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EAN : 9782373090536
160 pages
L'Echappée (08/02/2019)
4/5   1 notes
Résumé :
Rimbaud voulait que la poésie soit plus et autre chose. Que lui soit restituée, intacte, sa force. Pas seulement chant, mais aussi changement. Tout à la fois manque, annonce et promesse d’un bouleversement de toutes les relations et de tous les jours. Changer la vie. Démesurée et dérisoire soif qu’il poursuivait dans les fugues et les pages, les amours et les bars, et qu’il gardait au fond de lui, jusque dans le silence. Il écrivait comme il partait.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Au bord du saut à faire pour recroiser l'action, le rêve et la liberté

« Prière d'incinérer. Dégoût ». En introduction, Frédéric Thomas revient sur ces trois mots griffonnés sur un bout de papier, épinglé au revers de la veste. « A 35 ans, René Crevel, enfermé chez lui, les portes, les fenêtres – et tout le reste – hermétiquement closes, le gaz allumé, oubliait de mettre l'allumette »..

La mort, le suicide, la lumière noire.

« « Transformer le monde », a dit Marx ; « changer la vie », a dit Rimbaud : ces deux mots d'ordre pour nous n'en font qu'un ». N'en est-il pas encore ainsi ?

L'auteur se propose de mettre en évidence des analogies ou des affinités, d'éprouver leur stimulation, de parcourir le réseau souterrain des correspondances, de souligner les communes mesures du capitalisme au prisme de l'émancipation, de revenir sur l'expérience de la Commune…

Arthur Rimbaud et Karl Marx. La Semaine sanglante, Adolphe Thiers et Patrice de Mac Mahon (si une campagne politique a permis hier de débarrasser un certain nombre de ville des rues au nom de l'assassin, il reste jusqu'au coeur de la capitale un avenue glorifiant le maréchal sanglant, de la conquête coloniale de l'Algérie à la répression de la Commune), la volonté d'« ériger, sur les ruines de l'« orgie rouge », l'ordre », des condamnations, des exécutions, des déportations, et le spectre de l'émeute hantant toujours les « ministres de intérieur ».

Verlaine, Rimbaud, Illuminations,Une saison en enfer. Frédéric Thomas discute de poésie, « c'est évacuer la possibilité d'un dire politique dans et à partir de la poésie, qui n'emprunte pas cette voie-là et dessine un autre mode d'engagement », de frontières non étanches, de mauvaises fréquentations, de la « promesse d'une commune émancipation », de l'expérience communarde, de lettres « écrites au futur, tendues vers l'avenir »…

Les ensorcellements du capitalisme (dont le fétichisme de la marchandise), les rapports de duplicité dans la société bourgeoise, la réduction des êtres humains aux automates, le temps (« un temps vidé et forcé, aligné et subordonné à l'accumulation du capital ») et son économie, la disparition de l'histoire « sous le mythe du Progrès ou sous la neutralité, la naturalisation de rapports sociaux, proclamés lois éternelles de la nature et de la raison », le temps forcé et le temps volé, la tyrannie du temps mort consacré par l'horloge…

Comme l'écrit l'auteur, « la poésie interrompt un instant la chaîne, en donnant libre court à une expérience différente du temps ». Il faut insister sur ce qui se dérobe au monde établi, le temps réinventé et éclairé « qui dessine d'autres lignes de fuite entre le passé, le présent et l'avenir, entre la mémoire et la prégnance de l'ici et maintenant », non le retour au passé mais ce qui pourrait opérer un détour par le passé et ce qui possible ne fut cependant pas advenu, dans le refus d'une échappée illusoire…

« Ce n'est donc ni du coté du passé ni du coté de l'utopie que Marx et Rimbaud cherchent les chances de salut, mais dans l'immanence d'un ici et maintenant, chargé de la mémoire du passé et des rêves utopiques ».

Je souligne les belles pages sur le loup-garou capital, l'ici « chargé d'insoumission, de rage et de révolte », la poésie et ce qu'elle annonce et promet, les lignes à bouger et les transformations à construire.

Deux extraits :

« Plutôt que de penser séparément la puissance des images émerveillées de ses poèmes et la brisure de la désillusion qui clôt bien souvent ceux-ci, il faut les appréhender de concert, comme deux forces d'un même mouvement »

« Il s'agit de disputer à la religion et à la fantasmagorie du Capital non ses enchantements, mais ses pouvoirs, la possibilité même de l'émerveillement, soustrait à sa clôture et son achèvement en spectacle »

Surréalisme. Dans une seconde partie, Frédéric Thomas revient sur le surréalisme, une pratique et un ailleurs, les relations et leurs évolutions entre les surréalistes et le PCF, la lutte contre l'intervention coloniale française au Maroc en 1925, les revues et le choix de leurs titres, Arthur Rimbaud etIsidore Lucien Ducasse (comte De Lautréamont), les miroirs faussés d'un certain engagement, l'autonomie et la soumission de l'art, Benjamin Péret, les raisons de vivre et d'écrire, la légitimité propre de la poésie, le pessimisme et le romantisme, la possibilité maintenue d'une révolution totale, les dérives ouvriéristes de la « prolétarisation », les zones d'ombres et « le chemin le plus long qui mène à la critique radicale », Walter Benjamin, la politique et la poésie

Un monde sans poésie. « la nécessité de toujours négocier sa part de liberté, la compréhension de ces détours et chemins de traverses, de justifier sans fin cette écriture par à-coups et les images empruntées au conte et à la poésie », Port Bou, son cimetière, Walter Benjamin (1892-1940), le monde où le poète est en trop, le monde contre la poésie, le temps où le poète doit être brisé, cet ordre social qui nous détruit en tant qu'individu·e libre, cette méchante histoire linéaire et figée, « A l'encontre du mythe d'une histoire linéaire, qui pourrait être directement citée, il oppose le principe du montage, basé sur un travail de reconstruction, de destruction et de collage, qui dessine une nouvelle constellation, chargée d'un temps remémoré, d'une actualité intégrale, qui fait exploser l'apparence de la constance et de la répétition, l'idée même d'un temps homogène et continu », le passé à libérer de cette « chambre réservée » où l'enferment les vainqueurs, le bouleversement nécessaire du monde…

Frédéric Thomas parle aussi du bonheur non discipliné, des forces enfouies sous « la poussière des contes d'autrefois, dans les fables d'une naïveté romantique et dans tous les « Il était une fois » », du refus de l'obéissance aux codes dominants, du souffle délicieux de l'explosion en cascade, de l'action redevenue soeur du rêve…

En épilogue, l'auteur revient sur l'échec, ce qui brule encore jusqu'à nous, « projetant sur toutes « nos » victoires l'ombre langoureuse du « tremble carcasse » » contre les « chères images » figées des vainqueurs, l'appel à « changer la vie ».

Un livre pour le présent, le passé à réinvestir, la promesse de la révolution, l'égalité et la liberté et cette poésie indispensable à la pensée. Une invitation à relire Arthur Rimbaud, les communard·es, les surréalistes, le révolté Karl Marx derrière les poussières accumulées sur son nom par de multiples épigones, Walter Benjamin… Des mots, légers et puissants, rouges/noirs (auxquels il convient de mêler le violet et le vert) et rêveurs, contre la fantasmagorie du capital.


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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
La Commune de Paris s'acheva par la Semaine sanglante, où plusieurs milliers de communards furent fusillés.
(...) C'est dans ce rétablissement de l'ordre -conditions de le renaissance de l'économie et de la sécurité-, dans l'écrasement de la lutte, sanctionné par le retour au travail, à la propriété et à la (bonne) culture qu'a vécu et écrit Rimbaud. Dans les pages noircies d'oubli et d'innocence, dans les règlements de compte, l'appel aux dénonciations -près de 400000 reçues-, le brouhaha des conseils de guerre. Dans les condamnations, les exécutions et les déportations, qui égrènent des mois et des années durant, l'explosion de férocité anticommunarde, dans les ruines et les traces partout visibles des massacres, qui saturent les discours et les silences.
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Toutes les relations dans la société bourgeoise ont un rapport de duplicité, tous les liens sont faussés. De cela Rimbaud aussi bien que Marx en conviennent. Leurs écrits sont aux prises avec des forces sociales; leurs généalogies et leurs transformations, leurs représentations et leurs captations, leurs fixations enfin dans des rapports et institutions, qui en changent le sens, en se retournant contre les êtres. C'est la critique du fétichisme dans Le Capital; c'est la vérité absentée du corps, de l'âme et de la vie - "La vraie vie est absente" - dans les poèmes de Rimbaud.
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A l’encontre du mythe d’une histoire linéaire, qui pourrait être directement citée, il oppose le principe du montage, basé sur un travail de reconstruction, de destruction et de collage, qui dessine une nouvelle constellation, chargée d’un temps remémoré, d’une actualité intégrale, qui fait exploser l’apparence de la constance et de la répétition, l’idée même d’un temps homogène et continu
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L'éphémère Commune de Paris (18 mars-29 mai 1871) revêt aux yeux de Marx comme de Rimbaud une importance capitale. Elle fut "la forme politique enfin trouvée", pour le premier, le joint de jonction de la poésie de l'Avenir pour le second, le point de levier pour renverser le vieux monde, faire émerger les germes d'une société nouvelle, régénérer les êtres et le monde, pour tous les deux.
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« Transformer le monde », a dit Marx ; « changer la vie », a dit Rimbaud : ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un
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Vidéo de Frédéric Thomas
Pour quoi vous levez-vous le matin ? Se construire et construire
Pour la première fois, une centaine de personnalités - astronaute, philosophe, biologiste, chef cuisinier, artiste, pilote de ligne, astrophysicien, mathématicien... - dévoilent leur moteur intime. La motivation qui les pousse à agir, créer, travailler, espérer, vivre au mieux chaque jour et à donner du sens à leur existence. Leurs réponses poétique, amusantes, profondes, tragiques ou ludiques sont autant de témoignages de vie. Ces textes courts, illustrés par Hélène Crochemore, offrent tout à la fois connivence, réconfort, plaisir et inspiration.
https://www.belin-editeur.com/pour-quoi-vous-levez-vous-le-matin
Pour laisser votre propre témoignage : Site de l'ouvrage : https://whygetup.org/fr/
Les auteurs par ordre d'apparition : Cédric Villani • Jacques Arnould • Jean-Louis Israël • Monique Atlan • Jean Audouze • Nicholas Ayache • Jean-Paul Delahaye • Gérard Berry • Catherine Bréchignac • Alexandre Fleurentin • Edgardo D. Carosella • Thibault Damour • Jean Botti • Enki Bilal • Anne Cheng • Maxime Abolgassemi • Catherine Maunoury • Rémy Camus • Gérald Bronner • Laurent de Wilde • Mercedes Erra • Roger-Pol Droit • Étienne Klein • Yohann Thenaisie • Alexei Grinbaum • Marc Dugain • David Elbaz • Xavier Emmanuelli • Hervé Fischer • Marc Fontecave • Maud Fontenoy • Jean-Gabriel Ganascia • Claire Gibault • Pascal Pujol • Olivier Gechter • Anatole Lécuyer • Yves Gingras • Gabrielle Halpern • Hartmut Rosa • Marcel Hibert • Jean-Jacques Hublin • Patrick Iglesias Zemmour • Marc Lachièze-Rey • Gilles Macagno • Virginie Martin • William Marx • Jean-Michel Othoniel • Patrick Pissis • Cyril Rigaud • Aldo Naouri • Emmanuelle Pouydebat • Frédéric Thomas • Adrien Rivierre • Thomas Sterner • Étienne Vernaz • Matthieu Ricard • Stuart Vyse • Sylvie Cafardy • Jean-Pierre Sauvage • Norbert Gautrin • Claire Mathieu • Jacques-Alain Miller • Jean- Philippe Uzan • Miroslav Radman • Geneviève Héry-Arnaud • Giancarlo Faini • Jean-Louis Étienne • Jean-Pierre Luminet • Guillaume Néry • Alain Bernard • Guillau
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