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Critiques de Gabriel Bá (162)
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Daytripper : au jour le jour

Brâs a 32 ans et il va mourir.

Brâs a 28 ans et il va mourir.

Brâs a 41 ans et il va mourir...



Brâs de Oliva Domingos, Brâs pour les intimes que nous sommes devenus, a vécu mille vies et connu tout autant de morts.

Récit totalement anarchique que celui des jumeaux Fabio Moon et Gabriel Ba.

Sur prêt de six décennies, ils retracent, avec un talent indiscutable et une originalité hallucinante, les boires et déboires d'un petit chroniqueur journalier à la rubrique nécrologique du quotidien local qui se voyait déjà devenir un écrivain aussi reconnu que son père.



Intemporelle et totalement éclatée, cette histoire ne se livre pas facilement. Elle commence par intriguer puis fascine tant par le scénario que le coup de crayon, le tout sublimé par ses couleurs flamboyantes.

Brâs est un homme comme il est tous les hommes.

Ses espoirs et ses craintes sont universels.

Chacun s'y retrouvera forcément à un moment donné.

Un thème récurrent, comme fil conducteur de ses multiples vies aux destinées communément tragiques, l'amour.

Celui du père que l'on recherche furieusement sans jamais vraiment le trouver.

Celui de l'ami fidèle que l'on sent s'éloigner un peu plus chaque jour.

Celui de la femme entraperçue au détour d'un voyage où d'un rayon de supermarché...



Hypnotique, voilà ce qu'est Daytripper.

Poétique, délicat, onirique lorsqu'il n'est pas cruellement réaliste, ce petit conte des temps modernes vous prendra par la main doucement, sans avoir l'air d'y toucher, pour finalement vous abandonner aux multiples réflexions qui ne manqueront pas de se faire jour au sortir d'une telle expérience.

Un petit bijou d'authenticité et d'intelligence incontournable...

6/5
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Daytripper : au jour le jour

A 32 ans, Brás travaille dans un journal de São Paulo à la rubrique nécrologie. Evidemment, ce n'est pas le boulot de ses rêves. Lui, qui, à l'instar de son père, rêvait de devenir un grand écrivain et avait un certain don pour ça. Malgré cela, il ne s'est jamais lancé. Il se contente des félicitations de son patron qui lui assure qu'il fait quelque chose d'utile. Peut-être un héritage trop lourd à porter pour lui ou bien une pression trop forte ? Justement, la communauté littéraire fête ce soir-là les 40 ans de carrière de ce dernier. Un gala est organisé et sa maman l'appelle pour le prévenir qu'ils comptent tous sur sa présence. Son ami de toujours, Jorge, le soutient, le rassure et l'encourage à faire ce dont il a toujours rêvé. Et, il y a Anna, sa femme. A des milliers de kilomètres mais toujours présente pour lui. Malheureusement, tout a un début et une fin. Et, ce soir-là, Brás était au mauvais endroit au mauvais moment et va mourir tragiquement...

Et, si on recommençait ?



Comment résumer cet album impressionnant et fichtrement bien foutu et original ? Pour faire simple : 10 chapitres, 10 âges différents, 10 moments-clés de la vie de notre héros mais une seule et même fin, sa mort.

Aux commandes de cette(es) vie(s): les jumeaux Fábio Moon et Gabriel Bá, un tandem qui fonctionne à merveille. Pour preuve, cet album volontairement décousu qui relate la vie, la mort, l'amour, les parents, les enfants, le travail, l'amitié, la peur, l'envie et les rêves. L'on suit ce journaliste terriblement attachant, un peu paumé et souvent rêveur qui semble encore vivre dans l'ombre de son père et se chercher une place. Des épisodes, plus ou moins marquants, nous sont ainsi présentés, sans aucune forme linéaire mais tous empreints de vie et d'amour.

Le ton est incroyablement juste, tant sur le fond que sur la forme. Les dialogues sont d'une rare intensité, intelligents et profonds. La mise en page est dynamique et singulière. Les auteurs jouent avec le cadrage, le fond de page et les superpositions. le dessin est finement travaillé, fin, réaliste et aéré. Quant aux couleurs, elles sont éclatantes et la palette de couleur est incroyable.

Un voyage onirique, touchant, dépaysant et, paradoxalement, vivant...



A noter une préface de Cyril Pedrosa et une postface de Craig Thompson qui, chacun à leur manière, savent nous bouleverser...



Daytripper, au jour le jour... par delà la vie et la mort...

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Deux frères

Zana, quelques jours avant sa mort, alors qu'elle était alitée dans une clinique, pleure les siens, son mari, Halim, et son père, et se demande si les jumeaux ont enfin fait la paix...

Yaqub, fils d'une famille libanaise, revient au pays après avoir passé 5 ans au Liban, seul son père était là pour l'accueillir à Rio de Janeiro. Il aurait d'ailleurs voulu qu'Omar, le jumeau de Yaqub, parte aussi au Liban mais Zana, sa femme, l'en dissuada. Omar fut ainsi élevé comme un fils unique, seul avec Rânia, sa sœur cadette, et Domingas, une petite indienne que le couple a recueillie. Dans l'avion qui les ramène à Manaus, Halim se demande comment vont se passer les retrouvailles de ses garçons. Ils ont été séparés alors qu'ils n'avaient que 13 ans et partageaient le même amour pour une jeune fille. Une bagarre éclate entre les jumeaux, si violente qu'elle laisse une cicatrice sur le visage de Yaqub. Une fois arrivés à la maison, le jeune homme est accueilli chaleureusement par toute la famille... sauf Omar. La tension est palpable dès les premiers instants...



Après l'incroyable Daytripper, les jumeaux brésiliens nous offrent à nouveau un album très dense et très fouillé. Ils revisitent le roman de Milton Hatoum intitulé "Companhia das Letras". L'on plonge dans cette famille libanaise, de la rencontre entre Halim et Zana à la mort de cette dernière. Entre les deux, les auteurs se concentrent sur nombre de personnages, les faisant évoluer au fil des ans, et dévoilent petit à petit les drames et les joies qui se jouent dans cette famille. Fábio Moon et Gabriel Bá nous montrent une fois de plus l'immensité de leur talent en nous offrant un récit foisonnant, très bien construit et à la narration impeccable. Le noir et blanc profond et le trait anguleux desservent à merveille ces histoires de famille.
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L'Aliéniste

Dans le petit village d'Itaguaï s'est installé le docteur Simon Bacamarte, fils de la noblesse locale. Réputé dans tout le Brésil, le Portugal et les Espagnes, il se plongea corps et âme dans la science, le domaine psychique retient alors toute son attention. Avec l'aide de son ami et apothicaire du village, Crispin Soares, il décida de réformer cette mauvaise coutume selon laquelle les fous devaient rester enfermés chez eux. Avec l'accord du conseil municipal, il fit construire une Maison Verte, une des plus belles demeures du village, financée par des pensions. Et ce, malgré la vive réaction des villageois. Une fois inaugurée en grande pompe, les fous, d'ici et d'ailleurs, affluèrent et l'établissement se remplit si vite que l'on dut construire des annexes. Ici, le docteur pouvait étudier toutes sortes de folies, les classer en sous-catégorie tant elles sont diverses. Voulant étendre le territoire de la folie, il en vient même à interner des gens considérés comme tout à fait normaux par leur entourage...



Les jumeaux brésiliens se sont emparés d'une nouvelle du romancier Joaquim Maria Machado de Assis, brésilien lui aussi, datant de 1882. Ce cher docteur, bien décidé à mettre des mots sur les maux psychiques, étudiera sans relâche. A partir de sujets considérés comme fous selon lui, il tentera des les répertorier mais surtout de les soigner. Evidemment, des problèmes surviendront dès lors qu'il aura établi ses propres notions de la folie. A partir de quel moment peut-on considérer quelqu'un de fou? Par rapport à quoi? A qui? Ils nous offrent un récit dense et captivant. Le dessin est particulièrement charmant, les couleurs bichromiques apportent une certaine richesse à ce récit, nous plongeant dans une atmosphère rétro délectable. 



L'aliéniste, au bord de la folie...
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Daytripper : au jour le jour

"Le jeune ouvre le journal pour oublier la vie en lisant les pages BD.

Le vieux le fait pour oublier la mort en lisant les nécros des autres.

Mon conseil : n'ouvre pas le journal et vis ta vie."



Alors qu’il est le fils d’un célèbre écrivain brésilien, Brás de Oliva Domingos écrit, lui, des nécrologies pour un grand journal de Sao Paulo. La mort fait partie intégrante de sa vie, de son quotidien, et c’est à sa vie et à toutes ses morts que nous allons assister. Résumer tout ce qui se passe dans sa vie est secondaire. Il me semble beaucoup plus important de laisser le plaisir et la surprise de la découverte aux futurs lecteurs.



"Je ne pourrais pas dire quel âge j'ai, seulement que je suis trop jeune pour me demander si j'ai posé les bonnes questions dans le passé et trop vieux pour espérer que le futur me donne toutes les réponses."



Le récit est découpé en une succession de tranches de vie qui compose un fabuleux voyage à travers la vie et la mort. Voyage prétexte à découvrir sa naissance, son enfance, ses parents, sa famille, sa vie professionnelle, sa vie sentimentale, ses amours, ses amitiés, les bonheurs et les drames inhérents à toute existence. Tout nous est livré dans le désordre le plus complet, au lecteur de tout remettre dans le bon ordre. Mais l’ordre est-il si important ? L’important n’est-il pas ce qu’on a vécu, peu importe quand on l’a vécu ?



"La vie est trop sombre sans quelqu'un avec qui la partager."



La venue à la vie, la magie de la naissance de son propre enfant. L’enfance, l’éducation qu’on reçoit de nos parents, l’influence qu’ils peuvent avoir sur nous, tout ce qui contribuent à faire de nous ce que nous allons devenir. L’aspect professionnel prépondérant dans notre vie vu le temps qu’on y consacre. Enfin, la place essentielle de l’amitié et de l’amour sans lesquels la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. Les sentiments d’amitié et d’amour y sont magnifiquement et subtilement représentés, il suffit d’un mot, d’un regard. Autant de thèmes à priori basiques mais pourtant universels pour une histoire à la portée universelle.



"Il y a beaucoup de choses difficiles à comprendre dans la vie, et certaines encore plus compliquées à exprimer avec des mots. L'amitié en fait partie."



Daytripper est le livre d’une vie mais surtout un livre sur la vie…



Des dialogues forts qui posent de véritables moments de réflexions sur lesquels il serait bon de revenir de temps à autres, notamment dans les périodes de doutes sur ce qu’on est, ce qu’on aimerait être… Un encrage qui donne une vraie puissance au dessin, une vraie épaisseur aux personnages et aux décors. Des couleurs qui changent de tonalités selon les ambiances souhaitées, un vrai plus qui contribue à donner une couleur unique à l’ensemble de l’œuvre.



"Chaque jour, nous nous sentons plus distants les uns des autres. Plus seuls, tout en vivant au milieu de millions de gens. Chaque jour, nous regardons notre ville devenir un désert dans lequel nous sommes perdus...à rechercher cet oasis qu'on appelle..."l'amour".



Daytripper, au jour le jour… La vie, la mort, l’amour…




Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Daytripper : au jour le jour

J’ai récidivé, je le confesse. J’ai à nouveau éclipsé ma virilité pour laisser place à mon âme d’enfant, celle qui a été écorchée par les morts de Mufasa ou de la mère de Bambi. Oui, j’ai pleuré, beaucoup même, à tel point que mes glandes lacrymales ont conjugué le verbe « pleurer » à tous les temps de l’indicatif, et en une fois. Ouais je sais, balèze. D’ailleurs, saviez-vous qu’il existe des thérapies au Japon basées sur le pouvoir des larmes pour diminuer le stress ? Je sais désormais probablement pourquoi j’aime tant pleurer. Mais on s’égard. Retournons à nos moutons.



Qu’est-ce que Daytripper ? Le premier chapitre achevé il faut se l’avouer, c’est un joyeux bordel métaphysique. Mais derrière les faux airs des prémices d’un trip philosophique, le tissu émotionnel est d’ores-et-déjà dense et massif. A chaque page tournée on éprouve ce sentiment si particulier : celui d’avoir la sensation de caresser du bout des doigts une œuvre unique et viscérale qui semble farder en son sein un condensé brut d’émotions. Et soyez-en sûr(e)s, la perfusion émotionnelle est continuellement en intraveineuse. J’oubliais, pour les plus sensibles pensez à vous munir de quatre mouchoirs. Non pas trois, ni cinq, quatre. Vous commencez à le savoir, j’aime la précision.



Gabriel Bá et Fábio Moon mettent à l’honneur des grands thèmes philosophiques, et de la plus délicate des manières. Sous leur coup de crayon à la fois léger mais gracieux aux tons d’aquarelle, les jumeaux exhibent une œuvre qui se veut profondément consciente, où la mort, en filigrane, côtoie l’exaltation, la tristesse ou encore la colère. A l’image de la vie finalement. Et c’est là le fil rouge que le duo brésilien tisse tout au long du récit : mettre en image un miroir de la vie afin de nous amener à sonder nos âmes pour ne jamais perdre de vue l’essentiel, l’amour. Car oui, derrière l’étouffant voile lugubre qui enveloppe l’histoire, il y a continuellement un brin de lumière ô combien puissant qui subsiste.



Nul besoin d’épiloguer, il y a mieux à faire que de lire mon petit billet ne pensez-vous pas ? Je sais moi aussi je vous aime et j'apprécie vous écrire un paquet de conneries, mais il y a plus important là tout de suite. Bon pas aussi capital que de se vacciner mais presque. Vous l'avez ? C’est de se procurer au plus vite un exemplaire de Daytripper cuvée prestige millésime 2012 en provenance de São Paulo, afin de découvrir cette ode à la vie et à l’amour sous toutes ses formes. Bon sang, c’est reparti, il faut que je retourne me moucher.
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Daytripper : au jour le jour

Vertige d’une vie. Vertige de l’amour. Vertige d’un jour.



Le soleil, le vent, les feuilles qui se soulèvent et l’esprit qui s’en va au-delà de cette ligne vertigineuse, celle que tu hésites à franchir parce que tu ne sais pas ce qu’il y a de l’autre-coté. Brésil, Sao Paulo. Loin des plages de sable fin et de la superficialité des bikinis. Là-bas, tu croiseras le regard de Brás de Oliva Domingos. Écrivain qui griffonne les rubriques nécrologiques d’un quotidien. Ecrivain rêveur aux mille-et-une vies, aux mille-et-une morts.



Les 256 pages aux couleurs douces et chatoyantes s’achèvent. Je suis un peu sous le choc. En manque d’oxygène. En manque de repère. Toutes ces vies qui ont défilées devant moi. 10 chapitres, 10 vies, 10 destins différents de l’écrivain. 10 âges, 10 aspects de la vie où il rencontre l’amour, découvre l’amitié, respire la mort et s’effondre. Rarement un tel roman graphique m’a si surpris et si envouté. Parce que les thèmes sont profonds et humanistes.



La mort fait partie de la vie. Et notamment de celle de Brás de Oliva Domingos. Au jour le jour. Journal d’un écrivain, journal d’un jour. Chaque jour est différent, chaque jour le destin peut t’emporter. Alors chaque jour doit être un nouveau jour. Alors chaque jour doit être vécu comme tel. Et chaque jour, tu penseras à l’amour, à l’amitié et à la mort. Parce que cela fait partie de ta vie. Parce que cela fait partie de toi, cette âme et ce cœur, les deux composants indispensables pour vivre.



Des moments de doutes, des moments d’interrogations sur le sens de ma vie. Je ressors ce roman graphique. Parce qu’il est riche en questions et en réponses. Parce qu’il m’interpelle et qu’il caresserait mon esprit (!). Je ne m’attendais pas à un tel moment. Puissant, d’une intensité rare. J’ai eu envie de prendre le temps pour finir ces histoires, comme de petites nouvelles dessinées. Un chapitre ce soir, un autre le lendemain. Une pause. Courte pause. Une nouvelle histoire, un nouveau thème. Une pause. Longue pause. Pour prendre mon temps. Apprendre la patience. Ce livre est à caresser tant il est empreint de magie et de mystère. Comme le corps d’une femme. Je prends mon temps comme pour redécouvrir l’amour. Patience, attente, plaisir. Lire cette BD, c’est comme faire l’amour avec la personne qui partage ta vie. Il faut y prendre son temps, et le plaisir, la jouissance et l’épanouissement surviendront.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Daytripper : au jour le jour

Ce roman graphique nous invite à suivre Brás de Oliva Domingos, un écrivain de chroniques nécrologiques, à différentes périodes de sa vie.



L'ouvrage se découpe en dix chapitres qui vont tous se terminer par la mort du personnage. La chronologie du personnage n'est pas respecté et il faut parfois faire quelques retours en arrière afin d'être sur de n'avoir rien loupé.



Si j'ai bien compris le livre, Bràs ne meurt pas réellement mais plutôt métaphoriquement, rédigeant lui-même sa propre nécrologie.



C'est une recherche de soi, de sa place dans ce monde, du but de sa vie. Et afin de donner plus de poids aux moments importants de sa vie, il rêve de sa propre mort. Mourir pour mieux apprécier la vie, en quelque sorte.



Graphiquement, c'est juste, parfait. Le travail sur la découpes des scènes, l'expression des visages habille parfaitement la lecture et rajoute de la profondeur et de la crédibilité au récit.



Un régal du début à la fin.

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Daytripper : au jour le jour

« Ils aiment leur café noir et sans sucre, pour que le goût en soit fort et mémorable. Ils pensent qu'il doit en être de même pour leurs histoires. Alors, ils travaillent toujours avec la cafetière à portée de main pour s'assurer de ne jamais oublier. », Sketchbook



Une BD mémorable et forte.

Des morceaux de vie qui s'ouvrent puis se referment, chapitre après chapitre.

Chaque chapitre est un chemin.



Couleurs, regards, sourires, suffisent parfois à saisir l'instant, l'émotion.



Parfois la vie mène dans des endroits inattendus, "des accidents heureux" ou malheureux. Mais c'est la vie. Elle est belle et triste, forte et légère à la fois. Elle s'achève toujours un jour ou l'autre.



Originale et tout en finesse, Daytripper nous transporte au-delà des mots, par les images, les sensations, les rêves. Elle se respire, elle s'imagine.



Difficile de trouver les mots pour partager ce coup de coeur.

Miracle de l'écriture, du coup de crayon et de la couleur.



Petites touches philosophiques sur la vie, sur la mort, couleur pastel.

Enfance, famille, rêve, amitié, amour, et mort sur un même fil, un même dessin, celui de la vie.



« Quand tu accepteras qu'un jour tu mourras...

tu profiteras vraiment de la vie.

C'est ça le grand secret. »

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Casanova, tome 1 : Luxuria

Un nom de loveur pour un comics complètement barré : vous êtes bien accroché ? car ce voyage entre univers parallèles et complots familiaux n’est pas de tout repos !



Ce « 007 arc-en-ciel », ce James Bond des univers parallèles, ne vous laissera pas indifféremment, incontestablement. On pourrait croire que beaucoup de chefs-d’œuvre sortent des torpeurs liées à l’absorption de drogues pas forcément bien douces, mais là c’est clair que ce n’est pas le chemin que l’on prend ici : on a l’impression d’avoir fumé quelque chose, certes, mais on a surtout l’impression qu’on subit « bad trip » complet et ça fait mal aussi bien aux yeux qu’au cerveau. En lui-même, le mélange temporel des scènes ne me dérange pas ; la juxtaposition d’univers parallèles ne me dérange pas non plus ; l’emberlificotage des personnages entre fausses parentés et vrais squelettes robotiques ne me dérange pas davantage ; ce qui me dérange, en revanche, c’est le fouillis scénaristique, le vide extrême quant à savoir s’il y a ou non un fil rouge à suivre ou si le fait de ne rien n’y comprendre (car tout s’enchaîne de manière plus qu’étrange) est normal ou non. Et puis cette manie, cette facilité même, qui revient à utiliser le « Dieu, créateur de toutes choses » pour nous rappeler que telle chose s’est déroulée ainsi ou que tel scénario tient la route en l’expliquant d’une certaine façon, je dis non !

Quand en plus la violence gratuite et les blagues de mauvais goûts (notamment les acronymes abracadabrantesques comme D.E.F.O.N.C.E. ou M.O.T.T.E., et encore c’est le meilleur côté du scénario…) se côtoient sans plus de cohérence que cela et que ça ne choque personne dans la tripotée de personnages proposés, que dire de plus ? Que l’ensemble est complètement (beaucoup trop) déjanté ; et cette incompréhension totale est renforcée par le fait que Matt Fraction multiplie les références gratuites, ce qui n’aide pas même si j’aime les références à la culture populaire habituellement. Alors je ne dis pas qu’il faut que tous les comics soient de la grande littérature, mais là j’ai vraiment eu de la peine à finir et je trouve dommage qu’une série prenne corps sur un simple trip d’auteur.

Les quelques tentatives de mises en abîme et de prises de recul sur la fonction des comics auraient pu être intéressantes (de la même façon que Grant Morrison joue avec son personnage Flex Mentallo dans l’introspection entre les auteurs de comics et leurs histoires), mais les références sont tellement du grand n’importe quoi que ça ne prend pas du tout. Pire, on a l’impression que Matt Fraction s’en fout ! Ce n’est sûrement pas le cas, bien sûr, mais c’est l’impression que cela donne. À trop vouloir montrer combien il aime les comics, il en fait une caricature qui tâche, et méchamment, de manière à la fois moche et sale. Et l’aspect graphique n’a rien rattrapé chez moi : si encore le dessin était des plus parfaits, j’aurai dit oui malgré tout, mais franchement je n’ai pas davantage adhéré. J’imagine que c’est en toute subjectivité, mais ce n’est pas agréable à regarder, tout simplement et le lettrage n’aide pas, qui plus est. Que du subjectif donc, dans mon appréciation, mais vraiment une lecture qui reste gravée dans ma mémoire pour ses pires aspects.



Bref, à mon humble avis, nous avons là de l’aberrant pour faire du sensationnel, mais ça ne fonctionne pas longtemps. Avec ce premier tome, malheureusement, on atteint très vite ce qui est dignement supportable : la découverte de ce personnage s’arrêtera là pour moi, même si Urban Comics tente au moins de nous sortir des auteurs habituels et des personnages les plus connus.



P.C. (post critiquam) : comme il se peut toujours que je n’ai pas tout compris, ou bien si je n’ai pas l’esprit assez fin pour tout cela, peut-être cet article d’Urban Comics en guidera certains : http://www.urban-comics.com/rien-netait-vrai-david-bowie/.



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Daytripper : au jour le jour

C’est l’histoire décousue de Brâs. Il écrit dans les pages nécrologiques d’un journal mais il rêve de devenir un grand écrivain comme son père. Que ce serait-il passé s’il était mort à 32, 21, 28, 41, 11, 33, 38, 47 ou 76 ans ?

Avec la même apparente légèreté que dans le film Smoking No smoking d’Alain Resnais, le scénario embarque le lecteur dans plusieurs directions possibles.

La vie de Brâs est décortiquée avec une grande lucidité. L’amour, le couple, l’ambition professionnelle, l’amitié, la paternité, sont abordés avec précision et finesse comme dans Un homme de Philip Roth.

Mais on trouve aussi toute la douceur et l’humanisme des BD Jirô Taniguchi.

Pourtant cet album ne ressemble à aucun autre. C’est vertigineux.

Son graphisme, ses couleurs, ses cadrages originaux sont magnifiques, Gabriel Ba et Fábio Moon signent un album vraiment sublime.

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Deux frères

Le graphisme est en noir et blanc, sans nuances, un trait noir et franc, des personages anguleux, de grandes surfaces de noir qui se confrontent à de grandes surfaces de blanc, les contrastes sont forts, comme le soleil et les ombres de cette ville suffocante, Manaus au Brésil. Les silhouettes un peu rétro, déambulent dans cette ville, dans cette villa où une famille maudite se déchire, deux frères jumeaux se haïssent profondément. Une fierté mal placée, de la jalousie, des orgueils et de l’intransigeance entretiennent des tensions dans cette villa coloniale pleine de babioles, de cadres, d’ornements où le Liban de leurs origines se mêle au style colonial de la région, où le sofa au style rococo côtoie les hamacs où il se passe parfois des choses troublantes, les tensions se poursuivent dans cette vieille ville fluviale à l’architecture un peu pompeuse, avec ses marchés vivants, ses faubourgs crasseux, et où les rues débouchent sur une multitudes de barques semblant voler sur une eau invisible.

J’ai aimé cet éventail de caractères, de personnages qui ont tous leur fardeau à porter, c’est une belle saga de famille dans les tons de la littérature sud américaine, comme une autre chronique d’une mort annoncée.

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Daytripper : au jour le jour

Bras de Oliva Domingos écrit pour la rubrique nécrologique d’un grand quotidien de Sao Paulo. Alors qu’il écrit les morts des autres, il ne parvient pas à écrire sa propre histoire, à devenir l’écrivain qui sommeille en lui. Son plus grand handicap, croit-il, est la figure écrasante de son père. Malédiction ou héritage ? C’est que la suite de l’histoire dira.



L’histoire, parlons-en. De sa structure surtout. Il y a dix chapitres qui présentent Bras à différents âges et sans chronologie. Si on connaît la fin de l’histoire dès le premier chapitre, c’est en lisant les autres, à rebrousse temps et à contre temps, que l’on embrasse toute la vie et toute la mort de Bras de Oliva Domingos. Si on peut avoir une infinité de vies, pourquoi n’aurait-on pas aussi une infinité de morts et autant de chances de tout recommencer ? Parce que là où une vie s’arrête, il y a une chance qu’une mort en devenir commence. « Et la mort, ça vous donne une autre perspective sur la vie et tout le reste… Tout le reste semble sans importance. » (p. 91) Chaque chapitre s’achève sur des nécrologies, mais ce qui est époustouflant, c’est qu’elles ne marquent pas seulement la fin (de la vie ou du chapitre) : elles aident ceux qui restent à continuer.



D’un chapitre à l’autre, les auteurs proposent des réflexions fines et bouleversantes sur la famille, entité qui ne se conçoit qu’avec des bonheurs et des malheurs. Bras doit faire sa place face à son père et à sa mère, puis face à sa femme et son fils. Une famille, c’est à la fois la vie et la mort, c’est un long récit. « La vie est comme un livre, fils. Et tous les livres ont une fin. Peu importe combien tu aimes ce livre, tu arriveras à la dernière page et ce sera fini. Aucun livre n’est complet sans une fin. » (p. 214) Et puis, il y a ce rêve qui tient tout le neuvième chapitre : entre synopsis et conclusion, ce chapitre particulier nous donne les clés et d’autres portes pour comprendre la vie de Bras.



Bras de Oliva Domingos est donc un fils, un époux, un père et un homme. Et il concentre toutes ses facettes dans son être d’écrivain : fondamentalement, viscéralement, l’essence de Bras est nourrie d’écriture. À mesure qu’il trace sa voie, qu’il trouve sa voix, tous les destins qui sont les siens se rejoignent. Et c’est tout l’art de Fabio Moon et Gabriel Ba que de tisser cette histoire mine de rien et de poser des jalons qui finiront par former un chemin.



Que dire du dessin, si ce n’est WAHOO ! Les couleurs sont puissantes, profondes, vibrantes et incroyablement dynamiques. C’est beau, tout simplement beau !

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Casanova - Acedia, tome 1

Qui est Casanova Quinn ?

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Ce tome fait suite à Casanova, Tome 3 : qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2015, écrits par Matt Fraction, dessinés et encrés par Fábio Moon, avec une mise en couleurs de Cris Peter pour l'histoire principale consacrée à Casanova Quinn. Chaque épisode comprend une histoire courte supplémentaire, écrite par Michael Chabon, dessinée, encrée et mise en couleurs par Gabriel Bá. Les couvertures ont été réalisées par Fábio Moon. Le recueil s'ouvre avec trois citations : une du roman Frankenstein (1818) de Mary Shelley (1797-1851), une d'une nouvelle de Michael Chabon, et une du film Mr. Arkadin (1955) d'Orson Welles (1915-1985).



Casanova Quinn descend de la colline avec les lettres HOLLYWOOD, l'air hagard. Il marche pour s'éloigner d'un feu dans les montagnes, il est venu à Los Angeles avec rien derrière lui, et tout devant lui, une ardoise vierge. Il du sang qui dégoutte de son front. C'est le premier souvenir dont il se rappelle : il se souvient qu'il ne craignait plus de mourir, pas de souvenir du passé implique aucune peur de l'avenir. Les règles sont simples : le pistolet est toujours chargé, le cran de sûreté est toujours enlevé, l'abruti tire toujours. Les règles sont simples. Au temps présent, Quentin Cassaday est en habit de soirée dans son bureau : quelqu'un toque à sa porte pour lui indiquer que c'est l'heure. Il est employé par un homme âgé riche et il pense que Amiel Boutique l'apprécie justement parce qu'il n'a rien à perdre et qu'il est prêt à faire tout ce qu'on lui demande. Il sort.



À l'extérieur de la demeure, la fête bat son plein dans l'immense propriété, avec des individus savourant leur cocktail en costume ou en robe de soirée, d'autres nus sur un matelas pneumatique dans la piscine. Amiel Boutique observe toute cette agitation du haut des marches, en fumant un cigare. Personne ne lui parle sauf Cassaday car c'est son boulot. Ce dernier circule parmi les invités pour vérifier que tout se passe bien, que personne ne manque de rien. Une jeune femme s'approche de lui et lui souffle deux mots à l'oreille : Casanova Quinn. Elle s'éloigne de quelque pas et se retourne alors qu'il est toujours interloqué. Elle soulève le bas de sa robe lui dévoilant sa culotte. Il se dirige vers elle tout en faisant signe à un serveur d'apporter des canapés pour les invités proches de la grotte. Il rejoint la jeune femme en lui indiquant qu'elle a dû se tromper. Elle demande quand ils peuvent se retrouver seuls : il répond bientôt car la fête arrive à son terme. Effectivement, les invités commencent à partir d'eux-mêmes. Bientôt il ne reste plus que les flutes à champagne abandonnées un peu partout et des ballons de baudruche à demi dégonflés. La jeune femme se tient assise sur le plongeoir, en culotte, avec ses Louboutin au pied. Elle jette sa flute dans l'eau de la piscine et enjoint Cassaday à la rejoindre sur le plongeoir. Il s'exécute et elle retire son épingle à cheveux pour les libérer tout en faisant un geste vif pour le poignarder avec. Il l'évite, et les deux basculent dans l'eau de la piscine.



Après la luxure, la gourmandise et l'avarice, l'auteur prend le thème de la paresse (l'acédie) pour le péché capital suivant. Chaque épisode comprend une histoire principale avec Casanova Quinn, et une histoire courte avec l'équipe des métanautes. Après l'expérience narrative extraordinaire du tome précédent, le lecteur n'a aucune idée de ce que lui réserve Matt Fraction. Il a conscience en commençant que ce tome est la première partie de l'histoire qui continue dans Casanova, tome 2 : Gula . Cette fois-ci l'auteur cite l'influence de trois autres auteurs : Mary Shelley écrivant que le temps se sépare en branche dans d'innombrables futurs et dans l'un d'eux je suis ton ennemi. La citation de Chabon : j'espère que j'ai été d'un peu d'aide ici et là au fil des années. Celle de Welles : buvons à la personnalité. Le lecteur sait qu'il s'agit d'indications explicites des thèmes du récit. Il sait aussi que le plus simple pour appréhender cette expérience de lecture, est de se laisse porter par l'intrigue. En outre, l'auteur commence par faire dire à son héros qu'il a tout oublié, qu'il repart de zéro. Allez hop ! Quentin Cassaday travaille comme homme de main d'un homme riche et âgé. Après l'agression dans la piscine, Boutique propose à Cassaday qu'ils enquêtent l'un sur le passé de l'autre et réciproquement car lui-même a oublié son passé. De ce point de vue, l'histoire se révèle fort intrigante : des ennemis se manifestent lors des recherches de Cassaday dans une bibliothèque, d'autres en veulent à Ruby, l'épouse de l'inspecteur de police Kaito Best. Le lecteur identifie sans difficulté les personnages récurrents des tomes précédents : Kaito, Ruby, Sabine Seychelle, Sada Lisi, identique à eux-mêmes, ou dans une autre version.



L'intrigue s'avère fort facile à suivre et divertissante. Quentin / Casanova a conservé sa belle prestance, faisant penser à Mick Jagger, ses capacités de combattant acquises en tant qu'agent secret, et son pouvoir de séduction, un bel héros. Il travaille dans un environnement de luxe pour un homme fortuné, et croise la route de belles femmes dont certaines appartenant au genre fatal. Les dessins de Fábio Moon donnent une sensation de fausse imprécision : des silhouettes un peu trop longilignes, des chevelures avec un contour parfois anguleux, des aplats de noir un peu trop lourds plus importants que les simples ombres portées, des traits irréguliers en épaisseur ou avec des tremblements au lieu d'être bien rectilignes pour les bâtiments, une simplification des visages avec une légère accentuation des traits pour une petite exagération. Cette façon de dessiner apporte une forme de désinvolture dans la narration visuelle qui semble émaner des personnages eux-mêmes. La lecture ne s'en trouve que plus agréable, d'autant plus que cette désinvolture n'est qu'en surface. Le niveau de détails est en fait très élevé pour les différents lieux : la propriété où se déroule la fête, l'architecture intérieure de la bibliothèque où Cassaday est attaqué, le grand bureau de Boutique, le restaurant où Ruby se fait agresser et ses cuisines, la plage où Suki séduit Quentin, la ville détruite par les bombardements où vivait Amiel enfant, etc.



Le lecteur sent bien que le scénariste a construit son récit avec des moments visuels forts, et l'artiste y fait honneur. Il se délecte donc de scènes divertissantes et surprenantes : la séduction sur le plongeoir de la piscine, le magnifique modèle de voiture d'Amiel Boutique, les pentagrammes, la course-poursuite qui se termine par l'arrestation du prestidigitateur Thelonious Godchild, l'interrogatoire de la séductrice en cellule par Cassaday, le bombardement d'une ville, l'agression de Rudy, etc. Le dessinateur montre chacun de ces moments avec clarté, pour un spectacle vif et enlevé. Au fur et à mesure, le lecteur se rend compte que le scénariste a mis bien plus dans cette première moitié, que la simple recherche de l'identité d'Amiel et Quentin : les tentatives d'assassinat qui en découlent directement, mais aussi le prestidigitateur, l'entité qui se transforme en nuée de corbeaux, la jeunesse d'Amiel Boutique, la fraternité des Fabula, etc. Le lecteur se doute que la pertinence de ces éléments trouvera sa justification dans la suite du récit. Il s'interroge bien sûr sur le lien à faire entre l'intrigue ou le comportement des personnages, et le titre du récit : la forme de paresse qui correspond à l'acédie, c’est-à-dire une paresse spirituelle menant à une forme d'ennui. Peut-être que le comportement d'Amiel Boutique peut être assimilé à de la paresse ? Il revient aux trois citations mises en exergue. La première rappelle que les aventures de Casanova Quinn sont à concevoir dans la perspective d'un multivers : Casanova Quinn provient d'une réalité parallèle, peut-être que Akim Athabadze également ? Celle de Chabon semble s'appliquer à Amiel Boutique et peut-être également à Quentin Cassaday essayant d'être utile l'un à l'autre. La dernière incite le lecteur à considérer que le thème sous-jacent de ces épisodes est une étude de caractère, à confirmer.



À la fin de chaque épisode, se trouve donc une histoire courte : la première présente Imago, une musicienne dans un groupe de rock qui se fait photographier dans la rue par une meute de journalistes, après avoir ouvert en grand son manteau. En fonction des uns et des autres, ce qu'elle révèle ainsi est différent. La seconde raconte la mission d'un groupe de cinq aventurières, les métanautes, sur une planète extraterrestre pour tuer un Casanova Quinn dans une réalité. Dans les deux suivantes le groupe de rock féminin reçoit sa prochaine mission de leur chef.



Avec un tel titre Métanautes, le lecteur s'attend à ce que Michael Chabon fasse feu de tout bois dans le registre des métacommentaires. Il découvre en fait quatre aventures courtes, ayant comme fil directeur, le groupe de cinq jeunes femmes musiciennes. Il peut voir un métacommentaire dans le premier chapitre : chaque photographe voit ce qu'il a envie de contempler sous le manteau d'Imago. Dans le deuxième, elles tuent un Casanova Quinn à l'allure particulièrement mignonne : peut-être la destruction de l'enfance ? Dans les deux suivants, cela ressemble à une narration très premier degré, pour cadrer une mission de type Drôles de Dames / Charlie's Angels. Quoi qu'il en soit, la narration visuelle de Gabriel Bá est plus baroque, plus fofolle que celle de son frère, très agréable et amusante, et tout aussi inventive. Le lecteur reste dubitatif sur l'intention réelle du scénariste et sur la synergie entre ces histoires et celles de Casanova Quinn, mais il ne demande qu'à être convaincu par les épisodes suivants.



Après la vertigineuse mise en perspective de la bande dessinée d'aventures dans le tome précédent, le lecteur s'attend à une autre tout aussi échevelée. Il fait l'expérience d'une narration visuelle très accessible et très riche, et d'une enquête facile à suivre avec un jeu sous-jacent sur les possibilités du multivers, sans la flamboyance précédente. Une lecture divertissante et postmoderne.
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L'Aliéniste

Après « Daytripper », les frères Fabio Moon et Gabriel Ba se lancent dans l'adaptation en comic d'un grand classique de la littérature brésilienne : « L'Aliéniste » de J-M Machado de Assis. Écrite à la toute fin du XIXe siècle, la nouvelle relate la regrettable expérience du docteur Simon Bacamarte après que celui-ci eu décidé d'ouvrir dans le petit village d'Itaguaï un établissement destiné à accueillir et traiter les patients atteints de troubles mentaux. Mais qui sont ces « fous » que l'on cherche à interner ? Et selon quels critères se base-t-on pour déterminer qu'un individu est fou et l'autre saint d'esprit ? C'est sur cette mince ligne qui sépare la folie de la « normalité » qu'entend nous faire réfléchir l'auteur grâce à une histoire habillement conçue, à la fois drôle et pathétique. Drôle parce qu'il y a franchement de quoi rire à l'idée que tous les habitants d'un même village se laisse enfermer et qualifier de « fous ». Pathétique parce que, au-delà de l'humour, cette histoire nous dévoile ce que l'obsession d'un homme peut avoir de dévastateur, et pour lui et pour ceux qui l'entourent.



On assiste ainsi jour après jour à l'évolution de la théorie du praticien qui va se mettre à interner à tour de bras, jusqu'à enfermer la totalité du village, y compris son épouse, ses amis proches et même certains membres du conseil, les jugeant tous souffrants de troubles psychologiques aussi divers que variés, des TOC à la mégalomanie en passant par la schizophrénie ou la perte de repères. La situation prend vite des proportions énormes, voire grotesques, et permet de mettre l'accent sur une question délicate : celle de la normalité. Quel comportement est considéré comme normal et à qui revient-il de le juger ? Le lecteur en vient vite à se demander si ce n'est pas le docteur lui-même qui est atteint de folie, pourtant à aucun moment les habitants du village n'envisage cette possibilité. L'homme est bien trop savant, trop posé ! Les graphismes, quant à eux, ne sont peut être pas sensationnels mais restent agréables et aident à créer une ambiance un peu oppressante, avec cette profusion de couleurs très chaudes qui prédominent tout au long de l'ouvrage.



Fabio Moon et Gabriel Ba nous offrent avec « L'Aliéniste » une belle adaptation de la nouvelle éponyme de J-M Machado de Assis. La réflexion engagée sur les notions de folie et de normalité est abordée de façon originale par le biais de ce scientifique dont la lucidité et la détermination vont eux-même devenir des symptômes de cette folie qu'il tient tant à définir. Une bonne découverte.
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Daytripper : au jour le jour

Pour Montaigne, philosopher est apprendre à mourir. Le grand homme du XVI° qui peignit le passage et non pas l'être trouve des disciples en Fabio Moon et Gabriel Ba, jumeaux brésiliens, commettant des bandes dessinées, armés de crayons, d'idées et d'une cafetière (le café, noir sans sucre pour que le goût en soit fort et mémorable). Moi, j'ai seulement la cafetière.

Daytripper c'est une vie et de multiples morts. Moi, je croyais que j'étais éternelle.



C'est donc l'histoire d'un mec qui vit, qui rêve, qui meurt. A 32 ans, à 11 ans, à 76 ans. Dans le désordre, hors de toute chronologie. Daytripper est une fable existentielle qui saisit la quintessence de la vie. Pas une élucubration fantaisiste. C'est l'histoire de Bràs Oliva de Domingos rédacteur de nécrologies dans un journal. Au fil de dix chapitres au dessin tendre, ses vies et ses morts défilent. Entre bonheurs saisis et tragédies quotidiennes. Si j'ai bien tout compris, exister c'est: vieillir sans trop se détourner de ses rêves, saisir l'amour qui s'offre, se détacher de l'ombre trop dense d'un père écrivain, se réchauffer au regard maternel à jamais bienveillant, aimer encore, être un ami fiable, être soi. Surtout être soi. Car à tout moment, de mille et une manières, le destin peut donner un coup de poignard.



Aussi banal que vous et moi, ce Bràs. Ses histoires pourraient être nos histoires. Ce sont d'ailleurs nos histoires. Il y en a plein les journaux locaux.



Moon et Ba interrogent nos rapports à la dichotomie vie-mort. Ces deux bêtes inextricablement emmêlées. Sans pathos, sans dégoulinade, sans phrases-clés à recopier dans un carnet, sans thèse à deux euros et trois cents. Avec douceur, sans cynisme, avec réalisme, sans désespoir, les jumeaux rappellent que vivre c'est mourir un petit peu jour après jour.



Dans son dernier roman La Belle Amour Humaine, Lyonel Trouillot nous invitait à nous interroger: qu'avez-vous fait de votre présence au monde?

Dans une bande dessinée poétiquement douce-amère, deux jumeaux brésilien nous convient à mordre le présent en raison de l'absurdité de notre condition. Allez, il est temps d'aller esquisser quelques pas de samba en hommage à ces deux auteurs funambules. Et célébrer la vie.
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Daytripper : au jour le jour

Brás de Oliva Domingos est un daytripper : il voyage dans le temps et réalise le fantasme le plus cher de Milan Kundera en empruntant différentes voies qui mènent sur autant de destins différents. O joie de pouvoir mener plusieurs vies ! Oui mais… là où Milan Kundera lui-même ne serait pas d’accord c’est que 1) Brás n’a pas conscience de la pluralité de ses existences ; 2) chacune d’entre elles est marquée par la mort. Volonté scénaristique permettant peut-être de conclure dignement chacune des étapes que Brás aura eu l’occasion de franchir… Vraie obsession également puisque non content de mourir dix fois dans cet ouvrage, Brás écrit pour les nécrologies d’un journal et se laisse hanter par les voix des défunts auxquels il rend hommage.





Chaque chapitre de Daytripper s’ouvre à des moments différents de l’existence du personnage. A 33 ans, à 11 ans, à 21 ans ou à 76 ans, nous retrouvons la même personne mais à des étapes différentes et indépendantes. Le Brás de 33 ans n’est pas celui qui succède logiquement à celui que nous découvrirons à 11 ans, mais l’ensemble reste globalement cohérent, comme si certaines constantes ne pouvaient pas être exclues de l’infinité des univers que nous soupçonnons. Ces constantes restent l’ambition de devenir écrivain, le poids de la famille et l’attachement à certaines amitiés ou à certains amours. Brás de Oliva Domingos devient alors un personnage crédible malgré le fantastique de sa situation. On oublie même que ce qu’il vit est atypique. Sa psychologie fouillée rend ses sentiments limpides et le travail effectué sur l’expression des visages ainsi que sur les atmosphères des lieux nous donnent l’impression d’assister à des scènes d’un réalisme troublant.





On le savait déjà : la bande dessinée n’est pas une technique artistique et narrative de bas niveau. Elle permet même d’éprouver les limites du genre plus noble du roman –ici, il n’aurait pas pu réaliser aussi efficacement le travail de voyage temporel effectué à travers la synergie du dessin et du texte.





Daytripper est une belle œuvre mélancolique qui nous étreint des centaines de pages durant et qui nous laisse hagard. On ressort de cette lecture avec des interrogations nouvelles, meurtris par les fins monadiques mais aussi –et surtout-, impressionnés par les miracles de l’existence.
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Daytripper : au jour le jour

A 32 ans, Bràs de Oliva Domingos a en charge la rubrique nécrologique d’un journal de Sao Paulo. A 21 ans, il a traversé le Salvador avec Jorge, son meilleur ami. Sept ans plus tard, il a vécu son premier véritable chagrin d’amour. Il lui faudra attendre le début de la quarantaine pour connaître les joies de la paternité. C’est à cette même époque qu’il est devenu un célèbre écrivain. Entre temps, il aura perdu Jorge et aura dû affronter une vie de famille chaotique. Enfin, à 76 ans, au crépuscule de sa vie, Bràs méditera sur les dernières lignes écrites à son attention par son propre père : « Quand tu accepteras qu’un jour tu mourras, tu profiteras vraiment de la vie. »



Une préface de Cyril Pedrosa et une postface de Craig Thompson. Déjà, ça sent bon. Petit conseil, il faut se lancer dans ce roman graphique ambitieux sans à priori. Se laisser prendre par la main et découvrir les mille et une vies de ce personnage qui pourrait tout à fait être vous ou moi.



Les frères jumeaux Fabio Moon et Gabriel Bà ont tricoté un canevas imparable. Attention, la narration est complexe, exigeante. La construction éclatée, les nombreux flashbacks, les périodes de la vie de Bràs présentées de façon non chronologique, tout cela demande beaucoup de concentration pour ne pas perdre le fil. Mais vos efforts seront récompensés au final tant cet album est de qualité.



L’amour, la mort, la famille, l’amitié, la carrière, tous ces sujets sont abordés au fil des pages à travers le destin de Bràs. Ça ressemble à une vie, quoi. Le ton est juste, touchant sans jamais tomber dans le pathos. Réfléchir à l’avenir, se retourner sur son passé et profiter du moment présent, voila le triptyque défendu par les auteurs.



Dans sa postface, Craig Thompson parle de puissance narrative. On referme en effet l’album en se disant que l’ensemble du récit, malgré sa construction complexe, est parfaitement maîtrisé. Le trait est simple et expressif. Un encrage épais qui rappelle les comics et un découpage audacieux alliant efficacité et lisibilité. Seul regret, la présence de la couleur qui pour moi n’apporte rien. J’aurais préféré des planches en noir et blanc mais c’est vraiment mon seul tout petit bémol.



Daytripper est un album qui se mérite. Pas question de le lire à la va vite. Il faut être en mesure de recevoir avec la plus grande attention cette lumineuse parabole sur le sens de la vie. Sans conteste pour moi la plus belle pépite dénichée depuis le début de l’année 2012.




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Daytripper : au jour le jour

Décidemment la B.D. est désormais un média/support universel ! Je connaissais la B.D. argentine par l’intermédiaire d’Hugo Pratt, mais je découvre la B.D. brésilienne avec ce bel album [história em quadrinhos = B.D. en brésilien].

À la fin de chacun des dix chapitres, Bràs de Oliva Domingos, journaliste-chroniqueur de nécrologies et héros de cette histoire, meurt ; ... à 32 ans, puis à 21 ou encore à 11 ans ... ! Il ne s’agit pourtant pas d’un scénario de Science-fiction ou de Fantastique, mais juste de mettre en évidence de façon onirique, la fragilité de nos existences, et en même temps la merveille, le mystère et la magie de notre vie. Une belle histoire, bien dessinée et pleine d’une grande sensibilité à la fois grave et légère qui nous parle d’amour, d’amitié, de deuil, de chance et de destinée, bref du temps qui passe. Le chapitre 9 est le plus troublant, qui n’a pas de numérotation de pages ; et qui s’intitule « Le rêve », dont il est aussi question, donc. Citation : « Je ne pourrais pas dire quel âge j’ai, seulement que je suis trop jeune pour me demander si j’ai posé les bonnes questions dans le passé et trop vieux pour espérer que le futur me donne toutes les réponses »...

Une Bande-Dessinée**** comme une Bossa Nova, légèrement mélancolique, nuancée de bonheurs fragiles. Bem, adeus (Allez, salut).

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L'Aliéniste

Cette adaptation semble fidèle à la nouvelle, et elle l’est peut-être même un peu trop. Alors, on la lit comme paraphrase du texte original de Joaquim Maria Machado de Assis, et pour le confort d’avoir des images sous les yeux.





Manque cruellement de folie.

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