Gérard Watelet

Ce fut plus exactement le 27 juin 1898, qu’une cérémonie tibétaine eut lieue dans les arrières loges du Musée Guimet. Certains théoriciens religieux et politiques japonais considéraient le Turkestan, en particulier le Sin-Kiang, où se trouvait selon Guénon le siège principal de la mystérieuse Teshu Maru, comme une région géographique d’une importance capitale dans une perspective que l’on dirait, de nos jours, géopolitique. Le turcologue Owen Lattimore avait qualifié le Turkestan chinois de « pivot de l’Asie » et, pour Louis de Maistre, « il s’agit là d’une définition qui transparaissait déjà, fût-ce de manière implicite, dans certaines affirmations, à vrai dire peu claires, de René Guénon sur cette région. ». Il existe des liens évidents reliant entre eux dans l’ombre la tentaculaire Teshu Maru, le tantrisme du Kalachakra de Shambhala dont nous avions situé la source primitive au Turkestan dans la région de Balkh, non loin de l’un des emplacements des tours du diable, et l’Agartha de Saint-Yves d’Alveydre, ce centre mythique « spirituel » qui ne fut pas, semble-t-il, seulement le produit de son imagination débordante ; ce Centre ne fut sans doute pas aussi bienfaisant qu’il le prétendait, ceci pouvant expliquer pourquoi, à la dernière minute, juste avant que ne soit diffusé Mission de l’Inde, Saint-Yves aurait pris la décision de faire disparaître l’ensemble des exemplaires à l’exception d’un seul, qui ne fut publié et diffusé que bien des années après sa mort.

La cuisine c'est plus charnel que mental

Revenons à la spécialité propre de Jacques Bergier, la chimie physique et sa petite sœur, la physique nucléaire. À sa naissance, cette discipline n’a pas seulement ouvert la voie à la bombe atomique et aux centrales électriques utilisant l’uranium, elle a provoqué un choc psychologique et un émerveillement chez les chercheurs lorsqu’ils ont pris conscience qu’ils pouvaient opérer des transmutations et des synthèses de matériaux. La toute jeune chimie physique, loin de rejeter le passé aux poubelles de l’histoire, donnait raison aux alchimistes que toute la science expérimentale avait appris à mépriser et à railler depuis les Lumières. Les savants du début du XXe siècle avaient dû jeter aux orties toutes leurs certitudes sur la matière, le temps et l’espace ; partis d’un Univers solide aux lois immuables, ils se retrouvaient dans un monde aux définitions floues, aux lois seulement statistiques, ce qui signifiait que tout pouvait arriver dans les recoins et qu’il y avait même des poches infinitésimales dont nul ne pouvait rien dire.

Ainsi lorsque Guénon mentionnait les sept tours de la contre-initiation, il localisait selon un tableau très cohérent les « Lieux du Pouvoir » disposés à la surface du monde ancien, qui, aujourd’hui encore, pour la plupart, semblent être des lieux clés de la conquête du monde. Bien souvent, ces zones sont peu éloignées des positions stratégiques dont parlait le géopoliticien et géographe Sir Halford Mackinder (1861-1947). Mackinder développa le concept d’heartland dès 1904, lors d’une conférence à propos de « l’axe géographique de l’Histoire ». Ce géographe britannique soutenait que la terre ou, plus exactement, son île centrale, l’Eurasie, avait un cœur, un axe autour duquel tournait l’histoire du monde et que quiconque arrivait à maîtriser cette région privilégiée pouvait contrôler le monde.