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Critiques de Frédéric Thomas (13)
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Cette soif inassouvie d’une vie à changer

Je tiens tout d'abord à remercier Madame Françoise Vercruysse des Éditions du Cérisier à Cuesmes en Belgique et Babelio pour l'aimable envoi du présent livre dans le cadre d'une opération masse critique.



Les auteurs ont dédié leur ouvrage à la mémoire de Semira Adamu, née au Nigeria en avril 1978 et morte étouffée par des policiers belges lors d'une tentative d'expulsion, le 22 septembre 1998 à Bruxelles, après le rejet de sa demande d'asile. La pauvre avait tout juste 20 ans.



En 1960-1961 ont eu lieu les plus importantes grèves générales dans l'histoire du Royaume, qui ont duré virtuellement 6 mois. À l'origine un surendettement du pays à la suite de l'indépendance du Congo le 30 juin 1960 et la présentation d'une loi par le gouvernement visant un vaste programme d'austérité, à savoir la "Loi unique" promulguée le 14 février 1961.



J'avais 14 ans à l'époque et j'étais interne dans un collège à Gand, aussi bien que mes souvenirs sont assez vagues, sauf en ce qui concerne les effets pratiques d'une paralysie de l'ensemble des services publiques, tels les transports, et que j'allais retrouver 8 ans plus tard le personnage le plus critiqué, le Premier ministre Gaston Eyskens, comme mon prof d'économie à l'université de Louvain.



Pendant ce temps à Bruxelles des intellectuels idéalistes et gauchistes se réunissaient pour discuter et promouvoir une révolution radicale de nature à assurer le bonheur des simples ouvriers en instaurant des Conseil de travailleurs qui remplaceraient les syndicats, considérés trop bureaucratiques et inefficaces.



C'est dans un café, situé 176 avenue de Fré à Uccle-Bruxelles, gérés par les écrivains Robert Dehoux (1925-2008) et son épouse Clairette Schock (née vers 1940) que les grandes délibérations eurent lieu.



Anecdote marrante : c'est Hubert Nyssen (1925-2011) écrivain et fondateur des Éditions Actes Sud et père de l'ancienne ministre de la Culture française 2017-2018, Françoise Nyssen, qui a eu l'idée du nom pour le café, observant par hasard la housse d'un disque de l'opus 3 des concertos d'Antonio Vivaldi "Estro armonico" ou invention harmonique, qui traînait sur la table près de laquelle il était assis.

Un nom exotique qui causait de la confusion auprès des gendarmes du coin qui croyaient qu'il s'agissait d'un bordel.



Je vous laisse découvrir les questions débattues par une ribambelle d'auteurs et de personnalités plus ou moins connues, comme par exemple Raoul Vaneigem, André Frankin, Guy Debord, Jo Dekmine, Attila Kotany, Louis Scutenaire, Francis Blanche, etc.



Dans un deuxième chapitre l'auteur Frédéric Thomas rapporte les entretiens qu'il a eu, en 2019-2020, avec Clairette Schock, ce qui permet de revivre la glorieuse épopée de l'Estro armonico.



Le chapitre suivant est réservé à des documents : la fondation du Pouvoir Ouvrier Belge (POB) et une feuille "Alternative" s'adressant "à tous les travailleurs parce que tous les travailleurs sont placés devant une alternative" : la démocratie truquée ou le pouvoir des travailleurs.



Le quatrième et dernier chapitre offre un extrait de l'ouvrage de Robert Dehoux et Clairette Schock "Teilhard est un con", paru en octobre 1962, avec le message : "Dieu étant mort, la totalité de ses pouvoirs et de ses fonctions reste à reprendre."

Une antiquité de 44 pages vendue aujourd'hui entre 60 et 150 euros sur le Net.



Sur la couverture du livre figure un tableau de Joseph Ghin "Le masque et les grands hommes" de 1992, avec sur la droite l'effigie du roi Léopold II de Belgique.



En guise de conclusion, je dirais que ce petit livre de 137 pages constitue une curiosité à la fois instructive et relativement captivante.

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L'abominable secret du cancer

Je rejoins l'avis de CaroBouquine concernant le titre de cet essai qui lui semblait trompeur, « l'abominable secret du cancer », car pour ma part par exemple, « les formidables et étonnants secrets du cancer» me semblerait plus juste…. Nulle part en effet on ne vous aura parlé du cancer (l'horrible crabe), comme ça !

Pourquoi ? parce que tout simplement jamais personne ne vous dit les choses telles qu'elles sont et basta ! Tout à la fois dans leur "terrifiance" et leur beauté ! la vie, notre vie, notre condition biologique dans toute sa réalité !

Un livre qui se lit comme une aventure, celle de notre espèce, de vous , de nous... juste magnifique.

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Cette soif inassouvie d’une vie à changer

J’ai reçu ce livre au cours d’une Masse critique de Babelio, des éditions Cerisier et je les en remercie.



Lorsque dans la liste des ouvrages proposés, j’ai vu ce titre, j’ai été très intrigué. Le sous-titre était également assez énigmatique « De la « Grève du siècle » à l’Estro armonico.



J’ai fait des études d’histoire et je dois bien avouer que je n’avais jamais entendu parler de cet événement que fut la « Grève du siècle ». Ce grand mouvement bloqua une partie de la Belgique à l’hiver 1960-1961. La grève trouve son origine dans une lutte contre un programme d’austérité du gouvernement. Elle fut particulièrement suivie en Wallonie. Elle est aussi pour certains le point de départ ou une continuité pour des mouvements de luttes populaires et politiques.

Enfin, ce mouvement est inscrit par certains protagonistes dans une histoire plus vaste dont les événements les plus proches seraient l’insurrection de Budapest en 1956 et Mai 1968.



L’ouvrage se découpe en plusieurs parties, pour faire simple : d’abord une présentation générale de la situation de l’époque, ensuite un entretien avec Clairette Schock et enfin des reproductions de documents.



La première partie est assez dense avec une « présentation » les différentes factions politiques, idéologiques, intellectuelles à l’oeuvre pendant cette période. Quand on ne connait pas bien cette histoire, c’est parfois un peu ardu de s’y retrouver mais tout à fait passionnant. Je pense que je relierais cette partie plus tard.

On y rencontre notamment le P.O.B (Pouvoir Ouvrier Belge), l’I.S. (Internationale Situationniste), SouB (Socialisme ou Barbarie).

Il y a également les femmes et les hommes qui ont fait ces mouvements : Clairette Schock, Robert Dehoux, Guy Debord, Raoul Vaneigem, Attila Kotanyi, etc.



Personnellement, j’aurais aimé avoir une histoire un peu plus développée de cette « Grève du siècle ». Mais il me suffira de me documenter à côté pour compléter cette lecture.



La partie que j’ai le plus appréciée, est la seconde, l’entretien avec Clairette Schock, sa vie, son projet fou l’Estro armonico.

On y suit une femme pleine de vie, d’espoir et d’utopie dans une époque qui peut nous sembler un peu éloignée avec des femmes souvent en retrait, une Belgique possédant le Congo depuis le cadeau fait par Léopold II, des utopies politiques…

La description que fait Clairette de la vie au Congo belge est très intéressante et tout à fait édifiante. On y voit des petits colons maltraiter, exploiter et mépriser une population locale qui ne pouvait que finir par se révolter comme le pressentait Clairette. Elle se souvient également de la quasi impossibilité de s’écarter du modèle coloniale sur place sous peine d’être mis à l’écart ou menacé, que ce soit pour les populations blanches ou noires. Chacun devait rester dans son groupe et les mélanges étaient bannis.

Clairette raconte ensuite ce lieu, cette utopie créée avec Robert Dehoux, l’Estro armonico. L’adresse bien connue a vu passer des centaines de penseurs, d’artistes, d’anonymes, tous attirés par l’ambiance et les patrons.

Il est difficile de se faire une opinion définitive du lieu et de Robert Dehoux notamment, car entre la première partie, l’entretien de Clairette Schock et celle de Raoul Vaneigem, il y a parfois de grands écarts.

Ce qui est certain, c’est que le lieu fut un point de chute agréable, vivant, utopiste et qu’il permit de belles rencontres. A la fin de cette lecture, on a juste envie de rencontrer Clairette et de parler avec elle pendant des heures.



Enfin la dernière partie, avec ses documents reproduits était également très intéressante. J’ai particulièrement été intéressé par la reproduction du numéro d ‘Alternative. Beaucoup moins par celle de « Teilhard est un con » qui m’a beaucoup peu intéressé et dont je ne garderais pas grand chose.



Je garderais de ce livre un très bon souvenir et je sais que je relierai certains passages à l’avenir.
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Rimbaud révolution

Au bord du saut à faire pour recroiser l’action, le rêve et la liberté



« Prière d’incinérer. Dégoût ». En introduction, Frédéric Thomas revient sur ces trois mots griffonnés sur un bout de papier, épinglé au revers de la veste. « A 35 ans, René Crevel, enfermé chez lui, les portes, les fenêtres – et tout le reste – hermétiquement closes, le gaz allumé, oubliait de mettre l’allumette »..



La mort, le suicide, la lumière noire.



« « Transformer le monde », a dit Marx ; « changer la vie », a dit Rimbaud : ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un ». N’en est-il pas encore ainsi ?



L’auteur se propose de mettre en évidence des analogies ou des affinités, d’éprouver leur stimulation, de parcourir le réseau souterrain des correspondances, de souligner les communes mesures du capitalisme au prisme de l’émancipation, de revenir sur l’expérience de la Commune…



Arthur Rimbaud et Karl Marx. La Semaine sanglante, Adolphe Thiers et Patrice de Mac Mahon (si une campagne politique a permis hier de débarrasser un certain nombre de ville des rues au nom de l’assassin, il reste jusqu’au cœur de la capitale un avenue glorifiant le maréchal sanglant, de la conquête coloniale de l’Algérie à la répression de la Commune), la volonté d’« ériger, sur les ruines de l’« orgie rouge », l’ordre », des condamnations, des exécutions, des déportations, et le spectre de l’émeute hantant toujours les « ministres de intérieur ».



Verlaine, Rimbaud, Illuminations,Une saison en enfer. Frédéric Thomas discute de poésie, « c’est évacuer la possibilité d’un dire politique dans et à partir de la poésie, qui n’emprunte pas cette voie-là et dessine un autre mode d’engagement », de frontières non étanches, de mauvaises fréquentations, de la « promesse d’une commune émancipation », de l’expérience communarde, de lettres « écrites au futur, tendues vers l’avenir »…



Les ensorcellements du capitalisme (dont le fétichisme de la marchandise), les rapports de duplicité dans la société bourgeoise, la réduction des êtres humains aux automates, le temps (« un temps vidé et forcé, aligné et subordonné à l’accumulation du capital ») et son économie, la disparition de l’histoire « sous le mythe du Progrès ou sous la neutralité, la naturalisation de rapports sociaux, proclamés lois éternelles de la nature et de la raison », le temps forcé et le temps volé, la tyrannie du temps mort consacré par l’horloge…



Comme l’écrit l’auteur, « la poésie interrompt un instant la chaîne, en donnant libre court à une expérience différente du temps ». Il faut insister sur ce qui se dérobe au monde établi, le temps réinventé et éclairé « qui dessine d’autres lignes de fuite entre le passé, le présent et l’avenir, entre la mémoire et la prégnance de l’ici et maintenant », non le retour au passé mais ce qui pourrait opérer un détour par le passé et ce qui possible ne fut cependant pas advenu, dans le refus d’une échappée illusoire…



« Ce n’est donc ni du coté du passé ni du coté de l’utopie que Marx et Rimbaud cherchent les chances de salut, mais dans l’immanence d’un ici et maintenant, chargé de la mémoire du passé et des rêves utopiques ».



Je souligne les belles pages sur le loup-garou capital, l’ici « chargé d’insoumission, de rage et de révolte », la poésie et ce qu’elle annonce et promet, les lignes à bouger et les transformations à construire.



Deux extraits :



« Plutôt que de penser séparément la puissance des images émerveillées de ses poèmes et la brisure de la désillusion qui clôt bien souvent ceux-ci, il faut les appréhender de concert, comme deux forces d’un même mouvement »



« Il s’agit de disputer à la religion et à la fantasmagorie du Capital non ses enchantements, mais ses pouvoirs, la possibilité même de l’émerveillement, soustrait à sa clôture et son achèvement en spectacle »



Surréalisme. Dans une seconde partie, Frédéric Thomas revient sur le surréalisme, une pratique et un ailleurs, les relations et leurs évolutions entre les surréalistes et le PCF, la lutte contre l’intervention coloniale française au Maroc en 1925, les revues et le choix de leurs titres, Arthur Rimbaud etIsidore Lucien Ducasse (comte de Lautréamont), les miroirs faussés d’un certain engagement, l’autonomie et la soumission de l’art, Benjamin Péret, les raisons de vivre et d’écrire, la légitimité propre de la poésie, le pessimisme et le romantisme, la possibilité maintenue d’une révolution totale, les dérives ouvriéristes de la « prolétarisation », les zones d’ombres et « le chemin le plus long qui mène à la critique radicale », Walter Benjamin, la politique et la poésie…



Un monde sans poésie. « la nécessité de toujours négocier sa part de liberté, la compréhension de ces détours et chemins de traverses, de justifier sans fin cette écriture par à-coups et les images empruntées au conte et à la poésie », Port Bou, son cimetière, Walter Benjamin (1892-1940), le monde où le poète est en trop, le monde contre la poésie, le temps où le poète doit être brisé, cet ordre social qui nous détruit en tant qu’individu·e libre, cette méchante histoire linéaire et figée, « A l’encontre du mythe d’une histoire linéaire, qui pourrait être directement citée, il oppose le principe du montage, basé sur un travail de reconstruction, de destruction et de collage, qui dessine une nouvelle constellation, chargée d’un temps remémoré, d’une actualité intégrale, qui fait exploser l’apparence de la constance et de la répétition, l’idée même d’un temps homogène et continu », le passé à libérer de cette « chambre réservée » où l’enferment les vainqueurs, le bouleversement nécessaire du monde…



Frédéric Thomas parle aussi du bonheur non discipliné, des forces enfouies sous « la poussière des contes d’autrefois, dans les fables d’une naïveté romantique et dans tous les « Il était une fois » », du refus de l’obéissance aux codes dominants, du souffle délicieux de l’explosion en cascade, de l’action redevenue sœur du rêve…



En épilogue, l’auteur revient sur l’échec, ce qui brule encore jusqu’à nous, « projetant sur toutes « nos » victoires l’ombre langoureuse du « tremble carcasse » » contre les « chères images » figées des vainqueurs, l’appel à « changer la vie ».



Un livre pour le présent, le passé à réinvestir, la promesse de la révolution, l’égalité et la liberté et cette poésie indispensable à la pensée. Une invitation à relire Arthur Rimbaud, les communard·es, les surréalistes, le révolté Karl Marx derrière les poussières accumulées sur son nom par de multiples épigones, Walter Benjamin… Des mots, légers et puissants, rouges/noirs (auxquels il convient de mêler le violet et le vert) et rêveurs, contre la fantasmagorie du capital.




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Multinationales, en finir avec l'impunité

Faire pencher l’équilibre institutionnel en faveur des victimes



Dans son éditorial, publié avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse, Frédéric Thomas discute des lois sur le « devoir de vigilance », du contrôle du respect des droits humains et environnementaux par les entreprises, de la fin de l’impunité, de l’asymétrie de pouvoir entre multinationales et organisations sociales.



L’auteur souligne, entre autres, la situation au Qatar (coupe du monde de football), l’imbrication des entreprises privées et des pouvoirs institutionnels, l’absence de définition du « droit » des multinationales, les piliers du devoir de vigilance : « le devoir des États de protéger les droits humains et de prévenir la violation de ces droits par des tiers ; la responsabilité des entreprises de respecter ces droits ; et la nécessité pour les personnes affectées par les activités des entreprises d’accéder à des mécanismes de réparation ».



Il revient sur l’exemple du Rana Plaza [voir par exemple : https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2019/05/04/rana-plaza-des-droits-pour-les-peuples-des-regles-pour-les-multinationales/], l’absence de dispositifs contraignants, la soi-disant auto-régulation des entreprises, la « contribution » des entreprises et les effets de leurs interventions, « Ainsi, force est de constater le caractère généralisé, et même systématique, des violations des droits humains qui y sont commises par les entreprises, le plus souvent en collusion avec les gouvernements sur place, et l’indifférence ou le soutien implicite des États où elles ont leur siège », la division du travail issu du colonialisme, les effets de la globalisation néolibérale.



Par ailleurs, les impacts climatiques sont toujours exclus de l’obligation de vigilance des entreprises. Les dirigeants savent utiliser les écarts de réglementation ou les failles des dispositifs législatifs pour renforcer leur impunité au nom du libre marché et du soi-disant droit des affaires (et son corollaire le secret des affaires). Sans oublier les accords de libre-échange et la monstruosité anti-démocratique que représentent les tribunaux d’arbitrage privé.



Frédéric Thomas souligne notamment l’asymétrie des pouvoirs entre les entreprises et la plupart des pays du sud, « Cette asymétrie juridique se nourrit et prolonge l’inégalité des rapports sociaux », l’absence de droits des salarié·es, « près de neuf pays sur 10 (87%) viole le droit de faire grève », que les violations des droits ne peut être considérés comme des accidents mais comme « les conséquences d’un modèle économique ».



Sommaire

Points de vue du Sud

Éclairages nationaux

Sikho Luthango : Afrique du sud : lacunes de gouvernance et obligations extraterritoriales

Jean-Pierre Okenda : Extraction minière et devoir de vigilance en république démocratique du Congo

Maha Abdallah : Colonisation israélienne, entreprises européennes, droits palestiniens

Observatoire des droits humains et de la paix de l’IPC : Le besoin d’un devoir de vigilance dans l’extractivisme en Colombie

Questions transversales

Humberto Cantú Rivera : Entreprises et droits humains : les voies de recours juridique

Asia Floor Wage Alliance : Les violences de genre tissées par l’industrie textile

Anita Gurumurthy, Nandini Chami : Encadrer les multinationales du numérique

Andrés Ángel, Fabiola Vargas, Johanna Sydow, Juan Espinosa, Pavel Aquino : Les défis du devoir de vigilance environnementale en Amérique Latine

Brid Brennan, Gonzalo Berrón : La lutte pour un traité contraignant pour les multinationales



Quelques éléments choisis subjectivement parmi les différentes analyses et les différents textes.



* Sikho Luthhango souligne, entre autres, que « Seul un instrument juridique contraignant autorisant à poursuivre les multinationales dans leur pays d’origine permettra d’améliorer l’accès des victimes à la justice », une obligation extraterritoriale qui existe dans certains pays.



* Jean-Pierre Okenda analyse la gestion prédatrice par l’élite et les multinationales en République démocratique du Congo. « L’article est structuré en trois points clefs : la gouvernance défaillante, avec un accent sur la corruption et les pertes de revenus ; l’extraction minière et les violations des droits humains ; les limites et défis des initiatives en matière de « devoir de vigilance » ».



* J’ai particulièrement apprécié l’article : Colonisation israélienne, entreprises européennes, droits palestiniens, colonisation-israelienne-entreprises-europeennes-droits-palestiniens/, publié avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse. « La politique israélienne vis-à-vis du territoire et du peuple palestinien fait régulièrement l’objet de condamnations internationales. Cela n’empêche pourtant pas de nombreux États et entreprises, en particulier en Europe, d’entretenir des relations économiques étroites avec l’État d’Israël et ses colonies de peuplement illégales ».



Maha Abdallah discute, entre autres, de la poursuite de la Nakba, « faite de dépossession, de fragmentation, de persécution et de nettoyage ethnique », d’accaparement de terres, de politique de peuplement et de la construction de colonies israéliennes (illégale en regard du droit international), de l’implication d’entreprises « dans la colonisation, l’occupation et l’apartheid », d’entrave au droit des Palestinien·nes à l’accès à l’eau, des relation entre l’Union Européenne et Israël « en faveur de la colonisation », de non respect des arrêtés de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), de la livraison d’armes…



Il faut l’affirmer haut et fort, il ne s’agit pas seulement de violations des droits humains des Palestinien·nes mais de crimes de guerre et de la complicité de l’Union européenne, d’Etats et d’entreprises privées à ces crimes.



Je rappelle aussi l’importance de la campagne BDS [Boycott, désinvestissement et sanctions] et des résultats concrets obtenus dans certains pays.



* L’Observatoire des droits humains et de la paix de l’IPC aborde les conséquences de l’extractivisme en Colombie, « les terribles effets environnementaux et socio-économiques de l’exploitation des mines alluviales sur les communautés locales en générale, et les familles de pêcheurs en particuliers », le climat de violence généralisée, les « acteurs armés non étatiques »[le développement de milice armées privées doit être reliée aux politiques néolibérales de destruction des institutions collectives et aux politiques d’agression et de contrôle de territoires – par exemple le groupe Wagner], la chaine d’approvisionnement et l’exportation d’or, l’absence de normes internationales contraignantes pour les entreprises, « il importe d’élaborer des réglementations internationales qui obligent les entreprises des pays exportateurs à garantir le respect des droits humains tout au long de la chaine d’approvisionnement ».



* Humberto Cantu Rivera analyse les voies de recours juridique, les obstacles « d’ordre juridique, cognitif et pratique ».



* Asia Floor Wage Alliance aborde les violences de genre dans l’industrie textile, « Cet article détaille les nombreuses formes de violence de genre subie par les travailleuses de la mode, soit parce que ce sont des femmes, soit parce qu’elles sont surreprésentées dans ces secteurs de production ou encore parce que les barrières de genre les découragent de demander de l’aide », les chaines d’approvisionnement, la féminisation de la crise du covid-19 (dont le sexisme dans les vols de salaires pendant la pandémie), le travail informel, le complexe « trauma-industriel de l’industrie textile », l’OIT et la ratification des conventions, la liberté d’association et de négociation collective, la responsabilité conjointe de la chaine des employeurs, la nécessité « d’une architecture mondiale pour la protection sociale et d’un nouveau contrat dont le cœur est la protection contre la perte d’emploi ».



* Anita Gurumurthy et Nandini Chami abordent les multinationales du numérique, « Les pratiques frauduleuse et les violations des droits humains commises par ces méga-entreprises « intelligentes » exigent néanmoins de s’attaquer à l’obsolescence des réglementations et d’oeuvrer à une gouvernance numérique mondiale démocratique qui garantisse une capacité d’action aux pays du Sud »



* Dans les deux derniers textes sont examinés les dommages environnementaux, l’impunité des entreprises, les normes insuffisantes, les réglementations laxistes, la participation citoyenne et communautaire aux études d’impact, l’élaboration d’un traité contraignant pour les multinationales…



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Quelques autres éléments pourraient être discutés.

Le premier concerne les normes comptables internationales et la nécessité d’abandonner en Europe les normes IFRS donnant une image des entreprises peu prudente et peu utile aux différents acteurs (à l’exception des actionnaires). Les notions de risque et de provisions pourraient être revues afin de renforcer la traduction comptable des responsabilités et des réparations éventuelles. Sans oublier l’abrogation du « secret des affaires » et des tribunaux d’arbitrage privé (cadre institué de la violation des choix démocratiques au bénéfice des actionnaires)

L’irresponsabilité (la responsabilité limité aux apports) des actionnaires devrait être modifiée, en particulier pour les actionnaires pesant sur les décisions des entreprises. Rien ne justifie que les actionnaires décisionnaires ne puissent être poursuivis en justice après leur choix ou leur consentement au viol des droits humains.

Enfin, les organisations syndicales en France et dans les pays des sièges sociaux ne peuvent rester silencieuses, sous prétexte de préserver les emplois. Au contraire le combat pour les droits des salarié·es est coextensif à celui du respect des droits humains ici et ailleurs. Le droit de contrôle des activités et des responsabilités (ce qui implique que les documents soient publics) par les salarié·es est partie intégrante du combat syndical. Il y a des silences qui relèvent de la complicité…
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Soulèvements populaires

Le commun et les spécifiques, les nous et le pluriversel



Dans l’éditorial, Soulèvements populaires : « révoltes logiques » ?, Frédéric Thomas parle, entre autres, d’enjeux, de traits spécifiques, de soulèvements locaux et d’internationalisation des crises, d’interdépendances et de configurations nationales, « La gageure de ce texte d’introduction tient dès lors à mettre en évidence les convergences et correspondances sans jamais céder à l’illusion d’une unité, à relever les spécificités locales, à l’origine des révoltes ainsi que des formes qu’elles empruntent, sans occulter pour autant les paramètres internationaux qui ne cessent d’intervenir dans le recodage de ces mobilisations ».



L’auteur précise : « Prendre la mesure des soulèvements populaires de 2018-2020 suppose de les appréhender dans leur dynamique, en tension entre choix stratégiques implicites et affirmations radicales, renouvellement de l’action et impensé, potentialités et limites. De les situer au plus près de leur écart avec les manifestations « traditionnelles », mais aussi en fonction et à partir du geste qu’ils inventent et de la nouvelle configuration politique qu’ils créent en retour. Il s’agira en conséquence d’interroger sur un mode critique plutôt que de définir péremptoirement les enjeux et caractéristiques des soulèvements populaires »…



Il discute d’événement et de temporalité, de déchirement d’une « fausse impression de linéarité historique », d’échos et de traces de révoltes passées, du manque d’accumulation d’expériences, de socialisation et de politisation à grande vitesse, de la question de l’après…



Frédéric Thomas interroge l’enjeu des mots, le sens de populaire et de plébéien, les notions de peuple et de nation, la mise en avant de la citoyenneté, la question des minorités, le poids de la rhétorique réactionnaire du nationalisme, la subjectivation politique naissant dans l’action, « L’accent mis sur la subjectivation met en évidence le double phénomène central de socialisation et de politisation par l’événement, et éclaire les multiples narrations « de l’intérieur », qui disent l’enchantement, la puissance, les liens qui surgissent et se nouent très vite au cœur du soulèvement », le nous émergeant, « Il s’agit de s’autodéfinir, par opposition à l’élite et à la classe politique, en faisant valoir une union qui tienne à distance les divisions et les autres noms du peuple, au premier rang desquels celui de classes sociales ». L’auteur ajoute : « Mais il y a fort à parier que l’affirmation de ce « nous », populaire ou plébéien, n’est pas que le fruit d’une subjectivation, dotée d’une charge imaginaire importante, mobilisée comme levier stratégique. Il est aussi un refus et une difficulté à penser et à articuler les divergences d’intérêts, de positionnements, d’aspirations et de pouvoirs, portés par des acteurs différents (en termes de classe, de genre et de rapports sociaux de « race ») »…



Il discute aussi des mobilisations « essentiellement » urbaines, de la population jeune, de mouvement étudiant combatif, de la féminisation des révoltes et de la faiblesse des revendications spécifiques, du mouvement indigène en Equateur, de l’absence de perspectives…



L’auteur aborde aussi la culture de détournement, les questions d’autonomie, les luttes contre la corruption, les profondes inégalités, la question de la morale et son lien contradictoire avec la remise en cause du capitalisme, les effets de la répression…



« Par définition, le soulèvement, action circonscrite dans le temps court, fait exploser la continuité historique et ouvre une brèche. Mais, dans le même temps, il idéalise l’inaptitude à fondre l’extraordinaire de l’insurrection dans l’ordinaire de nos vies quotidiennes ». Frédéric Thomas interroge les sens du mot d’ordre de transition, les continuités et les éléments de rupture, la charge imaginaire des soulèvements et la faiblesse des élaborations théoriques ou stratégiques, « Sans minorer les contradictions et idéaliser le processus, il n’en reste pas moins que s’y nouent l’insurrection et l’autogouvernement, l’invention d’un espace (libéré), d’un temps (non linéaire) et d’institutions (autonomes) aux conditions de l’irruption événementielle et de la reproduction de la vie quotidienne dans les communautés. Soit un passage qui fait l’aller-retour entre soulèvement et transition, en esquissant le double enjeu de changer et le monde et le pouvoir »…



Il y a ici de nombreux points à discuter, auxquels j’ajoute la nécessité de lieux régionaux et internationaux pour discuter des imbrications locales spécifiques des rapports sociaux, des effets et des contraintes des constructions institutionnelles, des contradictions et de leur déplacement ou reformulation, des déclinaisons toujours historiquement ancrées de la mondialisation capitaliste, des éléments qui derrière les particuliers font sens pluriversels… et, pour construire des solidarités afin de confiner, autant que possible, les actions des institutions internationales, des gouvernements et des classes dirigeantes et de tous ceux qui défendront – jusqu’à la violence et la barbarie – leurs privilèges…



Sommaire :



ASIE



Shuddhabrata Sengupta : Inde : Les femmes de Shaheen Bagh au cœur de la contestation



Yatun Sastramidjaja : Indonésie : Evolution rhizomique d’une nouvelle résistance juvénile



MOYEN-ORIENT



Hajar Alem, Nicolas Dot Pouillard : Liban : La portée et les limites du « Hirak »



Zahra Ali : Irak : le civil et le populaire au cœur de la révolte



Ali Jafari, Mohammad J. Shafiei : Iran : Révoltes populaires sans lendemain et fragmentation des mouvements



AFRIQUE



Louisa Dris-Aït Hamadouche : Algérie : Le « Hirak », un soulèvement populaire et pacifique



Magdi El Gizouli : Soudan : Divisions entre les acteurs du soulèvement de 2019



AMÉRIQUE LATINE



Sabine Manigat : Haïti : Mobilisations antisystème et impasse politique



Luis Thielemann Hernández : Chili : Le soulèvement de 2019 au prisme d’un cycle de luttes et de déceptions



Raúl Zibechi : Amérique latine : L’année des « peuples en mouvement »



Je ne peux aborder l’ensemble des analyses. Je choisis subjectivement quelques éléments, en espérant que cela suscitera l’envie de lire cette riche livraison. Sans regards sur d’autres contextes et d’autres résistances, notre vision ne peut être que parcellaire et troublée…



Inde. Les protestations contre la réforme discriminante de la loi sur la citoyenneté, la place des femmes – citoyennes à part entière, les racines du mouvement, les mobilisations étudiantes, la désobéissance, la citoyenneté, « le sentiment d’appartenance à leur pays n’obéit pas à un répertoire nationaliste », des nouvelles pratiques et d’autres possibles, la démocratie fondée « sur l’abolition de la caste », les revendications à la citoyenneté est « fondée sur l’expérience nourricière et non sur un cachet sur un papier »…



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Accords de libre-échange

Contre la constitution mondiale des droits du capital



Dans son éditorial,Frédéric Thomas présente les accords de libre-échange (ALE), l’intensification et l’extension des obligations qu’ils imposent aux Etats et aux citoyen-ne-s, leur progression géographique et thématique, des « traités négociés en secret et sans (guère de) débat, signés sous pression, entre partenaires inégaux », la fiction de l’indépendance et de l’efficacité du marché. Les traités doivent être compris dans la stratégie mondiale de néo-libéralisation, une réponse à la crise de valorisation du capital et au précédent régime d’accumulation.



Comme l’écrit l’éditorialiste, il s’agit bien de « la transformation du cadre social, économique, politique et légal en un environnement (plus) favorable aux affaires », des liens entre libre-échange et droit et sécurité des investissements, y compris contre les droits des êtres humains.



Frédéric Thomas revient sur les différentes négociations, le droit des investisseurs primant tous les droits, les engagements court-circuitant tous les éventuels changements politiques, les rapports de dépendance, le blocage de la diversification économique, la re-primarisation des économies, les dynamiques néocoloniales, l’accroissement des obligations envers les entreprises, les sanctions possibles émises par des tribunaux d’arbitrage privés, la sécurité assurée aux seuls investissements, l’extension des droits de propriété intellectuelle, la féminisation de la pauvreté et les résistances… « La seule promesse que les ALE soient capables de tenir et qu’ils ont effectivement tenue est l’accroissement des richesses et des pouvoirs du noyau dur de la classe capitaliste transnationale »



Les différents articles rendent compte des effets des « partenariats », des traités bi ou multilatéraux, de la diminution des marges d’initiatives des pays les « moins » développés, de l’impossible « réciprocité » entre inégaux, des exportations centrées pour les uns sur les matières premières, des conditionnalités aux accords de « libre-échange », des déréglementations et des privatisations imposées par les grands organismes internationaux, de la mobilité favorisée des capitaux, des approches statiques empêchant la diversification industrielle, des effets de la suppression des droits de douane, des subventions accordées par l’Union Européenne pour les exportations, des matières « stratégiquement importantes », des difficultés d’intégration régionale…



Afrique de l’est, Maroc, politiques dites de libéralisation et de fait d’« inspiration coloniale », aggravation des déficits commerciaux, dépendance aux intrants industriels et technologiques importées, détérioration de l’environnement, mécanisme de la dette, méga-infrastructures, marchandisation du savoir, médicaments génériques et propriété « intellectuelle », zones offshores, flexibilisation et précarisation des emplois, privilège donné aux cultures d’exportation, tertiarisation, effets genrés et dégradation des situations des femmes, circulation des capitaux et forte limitation de la circulation des personnes, multiplication d’événements xénophobes ou racistes, négociations en huis-clos, limitation pour l’accès aux droits fondamentaux…



Asie, régime commercial mondial, libre échange et menace pour les droits humains et les souverainetés (dont la souveraineté alimentaire), protection des investisseurs et interdiction des réglementations protectrices des droits des populations, tribunaux d’arbitrage au bénéfice unique des firmes privées, accords comme instruments essentiels en faveur des intérêts privés, résistances populaires, droit à la santé et aux médicaments, La Via Campesina et la souveraineté alimentaire, exploitation minière et mise en danger des moyens de subsistances, concessions minières et « terres ancestrales », détérioration des environnements et des droits des communautés locales…



Amériques du sud et centrale, impacts économiques et sociaux des traités de libre-échange, graves reculs démocratiques, perte de souveraineté, re-primarisation de l’économie, développement de monocultures, privatisation des services publics, mécanisme illégitime et unilatéral de règlement des « différents », déplacements internes, violence institutionnelle, politiques d’ajustement structurel, in-sécurisation de l’emploi, expropriations… Pour récupérer de la souveraineté nationale et régionale, il convient d’opposer aux idolâtres du marché et du libre échange, des intégrations régionales démocratiquement et publiquement choisies, « Les droits humains devraient l’emporter sur les droits des investisseurs ».



J’ai particulièrement été intéressé par l’article sur les nouveaux accords commerciaux et les semences paysannes (Grain), le vol organisé à l’échelle de la planète des savoirs et des pratiques paysannes, l’accaparement des terres et la brevetabilité du vivant, la vie et la culture transformées en « propriété intellectuelle » et en droit privé, les privilèges accordés aux semences commerciales, l’extension de la durée des brevets, l’exclusivité des données, la numérisation de la vie et des savoirs traditionnels, la criminalisation des agriculteurs et des agricultrices, la dissimulation et les textes non-publics, « Nous devons aussi aider les syndicats agricoles, les organisations des peuples autochtones et les défenseurs des droits à l’alimentation à unir leurs forces avec d’autres secteurs comme les défenseurs de l’accès aux médicaments ou aux droits numériques, des groupements de pêcheurs et des partisans du petit commerce de détail »…



Je souligne aussi l’article sur les impacts du libre-échange sur les femmes. L’autrice rend visible « l’articulation des impacts des politiques économiques, en particulier de la libéralisation du commerce et des investissements, sur le travail productif, mais aussi sur les tâches reproductives non rémunérées des femmes, consacrées au maintien de la vie et de la force de travail, c’est-à-dire sur l’insertion des femmes dans le travail historiquement et socialement en partie invisible ».



Le dernier article, « en finir avec la privatisation transnationale du pouvoir », insiste sur les résistances et les droits, « La lutte pour le droit à l’eau, la résistance aux mégaprojets d’infrastructure et leurs impacts environnementaux et sociaux, les alliances à propos de la « justice climatique », l’accès à la santé et contre les brevets… »



Il serait peut-être intéressant de mettre en relation les injonctions néolibérales dans les traités (dont la privatisation de la « justice » dans les tribunaux d’arbitrage privé) avec les réformes des codes du travail (dont la place donnée à la négociation en entreprise primant le droit des contrats de travail).



Je souligne, une fois encore, les silences coupables des organisations syndicales de salarié-e-s dans les multinationales sur les avantages acquis par ces sociétés. Une défense de certains emplois contre les intérêts de la majorité des salarié-e-s et des citoyen-ne-s, comme cela était déjà le cas dans certains secteurs comme l’industrie militaire ou le nucléaire, par exemple. A ces silences, il convient aussi d’ajouter ceux des parlementaires qui acceptent à la fois le secret des négociations et de clauses et d’être dessaisi-e-s des choix engageants les Etats et les citoyen-ne-s. Décidément le mythe de l’entreprise, dans l’oubli de ses actionnaires (et de leurs seuls intérêts), procure à certain-e-s, outre des possibles reversements pécuniaires, un frisson opiacé nauséabond. Et c’est bien au nom des choix démocratiques des « incompétent-e-s que nous sommes », qu’il convient de dé-privatiser les traités et les représentations institutionnelles…



Nous ne pouvons être tenu-e-s comme engagé-e-s par des traités élaborés de manière non-démocratique et qui violent les droits humains. Le droit des investisseurs n’est qu’un droit usurpé, comme tous les privilèges il doit être abrogé…



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Sommaire



Éditorial



Frédéric Thomas : Accords de libre-échange : dynamiques, enjeux et résistances



Point de vue du Sud



Jane Nalunga : Accords de partenariat entre Union européenne et Afrique de l’est : l’impasse



Omar Aziki et Lucile Daumas : Méditerranée, Maroc et accords de libre-échange : des politiques d’inspiration coloniale



Joseph Purugganan : Méga-accords de libre-échange en Asie : essor, implications et résistances



Cecilia Olivet, Jaybee Garganera, Farah Sevilla et Joseph Purugganan : Abandon de souveraineté aux Philippines : accords de libre-échange et mines



Alberto Arroyo Picard et Alejandro Villamar Calderón : Accords de libre-échange et régression démocratique en Amérique du Sud



Manuel Perez Rocha : Logique et effets des accords de libre-échange au Mexique et en Amérique centrale



Approches transversales



GRAIN : Nouveaux accords commerciaux et semences paysannes



Graciela Rodríguez : Impacts du libre-échange sur les femmes dans un monde globalisé



Gonzalo Berrón : La victoire sera nôtre : en finir avec la privatisation transnationale du pouvoir




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L'échec humanitaire : Le cas haïtien

Ni année zéro, ni catastrophe naturelle, ni peuple sans histoire, ni victimes sans voix



Cet essai entend interroger la mécanique de l’aide à Haïti et le consensus de la légitimité dont elle se prévaut. 74 pages seulement et pourtant l’essentiel est dit. Je ne traiterai que partiellement des deux premiers chapitres.



Il y a une réelle méconnaissance, ou un refus délibéré de connaître l’histoire du peuple haïtien, Les médias ne voient (sans rien dire de cette construction) qu’une catastrophe naturelle. Pourtant ce territoire n’est ni sans propriété, ni sans propriétaires, ni sans histoire « les combats, succès et échecs du peuple haïtien depuis plus de 200 ans ».



Le « pas de chance », les « malédictions » ne sont que l’expression d’un mépris envers les populations et leur histoire. « Il restera toujours dans la mort d’un être cher une part d’absurde, dont nous ne sous déférons jamais et dont nous porterons la colère inconsolable toute notre vie. Mais l’inexplicable absurdité de cette disparition ne nous condamne pas à l’incompréhension d’un monde dont nous subirions, écrasés par le destin, les lois aveugles. Pour comprendre la catastrophe, il faut changer de point de vue, s’intéresser moins au matraquage d’images qu’au hors champ, et lire le 12 janvier à travers l’étude d’une histoire et d’une situation ».



« Il n’y a pas de catastrophe naturelle ». Frédéric Thomas nous rappelle que si l’origine d’une catastrophe peut-être naturelle « ses contours, ses conséquences… et ses responsabilités » sont toujours « in fine » humaines. Il insiste « sur les causes sociales, les déterminismes historiques et les choix politiques qui y sont étroitement liés ». Et bien sûr, sur notre responsabilité. Car les comparaisons régionales sont parlantes « la vulnérabilité est plus déterminante que le phénomène en soit ».



D’où la nécessite de « réinscrire le séisme dans une trame historique ».



1804, une révolution qui a fait scandale, qui fait toujours scandale « Le formidable soulèvement d’esclaves noirs exigeant et affirmant la liberté et l’égalité constitua une onde de choc qui atteignit l’Europe, bouscula les préjugés ». Cette histoire, cette guerre de libération, cette création d’une « nation libre gouvernée par d’anciens esclaves » que l’auteur présente est régulièrement passée sous silence, niée.



Pour la France de l’époque, « Cette révolution haïtienne paraît inouïe, brûle d’une lumière à la fois éclatante et insupportable ». Et Charles X imposera une indemnisation de 150 millions de francs or, le gouvernement haïtien payera ces indemnités jusqu’en 1883 et les divers emprunts et intérêts de ceux-ci jusqu’en 1952. Soit un paiement au pays colonisateur, une indemnité pour sa propre libération !!! Il serait plus que temps que l’État français restitue ces sommes (relevant de la rapine, du racket ou du gangstérisme international) à Haïti.



Sans oublier les « aides financières internationales » au fils des années et leurs contreparties en terme d’ingérences économiques, le soutien à la dictature Duvallier. « L’indépendance du pays était falsifiée, retournée comme un gant à partir de la »double dette’‘, les ingérences de toute sorte, de gouvernements adossés à la communauté internationale ».



Il convient donc de regarder « du coté de ce qu’on avait fait, défait et laisser faire pendant toutes ces années » plutôt que de regarder du coté de la nature pour parler de la « fatalité » de la catastrophe.



Comme l’indique l’auteur, en citant Enzo Traverso ( L’histoire comme champ de bataille. Interpréter les violences du XXe siècle, La Découverte 2011 ) « S’impose ainsi une recolonisation du regard qui fait du Sud du monde le réceptacle d’une humanité souffrante, en attente d’être sauvée par l’humanisme occidental ».



La situation d’Haïti a été construite politiquement et socialement, contre les intérêts de la majorité de la population, voilà le vrai soubassement matériel, non naturel, le soutènement historique et social des « catastrophes ».



Le second chapitre est une critique virulente et très pertinente des « Logique(s) humanitaire(s) », de « l’humanitaire comme un machine à transformer notre échec en spectacle ».



A l’urgence, nul-le ne semble préférer la prévention, la modification des conditions matérielles et sociales. Urgence, humanitaire, aide, comme logique imposée, comme « ensemble de pratiques, de rapport de force – plus ou moins implicites ou occultés -, d’effets convergents, qui se cristallisent dans une série »d’invariants » ».



Séisme du 12 janvier et « l’alarme médiatique ; l’emballement compassionnelle ; la déferlante humanitaire ; la retombée médiatique, compassionnelle, humanitaire ; et, enfin, traversant et surdéterminant les quatre autres, la dépolitisation du problème ».



L’auteur insiste sur la dépolitisation. Ici (comme ailleurs), des faits, des relations sociales sont naturalisé-e-s, essentialisé-e-s, leurs dimensions politiques sont niées. « L’humanitaire construit un monde à son image, avec des problèmes à la mesure des solutions (toutes faites) qu’il met en œuvre ».



Alors que les premiers secouristes sur place, les plus efficaces, celles et ceux qui ont sauvé le plus de vies, ce sont les haïtiennes et les haïtiens elles et eux-mêmes, les médias et les humanitaires entretiennent la confusion « entre efficacité et visibilité ». Ou, pour le dire autrement, ce qui a été fait mais pas montré n’existe pas. « Pas d’image, donc pas de réalité ».



Frédéric Thomas ajoute qu’au passé-présent-futur se substitue l’urgence et sa glorification « L’urgence de l’humanitaire est le temps du ralliement et du rassemblement, alors que l’histoire et la politique sont ceux de la division et de la dissension ». Exit donc les choix démocratiques, sociaux et politiques, exit les analyses sur « le résultat de l’échec de politiques publiques de prévention, gestion et réponses aux crises ».



« Ivres de bonne foi », les humanitaires oublient leurs hôtels, restaurants, 4×4, etc., ne posent pas la question de l’asymétrie entre elles/eux et les haïtien-ne-s. Exit les questions d’égalité et de dignité. La médiatisation, intrinsèquement liée à l’humanitaire met « en scène leur impuissance et notre dévouement » et, pour le dire différemment, favorise « l’exhibitionnisme dramatisé de la souffrance et d’une même grille d’explication faussement apolitique ».



Je partage le constat dégagé par l’auteur « L’égalité et la dignité sont comme la double mèche d’une machine infernale, posée au centre du regard et des pratiques humanitaires, qui menacent de faire voler en éclats toute cette belle construction idéologique et matérielle ».



L’auteur fait aussi le lien entre néolibéralisme et humanitaire, qui se sont développés dans la même temporalité et « possèdent des affinités – défiance envers la politique et critique de l’État, affirmation d’un engagement individuel, etc . – et ont des effets communs : ils redessinent les frontières de la politique de manière minimaliste ».



Je laisse les lectrices et les lecteurs découvrir les chapitres suivant :



« République des ONG » contre État faible



Un bilan « globalement positif ?



Plaidoyer minimaliste pour une révolution



Comme l’auteur, je pense qu’il faut « repenser le débat, repolitiser les questions et décoloniser le regard ». Les « victimes » sont nos égales/égaux, elles possèdent un savoir et un savoir-faire, une expertise sur les situations et sur les manières d’y remédier. Elles et ils ne sont pas des réceptacles passives/passifs de nos politiques de spectacle sur la misère.



« Pour aider Haïti, il faut casser »nos » politiques, qui condamnent le pays à la dépendance et à la vulnérabilité ».



Je voudrais pour terminer, reprendre une idée personnelle déjà évoquée. Non seulement les dettes contractées par Haïti doivent être annulées (elles sont très largement odieuses et illégitimes) mais l’État français devrait restituer les sommes (relevant de la rapine, du racket ou du gangstérisme international) payées (à titre de punition) pour l’auto-libération des haïtien-ne-s.
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Alternatives Sud, Volume 20-2013/2 : Indust..

Crises sociale et énergétique générées par le modèle extractiviste



« L’exploitation de ressources minières a connu, ces quinze dernières années, un développement considérable, et acquis une importance stratégique »



Dans son éditorial, Frédéric Thomas précise : « Qu’entend-on par « industries minières » ? Il s’agit de l’ensemble des activités intensives visant à prospecter, exploiter et extraire – d’où le terme également utilisé d’« industries extractives » – les matières minérales de la croûte terrestre, sous forme de minerais – métallurgiques et industriels (fer, cuivre, plomb, zinc, cobalt, lithium, calcaire, potasse…) -, de métaux natifs (or et argent), de charbon, d’uranium… Si la production de pétrole et de gaz n’est pas considérée comme une activité minière, elle relève cependant de l’industrie extractive, qui définit plus globalement l’exploitation des richesses du sous-sol ».



Deux thématiques principales sont abordées dans le livre : la situation macroéconomique et géopolitiques des ressources minières d’une part et les débats locaux, nationaux et internationaux soulevés sur ce sujet, d’autres part. Si certains plaident en terme de gestion et de régulation, c’est le plus souvent sur le caractère limité des ressources minières et sur l’impasse du modèle de développement productiviste que se construisent des réponses et des mobilisations en termes alternatives.



Les conflits socio-environnementaux se développent, en lien avec les revendications de contrôle des populations sur leurs environnements, pris au sens le plus large, mais peuvent s’opposer à d’autres luttes autour du droit au travail. Ces contradictions (re)doublent celles entre engagements de développement de certains gouvernements et réels choix démocratiques des groupes sociaux.



L’auteur souligne, entre autres, la reprimarisation de certaines économies, la militarisation (la violence et sa privatisation) accompagnant les processus d’accumulation par dépossession, pour utiliser le vocabulaire de David Harvey, la permanence de rapports coloniaux, les effets de la division internationale du travail, de la rente et la corruption engendrée, etc.



Sans oublier que l’activité minière est extrêmement polluante, qu’elle entraîne un « double phénomène d’accaparement des terres et de l’eau » ou la nécessaire subversion de « l’équation consensuelle qui lie croissance, progrès, développement, consommation et qualité de la vie ».



En conclusion, Frédéric Thomas écrit : « De l’alliance, opposition ou indifférence de ces diverses forces sociales, de l’articulation ou non des luttes de travail et des mobilisations socio-environnementales, dépendent grandement en tous les cas les politiques qui seront mises en place à l’avenir concernant les ressources naturelles et donc le sort qui sera réservé à notre planète ».



Éditorial

Exploitation minière au Sud : enjeux et conflits par Frédéric Thomas

Amérique latine

■Consensus des matières premières, tournant éco-territorial et pensée critique en Amérique latine par Maristella Svampa

■État compensateur et nouveaux extractivismes : ambivalence du progressisme en Amérique du Sud par Eduardo Gudynas

■Conflits miniers et scénario de transition : le cas péruvien par José De Echave

■Bolivie : renforcement, succès et impasses du modèle extractiviste par Marco Gandarillas

Afrique

■Vers une « bonne gouvernance » du secteur minier de la République démocratique du Congo ? par Ferdinand Muhigirwa Rusembuka

■L’Afrique du Sud en proie à la « malédiction des ressources » par Patrick Bond

■Les ressources minières et le développement de l’Afrique : défis et perspectives

Asie

■Autonomie régionale et conflits entre populations et industrie minière en Indonésie par Pius Ginting

■Philippines : mobilisations civiles pour une politique extractive durable et équitable par Liza G.F. Lansang

■Les ressources minières d’Afghanistan : une lumière sur la route de la soie ? par Javed Noorani

Transparence ?

Leçons de transparence de l’« Initiative pour la transparence des industries extractives » par Kees Visser



Les expériences, les mobilisations, sur les différents continents traités sont très différentes tant par l’intensité des résistances que des contre-propositions en débat. Cela se ressent dans les positionnements de certains textes. De ce point de vue, c’est la partie sur l’Afrique qui me semble la moins critique. Je signale cependant l’article de Patrick Bond sur l’Afrique du Sud. L’auteur analyse certaines évolutions dans le pays, loin des images d’Épinal que les soutiens a-critiques, entre autres, de l’ANC nous proposent. Le renversement du « pouvoir blanc » sans modifications substantielles des rapports capitalistes et patriarcaux ne pouvait que se traduire par le maintien/développement des inégalités, sans oublier « une telle vénalité chez une génération tant révérée de leaders combattants… ».



Les lectrices et les lecteurs ne seront pas surpris-e-s de la place prise par les débats et les mobilisations en Amérique latine, débats et mobilisations sur les droits des populations, les limites de l’État rentier, compensateur et redistributeur, le buen vivir, ou sur « les champs d’applications mêmes de la démocratie ».



Les articles sur l’Asie (Indonésie, Philippines, Afghanistan) présentent des problématiques et des luttes, montrant des similitudes avec celles d’autres régions du monde mais plus rarement évoquées.



Dans le dernier texte publié, « Leçons de transparence de l’« Initiative pour la transparence des industries extractives »Kees Visser montre que l’accent mis sur la transparence « évacue les problèmes fondamentaux liés à l’extrativisme et fausse la compréhension des enjeux, intérêts et conflits entre les différents acteurs ». Dans les projets, soutenus par la Banque mondiale, les « communautés » touchées par ce développement industriel ne sont ni consultées ni protégées. Par ailleurs, les industriels concernés refusent « l’adoption de zones environnementales « no-go » et sont opposés à l’interdiction du déplacement forcé des communautés locales ». L’auteur analyse aussi la privatisation de la sécurité. Il souligne que « les normes sociales, environnementales et en matière de droits humains devraient être obligatoires et contraignantes juridiquement ». Il ne saurait y avoir d’accord « gagnant-gagnant » lorsque ne sont pas respectés les choix auto-déterminés, des populations. L’auteur analyse les conséquences en termes de moyens de subsistance lors des accaparement de terres par les différentes industries pétrolières, gazières et minières. Il en est de même pour les industries agro-alimentaires. « L’extraction continue des ressources est supposée inévitable, et l’investissement direct à l’étranger (IDE) est jugé – tant qu’il est fait de manière transparente – comme étant toujours une bonne chose, en dépit de l’option parfois raisonnable de conserver les ressources naturelles dans le sous-sol ou de suspendre l’exploitation jusqu’à ce qu’un pays soit prêt à profiter pleinement de ses ressources ».




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L'abominable secret du cancer

Disons-le tout de suite, je n’étais pas très emballé à l’idée de lire ce livre. Il faut dire que la thématique est quelque peu effrayante lorsqu’on songe aux ravages que peut provoquer cette maladie.



Et pourtant, au fil des pages, j’ai pris une super dose de culture scientifique. Et ce livre qui traite d’un sujet peu joyeux, a été passionnant à parcourir à plusieurs titres.



La première chose qui me frappe en repensant à sa lecture, c’est la vision du cancer sous un angle assez différent de ce que l’on peut attendre régulièrement. Bien entendu, les causes que l’on connait tous et favorisant le terrain pour le développement de la maladie sont bien réels, mais le point de vue côté évolution peut paraitre extrêmement logique.



Nos modes de vie ont tellement changé en si peu de temps, que le corps ne peut s’adapté en un temps si court. L’évolution se fait quand à elle sur des temps longs, voire très longs !



Appréhender un regard évolutionniste, c’est aussi apporter un œil critique sur les thérapies et les raisons de leur échec. Cela amène aussi à se poser un certain nombre de questions : faut-il vraiment éradiquer les tumeurs cancéreuses ? Doit-on apprendre à vivre avec tout en ralentissant au maximum son évolution vers des stades métastasiques ?



J’ai appris énormément en lisant ce livre : sur les organes plus sensibles que d’autres, sur les transmissions du cancer, sur leur fréquence, les cancers de l’enfant, etc.



Les cellules cancéreuses sont-elles immortelles ? Des expériences troublantes montrent qu’elles continuent de vivre malgré le décès de leur hôte et ce durant plusieurs heures. Une expérience toujours en cours montre que dans certaines conditions, elles peuvent même s’épanouir pendant plusieurs années.



Alors que faire ? Y aura-t-il un traitement miracle, moins agressif pour le patient et tout aussi efficace ? Faut-il apprendre à vivre avec ?



Et si finalement la solution serait de jouer au plus sournois ? Lancer de fausses alertes à la tumeur, activer ses systèmes de défense pour rien, l’affaiblir, la rendre moins vigilante pour enfin lui porter le coup de grâce ?



La recherche avance, et elle réserve de très belles découvertes, même si malheureusement elle ne va pas aussi vite que nous le souhaiterions dans un monde idéal.



Mon avis : Très vite, mes craintes se sont envolées, et c’est un gifle de culture scientifique que j’ai pris, avec un texte accessible à un grand nombre de lecteurs.
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L'abominable secret du cancer

Tout d'abord, je remercie beaucoup masse critique pour l'envoi de cet ouvrage!

J'avais déjà lu, il y a quelques années, "le corps quantique" de Deepak Chopra : on y découvre le cancer, là aussi, mais aussi des cas de guérison "miraculeux"... en tout cas on découvre les pouvoirs du corps à se protéger, à se guérir, et certainement les pouvoirs de l'esprit à mettre en branle les mécanismes internes qui faciliteront la guérison.

Dans ce livre de "l'abominable secret du cancer", tout aussi compliqué que celui que je viens d'évoquer (j'avoue, la bio, tout ça, c'est pas mon truc, j'ai un mal fou avec le vocabulaire et la compréhension des phénomènes, même simples!), on apprend une foule de choses et pas des moindres. Par exemple que le cancer (que je pensais être une maladie relativement récente!) date du précambrien. Que les animaux sont autant voire plus touchés que nous (que ça a même fait disparaître certaines races!). Que nous portons tous le cancer en nous et que c'est le facteur déclenchant sera certainement une baisse d'immunité causée par un état mental affaibli. Que par contre, pour qu'il se développe jusqu'à devenir tellement envahissant qu'il nous fera mourir, il faut un paquet d'autres facteurs. Que les traitements sont très différents et qu'il y a plein de recherches en cours sur le sujet, car s'attaquer à une tumeur peut lui permettre de migrer et d'aller envahir d'autres organes; les hypothèses sur les nouveaux traitements sont super intéressantes. Mais surtout, le propos tenu fait qu'en refermant le bouquin, on ne considère plus le cancer comme un ennemi contre lequel il faut se battre, un alien dangereux à l'intérieur de nous, mais comme une cohabitation qu'il va falloir gérer au mieux. Cette mise en perspective dans l'évolution montre aussi que nous sommes, encore et toujours, bien peu de choses... que le cancer fait partie comme des millions de bactéries, de cellules, etc, du processus évolutionniste et que bizarrement, nous en avons aussi besoin, nous ne pouvons pas cesser l'évolution de certaines cellules sans en mettre d'autres en danger. Très bonne lecture donc, bien qu'assez longue à lire (il faut s'accrocher, même si l'auteur a fait particulièrement des efforts pour fluidifier son langage, prendre des exemples de la vie courante, vulgariser. Merci!
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L'abominable secret du cancer

Attention, cet ouvrage est trompeur ! Vous pourriez penser que vous allez y lire des horreurs, et ce n'est pas du tout le cas. Ce n'est pas non plus barbant, malgré que ca soit de la biologie évolutive. Ca ne passionnera probablement pas tout le monde, mais les nombreuses observations sur les animaux rendent l'ouvrage assez accessible.

Il est aussi positif, porteur d'espoirs, et permet de comprendre plein de choses, d'être vraiment éclairé sur le cancer. Et tout le monde sait qu'apprivoiser une maladie est le meilleur moyen de la combattre !



Merci Masse Critique !
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L'économie sociale et solidaire. Levier de ch..

L’option pour la vie d’autrui est constitutive de l’option pour sa propre vie



Frédéric Thomas dans son éditorial indique, entre autres : « Ce numéro d’Alternatives Sud, coédité avec l’ONG belge Solidarité socialiste, qui, depuis plusieurs années, mène avec ses partenaires africains et latino-américains un travail autour de cette thématique, cherche à mieux appréhender ce phénomène, à partir d’une triple perspective : les réflexions et expériences d’acteurs du Sud, en rapport avec leurs luttes ; la dimension solidaire de cette économie ; et, enfin et surtout, l’interrogation autour des limites et potentialités transformatrices de cet ensemble de pratiques. Dans un premier temps, nous nous centrerons d’abord sur l’économie sociale ; l’expression, plus consensuelle, étant très largement utilisée. Dans un second temps, nous aborderons plus spécifiquement l’ESS, pour mieux faire ressortir ce que le troisième terme – solidaire – apporte au concept et opère comme transformations. Réunissant 9 articles, tous inédits en français, dont 6 originaux, ce numéro propose une analyse actualisée des dynamiques, acteurs et défis de l’ESS sur les trois continents, en fonction d’études contextuelles nationales, dont certaines offrent, pour la première fois, une vue d’ensemble de la situation de ces pays ».



Il rappelle qu’il existerait plus de 700 000 coopératives et mutuelles à travers le monde, regroupant plus de 800 millions de membres. L’éditorialiste parle de cultures traditionnelles et autochtones et de programmes de développement institutionnalisés, de complexité des situations nationales, de contradictions entre les organisations « les plus formalisées et structurées » et leurs « principes »…



Il souligne que bien des organisations classées dans l’économie sociale et solidaire « ne sont donc pas en soi, « naturellement », des activités inscrites dans l’économie sociale », de la nécessité d’analyser « les statuts, la vision, les rapports de pouvoir, les modes engagements, etc ., mais surtout les pratiques de ces organisations ». Il ajoute, à juste titre, la participation effective (des jeunes et des femmes principalement), « Et de le faire à la fois à partir d’une définition stricte et claire de ces principes, et d’une évaluation souple et progressive de leur mise en œuvre, tant nombre de ces expériences sont ambivalentes, imparfaites, et que la traduction de ces principes dans la pratique s’apparente plus à un long processus accidenté, qu’à un résultat définitivement acquis et garanti ».



Frédéric Thomas parle des potentiels et des limites de l’économie sociale, des actions localisées et des ambitions globales. Il interroge « Comment changer d’échelle sans changer de nature ? » et montre les ambiguité des politiques publiques, tout en insistant sur l’autonomie des acteurs et actrices :



« – appuyer les acteurs de l’économie sociale sans les rendre dépendants des politiques publiques ;



– inscrire cet appui dans la durée, en institutionnalisant ce soutien afin qu’il ne se réduise pas à des mesures gouvernementales – ou, sous une forme négative, à du clientélisme – pouvant être remises en question à l’occasion d’un changement de gouvernement ;



– enfin, fondre cet appui dans une stratégie de co-construction (Unrisd, 2014), qui assure la participation et l’autonomie des organisations sociales. Outre l’autonomie, la question de l’articulation entre acteurs publics et société civile constitue un enjeu important. L’économie sociale est ainsi souvent affectée négativement par la non-reconnaissance de son potentiel global et de sa diversité (en termes d’acteurs principalement). Les gouvernements ont tendance en effet à circonscrire ce secteur, en en faisant un outil de lutte contre la pauvreté et le chômage, plutôt qu’une alternative globale. Son action risque alors d’être cantonnée au rôle d’auxiliaire des pouvoirs publics, de remplissage des vides ou à l’apport de réponses assistantialistes aux besoins les plus urgents des populations que l’État ne peut toucher… sans pour autant que la prestation de ses services soit assurée d’être de qualité et quantitativement suffisante. Sous sa forme la plus pernicieuse, cette articulation peut se traduire – et s’est effectivement traduite, notamment en Afrique, sous l’impulsion de la Banque mondiale, recommandant de confier ces services à l’initiative privée et/ou à des ONG, jugées plus efficaces – par une privatisation des services publics et une substitution des États, qui devraient assumer ses responsabilités (Unrisd, 2014) ou, sous la pression des agences internationales et ONG de développement, à la mise en place de mécanismes et d’espaces qui « doublent » les institutions et services publics ».



L’auteur invite à « réorienter la réflexion critique en-deçà des politiques sociales et de lutte contre la pauvreté, pour interroger la matrice néolibérale (et/ou extractiviste) et les marqueurs des échanges commerciaux, qui d’ordinaire échappent à l’analyse critique, alors même qu’ils conditionnent l’ensemble des relations sociales »…



Reste, à mes yeux, que la polysémie des termes « économie sociale et solidaire » et l’agrégation de multiples formes sociales très différentes, rendent peu lisibles les dimensions d’autodéfense et/ou de pratiques remettant en cause (subvertissant) des rapports sociaux réellement existants.



Colombie, Brésil, Bolivie, Haïti, Burundi, Sénégal, Maroc, Inde (Kerala), Chine…



Je ne m’attarde que sur le premier des articles.



Natalia Quiroga Diaz rappelle la redéfinition du travail par les féministes, redéfinition toujours peu accepté par certain-e-s marxiennes. Elle souligne « le caractère historique des processus économiques et l’hétérogénéité des pratiques qui les caractérisent », l’importance des activités non marchandes « Ces activités comprennent par exemple les espaces liés aux services domestiques et aux activités de reproduction et révèlent l’existence d’une pluralité de pratiques économiques inscrites dans des savoirs fondés sur des dimensions ethnique, territoriale et de genre. Par conséquent, ces économies élargissent le champ et les possibles d’action des politiques publiques en revalorisant les pratiques existantes ». L’auteure parle aussi des rapports de subordination liés au genre et aux générations, de la satisfaction des besoins communs (matériels et immatériels), des processus collectifs visant à dépasser la fragmentation et la concurrence sauvage, de la division sexuelle du travail. Elle insiste sur « le principe d’interdépendance avec autrui », parle « d’une économie féministe », critique la naturalisation de la responsabilité féminine de la reproduction ou la séparation artificielle « que le capitalisme impose entre la production et la reproduction », souligne les apports de l’économie féministe « décoloniale »…



J’ai particulièrement été intéressé par les paragraphes sur les pratiques d’économie sociale, l’économie des soins domestiques, les logiques de contre-prestation, de coparticipation, d’autogestion, des espaces du commun en ville… Le titre de cette note est extrait de cet article.



Je signale aussi, l’article très détaillé sur le milieu rural haïtien, l’analyse des contradictions entre extractivisme at autonomie en Bolivie, et dans de nombreux articles, les analyses sur la place des femmes (par exemple sur la sécurisation des quartiers au Kerala), la sécurité alimentaire ou la protection sociale…





Sommaire



Editorial : Frédéric Thomas : L’économie sociale et solidaire : Enjeux, défis et perspectives



En Amérique latine



Natalia Quiroga Diaz : Féminisme « décolonial » et économie sociale et populaire



Luiz Inácio Gaiger et Patricia Sorgatto Kuyven : Portrait de l’économie solidaire au Brésil



Fernanda Wanderley : Economie solidaire et communautaire : progrès et défis en Bolivie



Jean Rénol Elie : Economie sociale en milieu rural haïtien : ancrages, parachutages, hésitations et responsabilités



Afrique



Deogratias Niyonkuru : La construction d’un mouvement d’économie sociale et solidaire au Burundi



Abdou Salam Fall et Cheikhou Oumar Faye : Koom buy Lëkkale : l’économie sénégalaise « qui met en lien »



Touhami Abdelkhalek : Economie sociale et solidaire au Maroc : un état des lieux



Asie



Ananya Mukherjee-Reed : Kudumbashree : une initiative d’économie sociale en faveur des femmes du Kerala



Xiaomin Yu : L’entreprise sociale en Chine : ressorts, développements et cadre juridique




Lien : https://entreleslignesentrel..
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