Citations de Gérard Georges (85)
Il avait beau se dire que la semaine dernière encore l’existence de cette femme ne revêtait pour lui aucune réalité, qu’il avait vécu jusqu’à présent sans se soucier de son sort, il se sentait soudain investi d’un rôle de protecteur patenté et il n’admettait pas qu’elle eût pu commettre cette imprudence de sortir au grand jour, avec le risque d’être reconnue puis dénoncée
Ils étaient jeunes encore, la besogne ne leur faisait pas peur. Ainsi, jusqu’au dimanche soir pour leur retour dans la capitale auvergnate – et malgré le peu de dons pour les travaux manuels de Marcellin –, ils ponçaient, carrelaient, étayaient les murs, tapissaient, jardinaient. Aucune tâche ne leur paraissait impossible et ils se disaient que le résultat de leurs efforts serait bientôt à la hauteur de leurs espérances.
Que lui arrivait-il ? Avait-il perdu la raison ? Se pouvait-il qu’il succombât aux appas de cette femme qui n’était rien pour lui et dont il ignorait tout de sa vie passée, là-bas, si loin en Pologne ? À son âge, une telle folie était-elle concevable ? N’aurait-il pas mieux fait de tout révéler aux gendarmes lorsqu’ils l’avaient raccompagné chez lui ?
Un sentiment étrange, mélange d’une peur ancienne quand, en Pologne, elle devait affronter des froids sibériens, et d’une forme de plénitude face à la force magique d’une nature dans toute sa splendeur, s’empara d’elle.
Vous ne semblez pas aimer beaucoup la gent masculine ! Et pourtant, beaucoup de ces messieurs vous trouvent sans doute à leur goût et vous devez avoir un succès fou auprès d’eux.
C’était une petite jeunette d’à peine vingt-cinq ans, avec des formes pleines là où il fallait qu’il y en eût – mais sans exagération non plus –. En toute honnêteté, il lui fallait bien reconnaître qu’il l’avait recrutée plus pour son physique que pour ses réelles compétences professionnelles. Le démon de midi l’avait-il atteint à la cinquantaine passée ? Sans doute était-ce bien cela. En tout cas, la jolie brunette au doux prénom de Marie-Flore, il l’aurait bien couchée dans son lit !
Il avait beau se dire que la semaine dernière encore l’existence de cette femme ne revêtait pour lui aucune réalité, qu’il avait vécu jusqu’à présent sans se soucier de son sort, il se sentait soudain investi d’un rôle de protecteur patenté et il n’admettait pas qu’elle eût pu commettre cette imprudence de sortir au grand jour, avec le risque d’être reconnue puis dénoncée.
Marcellin, pourtant dévoré de curiosité sur les raisons de la présence de Maryla dans sa demeure, ne savait par où amorcer ses dires, qu’elle considérerait sans doute comme un questionnaire indiscret. Avait-il le droit de s’immiscer dans la vie de l’inconnue ? De quel privilège pourrait-il se targuer afin d’en savoir un peu plus sur elle et sur son passé ?
Pourtant, en voulant dissimuler la vérité, ne risquait-il pas de contrecarrer la justice ? Peutêtre cette femme avait-elle commis un acte délictueux et, en se comportant ainsi, il avouait être son complice. Il prit alors conscience qu’il n’agissait pas en homme responsable. Il avait tout de même passé l’âge de jouer aux cow-boys et aux Indiens ! À soixante ans, il était peut-être enfin temps pour lui de cesser de se prendre pour un enfant !
– Tu vois toujours le verre à moitié vide ! lui serinait-elle. Essaie, de temps en temps, de le voir à moitié plein et tout ira mieux !
Ils se voyaient tous les jours sur le chemin de la Fac. Lui était en année de maîtrise et elle préparait sa licence. Mais chacun chez soi, bien sûr, et il ne serait venu à aucun des deux l’idée de partager son nid avec l’autre. L’heure n’avait pas encore sonné d’une plus grande liberté de mœurs. Ça n’était pourtant pas l’envie qui leur manquait. Mais, n’estce pas, caparaçonnés dans des principes stricts, ils auraient trouvé indigne d’y déroger, ne fût-ce qu’une seule fois.
ne savait plus quoi dire. Les mots semblaient être morts dans sa gorge. Englués. Figés, tout comme ces stalactites au-dessus de la porte de grange, qu’il pouvait voir, par-delà les carreaux, pointer leurs flèches vers le sol enneigé. Un long moment, il resta ainsi, à observer les rigueurs de l’hiver, puis finit par délaisser son poste d’observation. Il se retourna soudain. Allongée sur le canapé avec Maïa à ses pieds, la belle Polonaise s’était endormie.
Elle seule avait partagé ses joies et ses peines au cours de ces dernières années. Il s’en étonnait lui-même, alors qu’il était pourtant si prompt à s’enflammer lorsque cela n’allait pas aussi rond qu’il l’aurait voulu. Mais Maïa, c’était autre chose. Elle aurait pu pourtant le faire tourner en bourrique lorsqu’elle perdait ses poils aux quatre coins de la maison et qu’il lui fallait passer l’aspirateur quasiment chaque jour afin de maintenir un certain état de netteté dans les pièces.
« Arrête de tonner contre le monde entier, mon pauvre mari ! C’est usant d’entendre sans cesse tes jérémiades. On dirait que ça te fait plaisir de toujours voir le mauvais côté des choses ! »
Des cheveux uniformément argentés avaient remplacé depuis peu une tignasse poivre et sel qu’il avait toujours voulu porter mi longue par fidélité à ses années de jeunesse et à la mode de cette époque révolue. Il approcha son visage du miroir. Bon Dieu, qu’il vieillissait mal et que ces cernes sous les yeux étaient disgracieux ! Comment l’être humain, sans qu’il en prît de jour en jour la mesure, pouvait-il subir une telle déchéance ?
« La vérité d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache. »
André Malraux.
_Notre chocolat sera le meilleur de toute la contrée,ma chère épouse,lui dit-il.Je t'en fais ce jour le serment.
Il possédait une soif d'apprendre quasi inextinguible et une curiosité tout aussi grande.
Les premières violettes, toutes timides, se blottissaient sous des herbes au vert tendre.
Sur le parvis, la mariée ôta son voile blanc et le confia à sa demoiselle d'honneur. Il servirait maintenant à chacun des baptêmes de ses futurs enfants et recouvrirait leurs langes, en symbole de pureté virginale.