Si nous, à l'époque, nous n'avions pas pris conscience, ensemble et individuellement, qu'il nous fallait résister ; si nous ne étions pas regroupés pour lutter contre les nazis, que se serait-il passé ?
Les gens me semblent tellement futiles. Pour beaucoup, ils n’ont pas la moindre idée de ce que j’ai vécu. Ils me disent : « Eh bien, ça a dû être terrible, tu as dû avoir faim... » Avant d’ajouter illico : « Tu sais, nous aussi nous avons eu faim, nous avons été obligés de manger des pommes de terre ! » Je n’ose même pas leur répondre.
Très bavarde et curieuse de tout, j’aime échanger avec ces femmes d’horizons si divers. Sauf avec les Polonaises car leur haine des Juifs transpire à chacune de leurs paroles. Elles ne sont pas très cultivées, et le poids écrasant de la religion empêche toute discussion, tant elles restent convaincues que les Juifs ont tué Jésus.
Dans ma classe, à l’école de filles, nous sommes six juives parmi la trentaine d’élèves, dont certaines, arrivées très récemment, parlent encore mal le français. Mais cette situation ne pose problème à personne, l’antisémitisme n’existe pas.
Dès ma prime enfance, je suis baignée dans cette France des lumières prônant l’émancipation des peuples, l’ouverture d’esprit ou l’athéisme.
Il faut aimer les jeunes pour pouvoir discuter avec eux. Je les trouve vraiment très intéressants, souvent bien plus que les adultes.
Rasées, marquées comme du bétail, affublées de nos uniformes, socques en bois au pied, nous traversons le camp tels des zombies.