- Je viens de discuter avec Fitoussi. Vous êtes également licencié ?
- En effet.
- Pourtant la danse, c'est important.
Le regard de Dauviac s'éclaira un bref instant.
- Oui, mais je bois.
- Je vois... Et c'est une raison suffisante ?
- C'est rédhibitoire, répondit Dauviac sans détour. pour les parents, un professeur qui donne des cours, ivre, vous imaginez l'effet ?
Gould chantonnait en même temps qu’il jouait. À ses débuts, les ingénieurs du son lui avaient demandé de se taire (ils employaient entre eux une expression plus triviale), car il était impossible de dissocier l’enregistrement du piano et de la voix. Mais rien n’y avait fait. Et le public s’était habitué, car il y avait dans les fredonnements de l’artiste comme une réminiscence de la musique qui séjournait dans son esprit, et, quand il la jouait, telle qu’elle était vraiment écrite, cette réminiscence chantonnée, différente de l’œuvre, loin d’en atténuer la force expressive, la finesse – comme un souvenir imparfait qu’on aurait voulu oublier à ce moment-là – cette réminiscence, tenace, obsédante, abolissait d’une certaine manière le temps, augmentant la puissance émotive de l’œuvre, ce qui en renforçait la représentation, doublement évoquée, la révélant dans l’instant, plus intensément, magnifiée au milieu d’un nuage sonore aux contours diffus.
Il aura fallu cinq trains et dix jours pour que j’arrive jusqu’ici. Le dernier, un train sanitaire qui transportait des milliers de soldats blessés, nous a déposés à Soissons, une ville quasiment détruite. Une gigantesque croix rouge était peinte au sommet de chaque wagon pour les avions. Il faut croire que cela a été efficace puisque nous sommes arrivés sans avoir été bombardés. Au fil du voyage, les fenêtres des trains ont été pour moi comme des écrans de cinéma par lesquelles je voyais pour la première fois la vraie vie défiler dans toute son horreur. Mon père nous avait habituées, mes sœurs et moi, aux films de Chaplin et de Mack Sennett, des comédies naïves. Nous vivions dans un monde clos et irréel. Mais cette fois-ci, le film que je voyais anéantissait ma conception de ce monde. Je comprenais bien – et j’en étais profondément déçue et bouleversée – que Dieu pouvait répandre sciemment sur la terre la mort et la désolation.
La musique résonna dans la datcha et sembla se glisser comme par magie dans le moindre recoin de bois, tel un mystérieux brouillard sonore, offrant à Mikhaïl un moment totalement surréaliste, un moment où le temps paraît suspendu, un moment absurde quand plus rien ne concorde, quand la nature intime de chacun balaye les évènements d’un revers de main, abolissant brièvement l’instant présent, l’effaçant, le dématérialisant, pour mieux le laisser ensuite ressurgir, plus intense finalement, car la vie, même dans ce qu’elle a de plus rude, de plus implacable, s’avère plus forte que toutes les émotions enfouies en nous.
Il quitta la pièce et les notes s’effacèrent de son ouïe comme ces particules lumineuses qui s’évanouissent lentement à mesure qu’elles s’éloignent de leur source.
La musique résonna dans la datcha et sembla se glisser comme par magie dans le moindre recoin de bois, tel un mystérieux brouillard sonore, offrant à Mikhaïl un moment totalement surréaliste, un moment où le temps paraît suspendu, un moment absurde quand plus rien ne concorde, quand la nature intime de chacun balaye les évènements d’un revers de main, abolissant brièvement l’instant présent, l’effaçant, le dématérialisant, pour mieux le laisser ensuite ressurgir, plus intense finalement, car la vie, même dans ce qu’elle a de plus rude, de plus implacable, s’avère plus forte que toutes les émotions enfouies en nous.
Il quitta la pièce et les notes s’effacèrent de son ouïe comme ces particules lumineuses qui s’évanouissent lentement à mesure qu’elles s’éloignent de leur source.
Elle agit, répondant sans doute aux injonctions d'une inconnue qui sommeillait en elle, l'une de ces nombreuses inconnues, qui nous habitent tous, peut-être héritées du passé et qui, à notre grande surprise, ne se révèlent à notre conscience qu'au moment où l'on a besoin d'elles...
Il donna congé à ces partenaires singulières, qui ne se formalisèrent pas, étant payées pour supporter les caprices de leurs clients, et sortit sur une esplanade mouvante comme une ruche, quoique les voitures y soient proscrites, leurs ronronnements désagréables étant remplacés par celui de milliers de dialogues téléphoniques entremêlés.
Ces dialogues, dont un seul pan se révélait au grand jour, laissaient curieusement planer sur tous ceux qui se croisaient des vibrations de solitude, presque de mépris, car les conversations virtuelles occultaient la présence réelle des marcheurs qui semblaient ne plus exister les uns pour les autres.
Les quatre jeunes attendaient sur le pont. Face à eux, se tenait Dana fièrement campée en pantalon et blouson de cuir. La comédie des marins-pêcheurs était bel et bien terminée.
Vous comprenez maintenant pourquoi vous êtes au nombre de quatre filles et quatre garçons. Vous êtes les futurs couples qui reconstitueront un nouveau monde, régénéré, purifié
Pourquoi faut-il que le bonheur nous échappe sans cesse, prisonnier d’un navire emporté par des vents contraires ?