Poème de Gabriel DINU traduit du roumain par Gabrielle DANOUX
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Alors
C’est alors qu’ils ont placé le doute
sous le signe de l’interrogation
et sur le rêve ils ont appliqué
un impôt forfaitaire.
La forêt de cristal était
soupçonnée, elle aussi
de quelque chose de grave,
évasion ou quelque chose de la sorte.
Par conséquent, ils l’ont confiée
pour l’enquête à un juge
de paix.
Celui-ci, de temps à autre,
la convoquait pour
dire tout ce qu’elle savait,
jusqu’au lait de cristal
tété au sein de
sa mère.
La forêt de cristal
au final submergée
par le doute
a reconnu :
– Le rêve est un brigand !
ARRÊTEZ
Ne blessez plus les enfants ni les poètes !
Les premiers en ressentiront une douleur, aiguë,
dans toutes les veines du cœur.
Les autres restent à l’état d’enfant
toute leur vie.
(p. 22)
La fin
Ceci est le dernier départ
que je vous ai promis
il y a longtemps.
Adieu!
Désormais je rêverai de vous
en chuchotant.
Un automne sentimental
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(rêves échoués
sur une belle île)
L’automne est là,
frais, tendre et mûr
comme les refrains de l’hiver.
Après le dernier bis,
c’est le moment idéal
de s’en aller en douceur.
On voyage léger
dans la mort.
Ne pleure pas !
Tu me retrouveras
dans le cœur d’un oiseau
qui te regardera à travers la fenêtre
de la cuisine,
dans le cœur d’un chien
aux yeux bleus
qui te suivra comme une ombre,
dans le cœur d’un enfant
accompagné à l’école par sa grand-mère.
L’enfant te sourira.
(traduit du roumain par Radu Bata)
le texte original :
E toamnă spre iarnă
E toamnă
și după ultimul refren,
după ultimul bis,
cred că am să mă sinucid.
E toamnă spre iarnă,
vreme tocmai bună
de murit.
Iar și iar.
Să nu plângi!
Mă vei regăsi
în sufletul unei păsări
ce-ți va bate cu ciocul
în geamul de la bucătărie.
Altă dată mă vei regăsi
în sufletul unui câine
cu ochii albaștri sau nu
care te va privi
fix în ochi.
În altă zi voi fi
în sufletul unui copil
însoțit de bunica la școală.
El îți va zâmbi.
Cumva, cândva.
Dieu et beaucoup de petits riens
Dans un monde sous le signe de la crainte,
conformément à certaines règles,
certaines recommandations,
nous trouvons Dieu
dans beaucoup de petits riens.
Dans les tampons Always,
dans les tests de grossesse,
dans les préservatifs Durex,
dans la bouteille de whisky,
dans la bouteille de vodka,
dans la bière en canette,
dans les sodas,
dans la viande congelée
ou réfrigérée.
Et dans beaucoup d’autres petits riens.
Mais chez LUI, dans sa maison,
lors de la nuit de la résurrection
le plus probablement
point nous ne le trouverons.
Ils émettront un décret,
une ordonnance, quelque chose,
en recommandant
de nous allumer
tous seuls le cierge
à minuit.
Pareillement à
lorsqu’on allume, pour combattre l’ennui,
la cigarette d’après.
C’est l’automne qui passe le relais à l’hiver
C’est l’automne
et après le dernier refrain,
après le dernier bis,
je crois que je vais me suicider.
C’est l’automne qui passe le relais à l’hiver
temps idéal
pour mourir.
Encore et encore.
Ne pleure pas !
Tu me retrouveras
dans l’âme d’un oiseau
qui toquera de son bec
dans la vitre de ta cuisine.
Une autre fois tu me retrouveras
dans l’âme d’un chien
aux yeux bleus ou pas,
qui fixera
ton regard.
Un autre jour je serai
dans l’âme d’un enfant
que la grand-mère accompagnera à l’école.
Il te sourira,
D’une certaine façon, à un certain moment
XVE ÉVANGILE
(Celui de la langue japonaise)
C’est alors que je lui ai dit :
– Aime-moi au moins en japonais !
Ils vont croire que tu regardes
une vidéo sur YouTube
tandis que le feu vert
est au rouge !
Ensuite j’ai poursuivi :
– Aime-moi en japonais
pendant que tu observes ton alliance !
Ils vont croire que tu en es fière,
mais toi, tu songeras
à la jeter par la fenêtre
et puis accélérer
car entre temps le sémaphore
est passé au vert.
C’est pour cela que je conjure le juge des faillites personnelles
et le Médiateur de la République
de faire ce qu’il faut
tandis que le Ministre des Transports est supplié
d’inaugurer encore une fois
l’autoroute de nos âmes
de sorte que tu
dises à nouveau
ce mot : aishiteru !
Ils m’ont demandé
Devant le peloton d’exécution
Avec des sourires métalliques
Et la rouille de la compassion :
Comment te sens-tu ?
Comment te sens-tu, m’ont ils demandé
En souriant…
J’ai regardé stupéfait
Les pluies éloignées
Et les magnolias rouges fleurir
Sur mes cuisses, épaules, poitrine
Comme des baisers immenses…
Seul !
Seul,
Leur ai-je répondu…
Seul.
On ne s'était pas vu auparavant
et on se connaissait presque parfaitement
Ah, dans cette histoire contemporaine
comme il me manque, Einstein
Je te chercherai et
à partir de maintenant, je pense
au Roi Soleil
(p. 20)
TRANSPLANTATION
Je me cache de moi-même
dans les autres.
Je les vois tomber
en s’éraflant.
Puis je disparais.
Et ils nous élèvent
Plus ou moins.
(p. 39)