Rencontre littéraire animée par Jacques De Decker avec Frédéric Saenen pour son ouvrage "Drieu La Rochelle face à son uvre", éd. Infolio, organisée à la Bibliothèque des Riches Claires le 23 octobre 2015 dans le cadre des Coups de Midis des Riches Claires.
Je n'avais pas tenu ma promesse. Le soir même du jour où il m'a rendu l'enregistreur, je n'ai pu m'empêcher d'appuyer sur le bouton Play. J'ai écouté la voie ténue de cet homme me parler de sa vérité et de ses mensonges, de sa réalité et de ses rêves. Et tout cela était identique au fond. Tout cela se confondait pour former une vie. Sa vie. Par la suite, j'ai passé de longues soirées à naviguer sur des sites consacrés aux "dossiers noirs" des années 80.
— Je descends à la cave, chercher un truc !
De toute façon, elle n’a rien entendu. Encore le cul planté devant ses séries à la mords-moi-lenœud, avec le poste poussé à fond et le cendrier qui déborde.
L’ampoule nue est presque trop faible pour éclairer tout ce bordel. C’est bien parce qu’il y a cette saleté d’humidité, sinon je devrais venir plus souvent ici, je parie qu’il y a plein de quincaillerie que je pourrais refourguer sur une brocante ou l’autre. Tous ces outils presque neufs, plusieurs dans leur emballage d’origine, qui doivent valoir un petit pactole. Raison de plus de s’en débarrasser maintenant qu’il n’y a plus personne pour s’en servir.
« La maison va tantôt se replier en quatre ici, à cause de toutes les bièstrèyes de ton père. »
« J'aurais bien fait des pâââtes, mais j'n'ai pas eu le courâche. Veux-tu des œufs ? »
« Nooaan, mercè, n'ai vrayement pas faim, manch'hein, toi, m'fi. »
Encore le cul planté devant ses séries à la mords-moi-le-nœud, avec le poste poussé à fond et le cendrier qui déborde. (...)
Ma mère, avec sa préretraite dépensée à chauffer le skaï d'un divan, à s'encrasser les bronches et à attendre la thrombose.
Elle s'assied, comme d'habitude, à l'extrémité de la grande table de la salle à manger, où elle a déjà déposé la soixantaine de copies de ses classes. Deux bics rouges côte à côte, au cas où la panne sèche surviendrait, c'est l'immuable rituel (...)
Anaïs (...) était animée d'une constante volonté de dépassement et, progressivement, elle s'était hissée au rang des meilleures du modeste corps de ballet amateur dont elle faisait partie.
Pourquoi cette angoisse de l'obstruction de mon gosier? A quoi tient cette peur, me saisissant encore aujourd'hui au moins une fois par repas, que la nourriture passe par "le trou du dimanche", comme le dit l'expression wallonne, et qui suscite ma phobie de ces aliments filandreux, ruminables à l'infini, impossibles à disloquer - le jambon de Parme par exemple, les haricots mal effilés, les asperges?
La vengeance, c'est dans la tête quand la méchanceté a mangé toute la gentillesse et qu'on devient fou à cause de ça.