- Donc je raconte l'histoire de cet ami qui fume encore ? Je chante sa frustration, son mal de vivre sans sa cigarette ?
- Voilà ! Tu sais, avec des images du style : ils ont commencé avec Lucky Luke en lui mettant un brin d'herbe au bec, puis ils ont viré la clope des doigts de Sartre sur les photos des journaux... Chronique d'une dictature comportementale annoncée...
- Je ne me vois pas chanter ça, lâche Michel.
Vlan ! Je prends ça de plein fouet. J'ai cru que c'était gagné et non. Je rue dans les brancards, pour la forme.
- Mais Michel, c'est un thème social aussi costaud que Les Divorcés ou Le Chasseur... On a le backround politique et social, c'est le thème delpechien par excellence ! On ne peut pas laisser le tabac se laisser laminer comme ça, c'est trop sectaire, trop unilatéral pour être recevable. Courons au secours de la minorité écrasée. Comme un clope en bout de course.
Mon argumentaire a des allures de combat teinté d'affaire personnelle alors que ça fait vingt-cinq ans que je n'ai pas tiré une taffe.
- C'est le mec qui parle de son copain qui fume qui me gêne.
Je reprends un peu espoir.
- Il faut rendre la cigarette sympathique, poursuit Michel. Faut qu'on oublie qu'elle est dévastatrice et qu'elle envoie ad patres cinq cent mille Français par an.
- On va quand même pas dire qu'elle dégage les bronches ? !
Et, presque dix ans plus tard, lors du deuxième album, tout a basculé. J’étais toujours autant médium, mais lui était devenu plus réceptif. La mort de son meilleur ami et compagnon de route dans la chanson – ils fonctionnaient en binôme auteur-compositeur – l’avait rendu plus à l’écoute, plus disponible spirituellement. Ainsi, dès que je lui ai donné des « nouvelles » qui m’arrivaient de son ami, les choses ont pris une tournure incroyable. Je lui apportais la preuve que son ami compositeur, son « frère », n’était pas mort. Que sa conscience, avec tout son passé, tout son vécu, toutes les traces de son amitié avec lui subsistaient ailleurs, dans une autre dimension.