Frank Dubost

J'aurais voulu écrire un roman, un jour de pluie, sur une table désertée par ses étudiants à la première goutte d'eau. Je me serais assis là en face de la cathédrale, tout en regardant les gens courir sous l'eau. La chaise n'est pas encore tout à fait trempée, mais je sens déjà l'humidité sous l'étoffe. Alors sous le regard amusé d'un clochard sous son arbre, j'aurais sorti deux feuilles de papier, juste deux, pour ne pas mouiller toutes les feuilles à la fois. Et puis, j'aurais sorti un stylo à plume à l'encre violette, qu'elle m'aurait offert un jour d'orage.

La vie et la société ont des natures de chien, elles vous pissent dessus un jour et vous font la fête un autre jour. Mais une fois que l'on vous a pissé dessus, l'odeur est tenace.

Te souviens-tu ce soir là comme on avait joué à se détester, comme tu avais demandé de cacher mes yeux, comme tu avais tiré les poils de mon bras, intriguée ? Te souviens-tu ce soir là après la pluie en marchant de Laïka jusqu'à chez toi tu avais pris mon bras pour y réchauffer tes mains, on était passé près du dépanneur poète aux étoiles et puis au coin de Sherbrooke et Saint Denis, on s'était embrassé.

Les corps en mouvement, les coeurs en balance dans la foule des tam-tams, sensualité des boucles de cheveux sur ses épaules à elle, ses muscles plus tendus que la peau de son tambour pour lui, transes et regards. la foule en grande réunion copulatoire musicale.

J'aimerais vous dire que l'intime existe mais qu'il n'est en rien la vie privée, que ce sont là deux notions qui sont confondues aisément. L'intime est très souvent présent, il fait partie de notre quotidien, alors que la vie privée n'existe pratiquement pas.

Alors, bouts de bois flottants, pierre dans le creux de la main, et de toutes mes forces je jette au loin pour que d'un cercle j'enveloppe le monde de mes désirs. Il est 3h, peut-être plus. La nuit est blanche et je ne suis pas sombre.

Elle est arrivée, avec le parfum magique de la première rencontre, avec le sourire doux et élégant du matin calme, avec la voix d'un lointain ailleurs chargé de baie, d'images et de couleurs, de sons du sud-est asiatique.

Je ne cesse pas de peindre mon environnement avec mes rêves, mes rêves éveillés.