Citations de Francine Carrillo (19)
Dans le matin bleu
laisse jouer le silence
cueillir la caresse suspendue
aux rideaux de la chambre
déjà la vie frémit
sous la simplicité des choses:
le pierrolaire
né autrefois
le tabouret de sapin
taillé dans la rudesse des jours
les fleurs de montagne
fragile hommage aux enfants
aux carreaux de la fenêtre
un mélèze ouvre le ciel
annonçant une neuve douceur
(p. 27)
S'asseoir
au matin
sur un linge
de silence
au vif
de la présence
laisser couler
en soi
le sable
de l'instant
A fouler
le pré de l'été
chaque pas
soulève
une offrande
un poudroiement
de graminées
un souffle bleu
de papillons
une invitation
à célébrer
les noces du regard
et de l'instant
Ciel plombé de néant
[…]
Rues labourées de silence
une à une les histoires s'effritent
l'humanité se craquelle
les cœurs sont lézardés
où recueillir la dernière buée
d'espérance ?
(p. 13)
Le Plus-que-vivant
ne meurt pas
d'une belle mort
il choisit d'être
un homme interrompu
il entre dans le rang
des bannis à qui
ne reste que le cri
hurlé
des bas-fonds
de l'épouvante
Que je dorme ou je veille
Que je parle ou je me taise
Que je marche ou je me repose
Que je rie ou je pleure
Que je sois en paix ou en souffrance
Donne-moi, Seigneur, d'être
Avec toi, en toi et pour toi
Toi qui es avec nous, en nous et pour nous
Aujourd'hui, demain et pour les siècles des siècles !
On vit parfois sans être là
On effleure les heures en funambule
On marche dans les rencontres en somnambule
On se laisse faire et défaire
Par le ressac des jours
Et l’on se retrouve soudain
Jeté sur un rivage dont on n’a pas la clé
Par paresse et par facilité
On aimerait que vivre aille de soi
Mais rien n’est donné sans que nous soyons là pour le désirer
Je suis de glaise
Tu es de souffle
je suis de cendre
Tu es de braise
je suis de miettes
Tu es de pain
je suis de larmes
Tu es de source
je suis d'impasses
Tu es de chemin
je suis d'absence
Tu es de veille
je suis de houle
Tu es de paix...
viens rouler la pierre
de mes enfermements
que Ta vie enfin
traverse de Toi à moi !
Commencer
par asseoir
sa journée
sur un linge
de silence.
Descendre
au profond
de soi,
en dessous
des maux,
en dessous
des mots,
dans ce lieu
sans lieu
où s’annonce
la rencontre.
Ne rien vouloir
sinon
être là,
dans l’ouverture
à ce qui vient.
Se laisser
faire
et défaire
par la pulsation
de l’éphémère
jusqu’à
cet agenouillement
du dedans
qui signe
la vraie
prière.
Nous sommes ce que nous abritons et consentons à partager au large de l'amour, jour après jour.
La vraie joie prend par surprise,
elle surgit moins de ce que l'on prévoit
que de la réponse que l'on offre à ce qui arrive.
Aux matins pluvieux comme aux matins heureux,
aux heures tragiques comme aux heures magiques,
il n'y a d'autre bonheur que celui de répondre présent.
Alors, vient le souffle de rester debout
et cette douceur du lointain quand on ouvre les mains
pour accueillir ce qui aujourd'hui sera pain.
Quatre lettres incandescentes, à peine une trace, pour raconter l'ombilic de la vie, l'origine du souffle qui porte le cri du nouveau né et recueille l'agonie du mourant
Cherche encore
va devant
passe les vallons
foule l'herbe des champs
enjambe l'horizon
épouse le vent
et tu verras
que chaque pas
est une moisson
(p. 73)
Ce n'est pas du dernier Jour dont il faut nous occuper - c'est l'affaire de Dieu -, mais de l'avant-dernier, de tous les avant-derniers, en veillant à ne pas perdre cœur, mais à rester vivants, solidaires et responsables les uns des autres. Kafka n'a-t-il pas dit : "Le Messie ne viendra que lorsqu'il ne sera plus nécessaire, il ne viendra pas au dernier jour, mais le jour d'après"? Nous aimerions que Dieu s'occupe de tout et nous apprenons qu'il n'est Dieu que lorsque nous le laissons vivre en nous et à travers nous !
Pourquoi toujours en nous cette résistance à croire que la présence de Dieu au monde n'est pas la fulgurance d'un pouvoir mais la persévérance d'un amour?
Nous sommes des êtres de désir,
en quête d'un visage
qui devienne pour nous paysage,
vallée ou colline, clairière ou sentier,
aux senteurs des sillons
aux couleurs des saisons.
Nous sommes des êtres de rencontre,
créés pour la relation,
bâtis dès l'origine en "je" et en "tu",
inspirés par cet entre-deux
qui n'en finit pas de nous questionner.
C'est la tendresse qui parle à la colère pour y glisser une autre lumière.
La grâce n'est rien sans l'homme qui ose la recevoir.
Si Dieu existe, c’est assurément comme question, du côté de la question, celle qui empêche la vie de s’effondrer sur elle-même. Si Dieu existe, il ne peut être que du côté de l’in-quiétude, dans le point d’interrogation qui nous déloge d’un trop-plein d’assurance ou de somnolence et inquiète notre responsabilité pour le monde et pour autrui.
p.35