La section Lucky, un roman renversant.
Maman aimait courir, toujours tôt, à l’air frais du matin, quand aucun bruit humain n’amoindrissait son plaisir. Connaissant tout à fait son parcours, passant ici sur un tapis d’ajoncs, là dans un amas d’imposants cailloux (du granit). Maman oubliait son mal. Courir ainsi la transportait loin du tracas qu’on lui causait à l’hôpital. Un jour, Maman n’a plus voulu qu’on lui administrât aucun soin palliatif. Courir sur son îlot fut son calmant final. Un lundi matin, son corps raidi tomba du lit : la mort, l’Ankou, avait fait son travail dans la nuit. Papa hurlait. Dormant non loin, j’avais tout compris. Plus jamais sa voix n’apaisa mon chagrin. Plus jamais son parfum n’adoucit mon affliction. Jamais plus nous n’aurons l’occasion d’unir nos mots d’amour.
- Oui, Astérix est mon héros préféré.
- Alors nous allons écrire à la gloire d'Astérix le Gaulois. Tu vas sortir de ton jeu de LEXICON les lettres qui composent cette expression.
Erwan s'exécuta. Il y avait les sept lettres toutes différentes d'Astérix auxquelles s'ajoutaient les quatre autres qu'on trouvait dans le Gaulois. Onze en tout, donc.
- Et maintenant ? questionna Erwan.
- Voilà. Désormais l'utilisation de ces seules lettres t'est autorisée. Tu peux les répéter autant de fois que nécessaire dans ton texte, mais aucune autre ne sera tolérée, et toutes devront y figurer. Ainsi la présence d'Astérix le Gaulois sera perceptible dans le moindre mot, ton texte transpirera Astérix le Gaulois !
Erwan trouva d'abord que onze lettres, c'était trop peu pour écrire, vu qu'il en avait vingt-six d'habitude à sa disposition. Puis il remarqua que les cinq voyelles les plus courantes y figuraient, de même que les précieuses S, R, T, L, assez répandues dans la langue française.
Elle lui avait raconté qu’elle c’est constituait un herbier avec toutes les espèces trouvables sur l’île, dont certaines rares comme l’asphodèle d’Arrondeau ou l’orchis pyramidal. Elle possédait aussi une collection de minéraux, également issu de Groix. Elle parlait de grenats, d’epidotes et de glaucophanes. C’était une jeune fille passionnée et passionnante qui aimait plus que tout son « gros cailloux verdoyant ».
Les cartes parfaitement alignées sur son bureau, juste au-dessus de son petit carnet blanc, l'élève s'appliqua dans un premier temps à noter tous les mots lui passant par la tête et répondant à la contrainte. Cela allait de rusé à guerrier, en passant par étoiles, grassouillet ou extraterrestres. Son inventivité était sans limites et Gaspard appréciait cette fraîcheur. Alors que la journée touchait à sa fin, Erwan remarqua un détail qui lui avait jusqu'ici échappé.
— Gaspard, tu n'as pas fumé une seule cigarette depuis ton arrivée. Tu as oublié d'en prendre ? – Non. Je me suis toujours promis d'arrêter avant d'y être obligé. D'ailleurs, même Lucky Luke a récemment troqué son vieux mégot contre un brin d'herbe, tu as remarqué ? Il faut sans doute donner l'exemple à la jeunesse...
Ce qu’il espérait enseigner avant tout à ces joyeux gamins, c’était l’art de voir le monde d’un point de vue différent, juste en fermant un œil ou en faisant un pas de côté. p.100 - liseuse