Georgia Byng

- Ecoute, Rocky, je reconnais que c'est un peu risqué mais il faut qu'on y aille.
- "Un peu risqué !" J'adore... Tu sais quoi ? C'est comme si tu me proposais d'aller jouer dans une centrale électrique en me disant qu'on n'a aucune chance de se faire électrocuter.
- Non, parce qu'on n'y va pas pour jouer, riposta Molly en prenant Pétula sous le bras. On va là-bas pour couper le courant.

Molly et lui adoraient mimer les publicités qu’ils avaient vues à la télé. Ils connaissaient la plupart des dialogues et ils étaient capables de les réciter mot pour mot. Ce petit jeu les amusait beaucoup.

Elle avait cru dur comme fer qu’une canette de Qube allait l’aider à résoudre ses problèmes. Qu’avec les gens de Qube à ses côtés, elle se sentirait sûre d’elle et capable de séduire le monde entier. Au lieu de ça, elle était triste et découragée. En quelque sorte, les gens de Qube l’avaient trahie. Elle s’était bêtement entichée d’eux et de ce qu’ils représentaient. C’était ridicule, elle s’en rendait compte à présent. Ces gens-là n’étaient que des acteurs, des marionnettes. Ils n’appartenaient pas à la vraie vie.

A force de naviguer sur toutes les chaînes, ses yeux n’étaient plus ronds, mais
rectangulaires. En trois heures, elle avait appris pas mal de choses sur le mode de vie des Américains, mais rien sur l’art et la manière de se procurer de
l’argent.

Désormais, elle était sûre d’être à l’abri du besoin grâce à son pouvoir hypnotique. Quant au reste, elle décréta qu’à partir de ce jour, plus personne ne la bousculerait, ne la pincerait, ne l’asticoterait, ne l’ignorerait ni ne lui donnerait des ordres. Molly Moon allait devenir quelqu’un et les autres n’avaient qu’à bien se tenir. Une nouvelle étoile allait bientôt jaillir du firmament et éblouir le monde entier

Notre cerveau apprécie de tels instants de rêverie.C’est pour lui une façon de se reposer.

La rêverie est une autre forme de transe. Les personnes dotées d’un naturel rêveur ont tendance à vivre dans leur propre monde, à s’enfermer dans leur bulle personnelle.Au point qu’elles ignorent parfois ce que les autres ont pu dire ou faire en leur présence. Lorsqu’une personne est en état de transe, elle s’éloigne de ce monde de bruit et de foreur pour s’élever vers les cimes calmes et silencieuses de l’esprit.

L’argent lui filait entre les doigts comme du sable fin.Tellement fin qu’il en restait à peine quelques grains.

La télé poussait les gens à consommer sans s’en rendre compte.C’était en quelque sorte un lavage de cerveau. A force de s’entendre répéter « Achetez ci, achetez ça », les gens finissaient par être persuadés qu’ils ne pouvaient pas se passer de ci ou de ça.

Trois mille livres ! Comme c’était beau, comme ça sentait bon, comme c’était agréable au toucher ! Cette fortune lui donnait un sentiment de puissance et de liberté. Elle pouvait partir n’importe où, il suffisait d’acheter le billet d’avion et hop ! en route pour la Chine, l’Inde ou l’Australie.

Mener une vie en technicolor, comme dans ses publicités favorites. C’était peut-être pour demain, pourquoi pas ?

C’était trop beau pour être vrai.

A force de ressasser tout ça, Molly se sentait comme une marmite où bouillait un affreux mélange d’angoisse et de rage.

Quand on n’est pas bon pour certains trucs, on laisse tomber. Et quand on
rencontre d’autres difficultés ensuite, on ne se donne plus la peine d’essayer
et du coup on devient encore plus nul, et alors…

Quand on joue de malchance, on a tendance à croire que cela ne s’arrêtera jamais.