Toute ma vie je n'ai su qu'écouter dévotement : ma mère moulin à paroles, mon père qui savait tout sur tout, mes maîtres d'école itou, ma femme jusqu'à ce qu'elle se tire parce que je passais mes nuits à me taper les insomniaques à "SOS nuit blanche, j'écoute !..." Je ne suis qu'une énorme oreille en forme d'entonnoir.
Il est comme suspendu, lourd de tous les possibles, le moment où retentit la sonnerie de la porte de mon cabinet de psy pour un premier rendez-vous... Quel homme, quelle femme en souffrance, talonné par quels démons gloutons vais-je rencontrer ? Quelle forme inédite a pris la vie de cet humain avant qu'il ne franchisse le pas de ma porte ?
La moitié de mes clients se plaint de vivre l'enfer en couple, et l'autre moitié se plaint de vivre l'enfer tout seul... Tout le monde tangue dans ce domaine !
- "Oui"... "Non"... C'est pas dans votre vocabulaire ?
- Je préfère "il se peut"...
Ce sera mon épitaphe : "mort guéri, heureux comme un con" ! "
- Oui ?
- Je viens pour un vol...
Devant mon air interrogateur, il insiste :
- Un vol abominable...
- ... Excusez... Je ne suis pas de la police...
- On m'a volé mon âme !
- ?...
A ma mine perplexe, il ajoute :
- Je sais, ça paraît bizarre... Moi non plus je croyais pas ça possible. Mais c'est authentique.
Nos clients tiennent trop à leurs démons pour les abandonner sans rechigner, même au psy le plus émérite.
Comment vous débrouillez-vous pour paver votre enfer de gaillards qui, tous, alimentent votre haine de la gent masculine en un grand feu de joie satanique ?