait-elle pas la peine ?
… une domestique, Sadima qui, accompagnant ses maîtresses, fut de suite fort intriguée, et par le château et par la chambre où étaient empilés une dizaine de matelas moelleux...

Si les trois filles Watkins prennent leur courage à deux mains pour pénétrer Blenkinsop Castle et passer le test du lord, à savoir dormir sur ce lit composé de matelas, elles ne se doutent pas un seul instant de ce qui les attend réellement. Ni sadima, d'ailleurs. Aussi étrange, lugubre et secret ce château soit-il, l'on y pénètre avec l'envie folle de savoir ce qu'il cache, de même que ce lord, fort charmant, certes, mais surtout énigmatique et mystérieux. Flore Vesco revisite, non sans une pointe d'humour et d'ironie, les contes de notre enfance. Exit le prince charmant, la princesse (fut-elle au petit pois) et le beau château. S'il y est question d'or et d'oreillers, il y est aussi question de magie, de sortilège, de petit doigt, de chat, de tableau, de cendre, de journal... Original, virevoltant et moderne, ce conte nous plonge dans une ambiance fantastique absolument délectable d'autant que la plume, riche et inventive, s'avère joliment maniée.
Un conte savoureux...
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« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais clamer mon amour pour un roman de Flore Vesco. Je le dis solennellement : D'or et d'oreillers… j'te kiffe.

Or donc c'est l'effervescence chez les Watkins : le jeune, riche et beau lord du voisinage cherche une épouse. Toutefois, lord Handerson pratique des méthodes étranges : pas de bal, pas de jeux d'esprit lors de pique-niques, non. Les prétendantes doivent passer une nuit dans son château, et cette nuit déterminera si elles feront des épouses adéquates…

Ce roman réécrit un conte qui… mmh… attendez. le mieux, c'est de laisser parler la personne concernée. Je vous présente donc Mini-Déidamie ! Elle passait son temps dans sa chambre à relire ses bouquins jusqu'à les apprendre par coeur parce qu'elle trouvait que dehors, c'était nul. Alors Mini-Déidamie, tu le connais bien, ce conte ? Tu aimes La princesse au petit pois ?

-Nan, pas trop.

-Et pourquoi tu ne l'aimes pas ?

-Passqu'elle est peut-être une Vraie Princesse, mais si ça se trouve, elle est méchante, et le prince l'épouse quand même. C'est bizarre de se marier avec quelqu'un juste passqu'il supporte pas un petit pois. Je trouve que… c'est un peu débile.

-Hé bien, merci beaucoup Mini-Déidamie.

-J'peux regarder la télé, s'il te plaît ? C'est l'heure d'Ulysse 31.

-Ah, si Ulysse revient, il faut y aller, en effet. Zou, file.

La princesse au petit pois, quel conte inepte et sans intérêt ! Fort heureusement, Flore Vesco le dépoussière à fond en proposant une histoire amusante, pleine de profondeur et de sensualité, si, si.

Le début ressemble beaucoup au commencement d'Orgueil et Préjugés, l'ironie d'Austen en moins : les jeunes filles doivent être mariées, et la pression se dessine nettement derrière cet impératif.

-Alors, je t'arrête, moi, je trouve que ça ne ressemble pas du tout !

-Ah Méchante Déidamie, tu es là ?

-Ben évidemment que je suis là ! Mini-Déidamie s'est encore mise devant une de ses séries de l'Antiquité, tu penses bien que j'allais pas rester ! J'en peux plus, moi, de ces génériques ! Mais pour en revenir au bouquin, je ne suis pas du tout d'accord avec toi, Déidamie ! Rien dans le style de Flore Vesco n'évoque Jane Austen ! Ca va pas mieux, tu délires total !

-D'accord, pas dans le style, mais dans l'ambiance ! L'ambiance « mes filles doivent mettre le grappin sur ce beau parti avant qu'une autre ne le fasse » !

-Ouais, chuis pas convaincue.

-D'accord ! Alors on peut parler de l'humour de ce texte. La narration prend soin de collecter tous les clichés du conte et de la beauté pour mieux les tourner en dérision. Les personnages ne sont pas décrits minutieusement dans leurs perfections, s'ils en ont, elles sont moquées. En revanche, ce que j'ai trouvé intéressant, c'est tout le travail sur le corps : bridé par les convenances, brisé par les travaux, vecteur de plaisir et précieux outil.

L'héroïne se réjouit de pouvoir utiliser son corps à sa guise. Peu lui importe de ne pas représenter une beauté selon les standards en vigueur : elle se meut, elle choisit, elle affronte et son corps lui procure du bonheur non parce qu'il est beau, mais parce qu'il est efficace. le regard sur le corps reste positif: tu en as un ? Profites-en donc !

Ensuite, qui dit conte dit prince charmant et donc histoire d'amour. J'ai adoré cette histoire d'amour, présentée comme un jeu sensuel au cours duquel les partenaire se découvrent et tissent petit à petit leur complicité. Ca me fait penser à Jane Eyre, tu sais, quand Jane chahute avec M. Rochester, mais en plus sexuel et en tellement plus drôle ! Tiens, je vais le relire.

-Déidamie, tu cites encore des trucs qui n'ont rien à voir ! T'en sais rien, si l'autrice pensait à Jane Eyre, ni même si elle l'a lu ! Tu extrapoles et ce n'est pas rigoureux, comme démarche.

-Pardon ! Mais j'y peux rien, plus je lis de livres, plus je regarde de séries, plus j'ai l'impression que les oeuvres se répondent sans cesse entre elles. Comme le dit un glorieux philosophe de France Inter, Frédérick Sigrist*, « touuut est connectéééé ». En dernier lieu, l'aspect fantastique et horrifique de l'histoire a comblé ma peau de frissons délicieux ! Je ne m'attendais pas du tout à la tournure qu'elle prendrait.

D'or et d'oreillers offre une histoire d'amour positive et sensuelle, drôle et terrifiante à la fois, avec une héroïne forte et active. Depuis Cinder, j'ai l'impression que le prince prend le rôle de la princesse, et j'avoue que cela donne des récits intéressants, originaux et plaisants. Je le relirai avec plaisir, pour mieux admirer les finesses de la prose. »

*Animateur de l'émission et de la chronique Blockbuster.
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Un seigneur en quête d'épouse, un lit trop haut, une ritournelle, des murs avec des oreilles...ça vous parle ?
D'or et d'oreillers, ce n'est pas un conte mais des contes...changés, mélangés, étirés, bouleversés, détournés. Des contes d'autrefois détricotés et joliment assemblés par une autrice à la plume sensuelle et virevoltante et à l'imagination débordante . Une histoire de château, de femmes et de trop grande curiosité (mais la curiosité n'est pas toujours un vilain défaut 😉). Avec une pincée d'onirisme, un brin de magie et une pointe d'humour , Flore Vesco compose un récit mené tambour battant, ambiance victorienne tendance gothique, avec une héroïne qui ne s'en laisse pas conter (et un beau ténébreux bien sûr 🙄).
Un vrai plaisir de lecture.
Et cette couverture ! Superbe !
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Les contes de fées traditionnels dont la Princesse au petit pois ne sont que fadaises ! Dit la mère à sa fille, elle lui conte alors l'histoire de Lord Handerson, un noble convoité.

La voici ! Margaret, l'aînée, Marta, la cadette et May la petite dernière de la famille Watkins, 3 soeurs de la noblesse anglaise du 19e siècle se rendent, poussées par leur mère, au château du Lord pour tenter leur chance auprès de lui mais pour ce beau parti, un engagement pour la vie requiert un test, celui de passer une nuit dans une chambre mystérieuse au sein de son château dans un lit où sont entassés de nombreux matelas comme celui de la Princesse au petit pois.

C'est alors que Sadima,17 ans, la jeune femme de chambre au service des soeurs Watkins décide d'aller plus avant et de percer le mystère du lieu.

Durant son séjour au château, des phénomènes surnaturels se produisent à moins que ce soit son imagination qui ne lui joue des tours.

Une histoire étrange, de jeux amoureux dans laquelle l'onirisme et la magie le disputent au fantastique, l'absurde à l'humour et à la sensualité aussi. On y trouve un peu l'esprit d'Alice au pays des merveilles.

Un livre original et inventif.

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critiques presse (3)
Elbakin.net
14 mars 2022
Réécrire un mythe, réécrie un conte est toujours un exercice délicat auquel il est toujours difficile de se confronter. Ici, Flore Vesco nous démontre tout son talent, destinant son roman à tout âge.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Ricochet
17 août 2021
D’or et d’oreillers est (pour l’instant !) le sommet des œuvres de la brillante Flore Vesco. On y trouve d’abord son amour de la langue, des mots précis et précieux, inscrit dans la belle narration et aussi dans l’intrigue : ce sont les ritournelles nées de l’esprit de Sadima qui font avancer les événements. On y apprécie son goût pour l’histoire, car elle sait nous plonger avec justesse dans un siècle passé sans fausse note. Et son goût des histoires aussi, D’or et d’oreillers n’étant ni plus ni moins qu’une « revisitation » des contes (cruels) de notre enfance !
Lire la critique sur le site : Ricochet
OuestFrance
19 avril 2021
Depuis six ans, la romancière Flore Vesco collectionne les prix. Son sixième livre revisite « La Princesse au petit pois » avec une héroïne féministe.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
Citations et extraits (112) Voir plus Ajouter une citation
Mrs Watkins tira sur sa jupe, tapota son chignon, sonna pour le thé, s’assit, prit une longue inspiration. Quand le majordome annonça Mrs Barrett, elle affichait le détachement le plus distingué.
–Linda! Quel plaisir! dit-elle, et dans ces trois mots elle parvint à insuffler à la fois la surprise et l’enthousiasme.
–Ma chère! dit Mrs Barrett, qui de son côté n’insuffla rien, étant très essoufflée.
Mrs Watkins versa le thé, offrit un biscuit et toutes les petites phrases d’usage. Elle s’en débarrassa aussi vite qu’il était acceptable : platitudes sur les confitures préparées par sa cuisinière, les camélias qui égayaient les parterres en hiver, le dernier bal qui datait de si loin.
Enfin, Mrs Barrett reposa sa tasse, poussa un soupir et sembla prête à lâcher le morceau. Mrs Watkins se pencha en avant. Elle était presque tendue, ce qui était une véritable gageure dans ce corps tout en mollesse : chignon tremblotant, lèvres affaissées, cou plissé, épaules tombantes, ventre coulant. Les chairs flasques de Mrs Watkins ne tenaient ensemble que par une volonté de fer. Cette énergie brûlait dans un unique but : bien marier ses trois filles.
Les boucles de Mrs Barrett s’agitaient sous son bonnet, tant elle brûlait de parler.
–Ce biscuit est délicieux, dit-elle. Vous féliciterez la cuisinière pour moi.
Mrs Watkins, sur les charbons ardents, la remercia.
–Mais j’oubliais! Bien sûr, vous avez appris la nouvelle? ajouta Mrs Barrett.
Mrs Watkins secoua impatiemment la tête. Même le majordome, debout dans un coin du salon, inclina une oreille.
–Vraiment? Vous ne savez donc pas?
Mrs Watkins était sur le point d’imploser. Heureusement, Mrs Barrett ne pouvait contenir plus longtemps sa révélation.
–On raconte que le fils de lord Handerson se cherche une épouse! s’écria-t-elle.
–Comment?
Mrs Watkins faillit en lâcher sa tasse. Comme la nouvelle était proprement révolutionnaire, elle répéta: «Comment?» encore une ou deux fois, sous le regard satisfait de Mrs Barrett.
–Mais je croyais Blenkinsop Castle déserté! dit-elle enfin. Le domaine est à l’abandon! Son fils? Mais oui, il avait pourtant un fils! Il y a si longtemps... Je le pensais, peut-être, parti à Londres, chez un grand-oncle... ou dans les colonies... qui donc se souvient de lui? Tout cela est si loin!
Mrs Watkins en perdait sa syntaxe. Mrs Barrett, étant passée par la même commotion quelques minutes plus tôt, opinait vigoureusement.
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- Un doigt, un oeil, votre langue... est-ce tout ? demanda-t-elle. Pensez-vous qu'une autre partie de votre corps, une partie que je ne saurais nommer, me rendra visite, un soir ?
Adrian en resta un instant coi. Puis il éclata de rire.
- Hum... disons que je répugne un peu à m'en séparer, de ce morceau-là. Et puis c'est un risque. Quand je glisse un bout de moi dans le lit, c'est une intrusion, certes, mais aussi une offrande. Mon petit doigt, si vous l'attrapiez, vous pourriez le garder pour vous. Il est chaud et vivant, je suis sûr qu'il vous plairait. Il est des amants passionnés, autrefois, qui n'ont pas hésité à donner leur coeur. Et des femmes exigeantes qui s'en sont saisies sans hésiter, pour enfermer l'organe dans un coffre et l'enterrer dans un endroit secret. L'amoureux était alors à leur merci... Dieu me garde de perdre ainsi cette partie si essentielle de mon anatomie !
Lors Handerson prit Sadima par la taille et chuchota à son oreille :
- Je préférerais plutôt être invité à vous rejoindre en entier dans votre lit.
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- Maman, maman, dites-moi ! Est-ce qu'ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants ?
- Voyons, petite sotte ! Quand comprendrez-vous qu'il ne faut pas croire ce que disent les contes ? Le bonheur, sachez-le, repose plutôt sur la qualité des enfants que sur leur quantité.
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« Sadima n’avait pas envie de lui ouvrir sa coquille. Mais cet œil désirant et nacré lui plaisait. Elle ne fit entrer que ce regard qu’il lui avait lancé. Elle referma, se replia sur elle-même, et rêva de cette œillade. Elle se la raconta encore et encore, la rejoua, la façonna à sa guise. C’était comme un grain de sable qu’elle tournait et retournait pour le lisser. Elle polissait la perle et la peau lisse s’arrondissait. L’amoureux la regardait, son œil luisait, la perle brillait. Une tension impérieuse enflait en elle. La perle pulsait comme un point, en suspension… Maintenant Sadima connaissait cette ponctuation. Elle savait se mener jusqu’au point d’exclamation, lancer le sort qui laisse le corps content. Elle avait trouvé son pouvoir. Sa jouissance était une puissance. »
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– J’ai une idée, chuchota Adrian. Ferme les yeux. Et à chaque expiration, débarrasse-toi d’un organe, jusqu’à être vide.
– Vide ?
– La peur se loge dans les entrailles. Elle coule dans les méandres des méninges et de l’intestin. Une solution, c’est de faire le ménage. Ôte la ventraille, les tripes, les tissus mous gorgés d’anxiété. Un pancréas, je te le demande, à quoi donc est-ce que ça te sert dans l’immédiat ? Vire-moi donc le foie, la moelle épinière, le diaphragme, les reins, l’estomac, la vésicule biliaire, la glande typhoïde, le pharynx, l’œsophage, le thymus, le côlon, la rate. Ça fait de la place, sans ça, hein ?
À chaque organe qu’il nommait, Sadima se sentait de plus en plus légère, délestée de ces tripes lourdes et encombrantes. Elle n’était plus qu’une oreille, portée par la voix calme et chaude d’Adrian.
– On garde la peau, qui réagit aux sensations, et les muscles, qui se contractent plaisamment sous l’épiderme, continua Adrian.
L’oreille de Sadima était reliée à une enveloppe sensible, vacante et libre. En effet, maintenant qu’elle était quitte de ses viscères, elle voyait toute la place dégagée, prête à être remplie autrement. Par du plaisir. Ou, pourquoi pas, un amoureux.
Adrian passa la main sur ses hanches pour faire remonter sa chemise. Elle releva les bras. Il lui ôta le vêtement et posa une paume sur sa peau. Elle s’aperçut que cette main tremblait légèrement. Elle rouvrit les yeux.
– Je n’ai pas un morceau manquant à chercher, moi… dit-il d’un ton hésitant. Alors, euh… en l’absence de direction, est-ce qu’il y a un ordre à suivre ? Je veux dire… un programme que tu préfères ? Enfin, sinon, j’improvise, je suppose.
Sadima lui sourit. Elle s’aperçut qu’ils n’étaient plus que deux dans la pièce. La peur avait définitivement décampé. Elle venait de trouvait le courage de se montrer vulnérable. Il lui plaisait infiniment d’être nue et de se laisser aller. Elle posa la tête sur l’oreiller et ferma les yeux.

[L'École des loisirs, 2021, p. 179-180]
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