LES MAGICIENS DU NOUVEAU SIÈCLE,
UN NOUVEAU MATIN DES MAGICIENS ?
Écrire un nouveau Matin des Magiciens et plus généralement perpétuer l'esprit Planète est un fantasme récurrent de la contre-culture contemporaine. On lui doit quelques réalisations sympathiques, comme la revue Question de qui prendra, l'espace de quelques numéros, le relais de Planète après la disparition de la publication mythique en 1971 puis, plus récemment, avec Orbs, l'Autre Planète de Maxence Layet qui en est à son 6 ème numéro.
Pour bien comprendre Les Magiciens du Nouveau Siècle, il faut certainement revenir aux sources.
Nous sommes dans la France de la fin des années 50, encore engoncée dans le pessimisme sartrien alors que déferle sur elle la prospérité des « Trente Glorieuses ». La force du Matin sera d'ouvrir toutes grandes les fenêtres et d'essayer de donner un sens à ce tournant culturel. Non, la Science et la Tradition ne sont pas contradictoires et l'Histoire a encore beaucoup de secrets à nous révéler. Tout cela sur fond d'une humanité en transformation continue découvrant l'infinitude de sa conscience et préparant le « nouvel homme ».
Fiche de présentation des Magiciens du Nouveau Siècle (Pygmalion, novembre 2018)
Il est plus que temps de faire le point sur notre savoir, nos ignorances, nos choix existentiels et les mythes qui attisent notre désir collectif. Louis Pauwels et Jacques Bergier avaient ressenti ce même besoin au début des années 1960, alors que tout semblait exalter le progrès. Cela s'appela le Matin des magiciens. La critique du « réalisme fantastique » est achevée mais le paysage s'est modifié. À notre tour, il nous faut aborder ce qui se lève, ombres et lumières mêlées, au risque d'en devenir aveugle ou d'être éblouis. le XXIe siècle devait être spirituel ou pas, il donne au contraire naissance à un monde de faux-semblants. Les auteurs de cet ouvrage destiné à devenir le nouveau texte de référence du genre ont fait parvenir leur manuscrit de façon anonyme. Combien sont-ils, nul ne le sait, mais leurs propos sont incontournables pour
qui veut comprendre notre société.
Analyse de l'ouvrage
Faute de contributeurs officiellement identifiés, nous désignerons les auteurs de la sorte AP1C1 pour anonyme partie 1 chapitre 1, AP1C2 pour anonyme partie 1 chapitre 2 etc….
P1, LES SCIENCES FASTES ET NEFASTES
AP1C1, la science à l'orée du millénaire – 83 pages
Un début assez classique pour ce genre d'ouvrage, à savoir une vaste synthèse de l'évolution scientifique récente et de ses perspectives. L'introduction est intéressante, rappelant les travaux de Jacques Bergier et remettent en lumière toutes les découvertes inexploitées qui auraient pu changer la face du monde. Un beau travail de vulgarisation qui résonne avec beaucoup d'articles de magazines ou d'émissions de TV consacrés actuellement au sujet. le thème est en effet à la mode, et il regroupe physique quantique, relativité, paradoxes temporels, multivers, big bang etc. Petit détail curieux, AP1C1 se réfère au thriller de Dos Santos, La Clef de Salomon (2014), comme étant l'une des meilleures présentations de la mécanique quantique. Il fait ici confusion avec La Formule de Dieu (2012), véritable chez d'oeuvre dont La Clef de Salomon n'est qu'une « séquel » cherchant à exploiter le succès du livre de base (annexe).
Si le rédacteur ne dévoile pas son identité, il nous précise qu'il est l'auteur de travaux en mathématiques sur les lois du hasard. Il est également manifestement proche ( ?) de Geneviève Beduneau à laquelle il se réfère de façon très élogieuse.
AP1C2, des biologistes derrière les barbelés– 54 pages
Avec ce chapitre, consacré à la guerre chimique, on commence à basculer dans le malaise. L'auteur nous présente une galerie de bactériologues que l'on a retrouvé « suicidés ». Et l'enquête est très détaillée, avec deux cas britanniques (Kelly et Holmes) traités sur plusieurs dizaines de pages. C'est à mon sens en peu longuet et perd en « force de conviction ». On en déduit que ces savants ont certainement joué avec le feu et qu'ils n'ont pas pu faire machine arrière. La graine « conspirationniste » est semée dans l'esprit du lecteur. On relèvera, à cet égard, une charge anti-américaine d'une violence étonnante. Était-ce nécessaire, car cela laisse planer un doute quant à l'objectivité des analyses du rédacteur ?
On notera enfin, à titre anecdotique, une petite erreur : parlant des services secrets français, AP1C2 voit en la DGSE l'ancêtre du SDECE, alors que c'est bien évidemment le contraire.
AP1C3, heurts et malheurs du génome – 36 pages
Suite dans le même esprit, sur fond de manipulations terrifiantes du génome pour résoudre une équation impossible : surpopulation et épuisement des ressources de la planète. On voit poindre le bout du nez du malthusianisme coloré d'un eugénisme qui ne dit pas son nom. L'analyse se poursuit par un débat sur le transhumanisme avec l'éternel conflit entre les partisans d'une humanité « améliorée » et ceux défendant un strict respect des lois naturelles. La recherche de l'immortalité est en toile de fond, même si l'auteur reconnaît que l'éternité, c'est un peu long !
AP1C4, armes d'aujourd'hui qui ressemblent à la science-fiction– 46 pages
On continue à plonger dans le glauque en visitant une armurerie qui fait frémir. Les bombes sont maintenant fabriquées avec de l'uranium appauvri qui pollue de surcroît la nature, les drones ont la taille d'une libellule, les soldats androïdes seront bientôt capable de combattre de façon autonome. Et cerise sur le gâteau, les techniques de la guerre secrète sont pratiquement au point : déclencher des catastrophes naturelles en douce, pour déstabiliser l'ennemi sans afficher d'intentions belliqueuses. Tout cela parfaitement documenté par… internet. Et une nouvelle fois, on sème le doute dans l'esprit du lecteur. Et si les catastrophes naturelles qui se multiplient (tsunamis, raz de marée, incendies) n'étaient pas la cause du réchauffement climatique, mais une manifestation de cette guerre occulte ?
Décidément, cette partie sur la science qui avait bien commencée se termine sur un sentiment de malaise profond. Ce soit disant nouveau Matin des Magiciens ne laisse guère place à l'espoir !
Mais continuons avec une seconde partie qui annonce clairement la couleur :
P2, UNE GEOPOLITIQUE DU MAL
AP2C1, la rumeur sataniste (40 pages)
Nous restons dans le glauque, avec une analyse du satanisme bien documentée qui s'appuie notamment sur la référence en la matière, Enquête sur le satanisme du sociologue italien Massimo Introvigne (Éditions Dervy, la Bibliothèque de L'Hermétisme, 1998, cf annexe). Les groupuscules « classiques » comme l'Église de Satan ou le Temple de Seth sont relégués au sein des micro-chapelles et part belle est faite au fameux lien satanisme/pédophilie qui a défrayé la chronique, notamment nord-américaine. Il en ressort qu'aucune trace d'un complot mondial en la matière n'a jamais été décelée et que les agissements coupables sont plus le fait d'individus gravement dérangés que d'un quelconque mouvement organisé. Je ne sais pas très bien quel est le but de cet article dans un « Nouveau Matin des Magiciens », mais si c'est pour monter un dossier sur « les sociétés secrètes mènent le monde », c'est pour le moins à côté de la plaque ! On est plus dans le domaine de la psychiatrie que celui du « réalisme fantastique ».
AP2C2, la question des Tours du Diable (251 pages)
Pas facile d'analyser ce chapitre qui fait 251 pages, soit près du quart du bouquin. Pour bien comprendre, il faut se replonger dans la philosophie ésotérique de René Guénon qui inspire profondément l'auteur : il existe, aux côtés de l'initiation véritable qui cherche à rétablir l'homme dans son état originel, une contre-initiation, sorte de démarche inversée qui conduit aux résultats contraires et qui prend sa nature de « sataniste » lors du dernier cycle, celui du Kali Yuga. AP2C2 part d'un livre de William Seabrook, Aventures en Arabie (1933), faisant part de l'existence de « sept Tours du Diable » , établissant une frontière symbolique entre l'Orient Traditionnel et l'Occident. René Guénon apprendra l'existence de ces « monuments » lors de trois échanges de correspondance avec son ami Seabrook et en rendra compte dans Études Traditionnelles. Jean-Marc Allemand y consacrera un ouvrage, René Guénon et les Sept tour du Diable chez Trédaniel en 1990. le quatrième de couverture résume bien la problématique : le présent livre n'est ni une compilation, ni une nouvelle biographie sur René Guénon. L'auteur, dans une analyse minutieuse, situe géographiquement les sept tours du diable qui, selon Guénon, sont les centres de projection des influences sataniques à travers le monde. Les résultats funestes de leur action, tant en Orient qu'en Occident, sont inexorablement fiés au déroulement de l'actuel Age sombre. Cette étude nous donne aussi d'intéressantes précisions sur les incessantes attaques de toutes sortes que René Guénon le " Serviteur de l'Unique " eut à constater et contre lesquelles il opposa tout au long de son existence une parfaite rectitude et une orientation inébranlable. Pour corser le tout, ajoutons qu'Aleister Crowley, ami de Seabrook, était bien au courant de ce dossier dont il avait pris connaissance lors de sa carrière d'agent secret !
Ces fameuses tours sont donc le vecteur de tous les malheurs qui s'abattent sur l'Occident (le terrorisme islamique est évoqué) et annoncent évidemment « la Fin des Temps ». L'auteur va traquer tout au long des pages les signes de cet effondrement programmé par une analyse incroyablement érudite de l'histoire ésotérique de l'Orient. Tout y passe, des civilisations préhumaines à l'Agartha, de Thulé à l'Hyperborée, des Tours Sombres de Stephen King à la Cimmérie de Conan le Barbare, sans oublier Les Neufs Inconnus de Talbot Mundy et les expéditions tibétaines de Nicolas Roërich. Ce qui est frappant, dans les références proposées, c'est ce que j'appellerai la méthode de l'horizontalité : mettre sur le même plan d'authentiques chercheurs comme Louis de Maistre , Henri Corbin ou Mircea Eliade et des écrivains plus romantiques comme Charroux, Von Däniken, Gurdjieff, Blavatski, Anton Parks, Sitchin, David Icke… Une place de choix est réservée à Jean Robin qui est cité 61 fois (sur 251 pages) et qui est en fait le fil conducteur de l'auteur. S'il est vrai que le penseur de Vendôme est un sympathique érudit, sa mythomanie brouille en permanence les cartes et jette un doute certain sur sa crédibilité. La façon dont AP1C2 utilise son dernier ouvrage sur Lovecraft (Howard Phillips Lovecraft et le Secret des Adorateurs du Serpent, annexe) me laisse perplexe : nous sommes certes dans une eschatologie noire, mais de voir comme manifestation de cette dernière le retour des Grands Anciens, créatures imaginaires du Prince Noir de Providence, me met particulièrement mal à l'aise. On peut du reste se demander si le rédacteur connaît l'oeuvre de Lovecraft (en dehors de sa lecture de l'ouvrage de Jean Robin) lorsqu'il évoque la cité mythique d'Irem, popularisée selon lui par l'écrivain de Nouvelle-Angleterre dans Les Engoulements de la Colline (The Wippoorwills in the Hills, 1948). Or cette nouvelle n'est qu'un médiocre pastiche d'August Derleth, la primo nouvelle de Lovecraft étant La Cité sans Nom (The Wolverine, 1921) (annexe).
On ne sera pas autrement surpris de relever, en conclusion, que cette copieuse étude baigne, une fois encore, dans un conspirationnisme caricatural : Chacun connaît en effet le rôle trouble que peuvent jouer les États-Unis en arrière-fond de la géopolitique mondiale et de nombreuses personnes les soupçonnent d'influencer dans l'ombre les mouvances djihadistes qui ensanglantent le Moyen-Orient depuis plus de trente ans.
AP2C3 : la griffe de la civilisation Atlante et sa fusion avec la Tradition (87 pages)
Ce chapitre s'inscrit dans la continuité du précédent et est manifestement du même auteur, ne serait-ce que par « l'horizontalité» des références et par l'omniprésence de Jean Robin, cité 24 fois. Il s'agit d'une analyse de l'Atlantide, de ses origines, de sa localisation et de ses descendances, toujours à la lumière d'une mythologie ésotérique bouillonnante. Ce qui est intéressant, dans ce type de travail, c'est l'examen des traces qui auraient été laissées par la civilisation perdue, exercice dans lequel s'était notamment distingué Ignatius Donelly (Atlantide, monde antédiluvien, 1882, réédition Edite 2001). Ici, les griffes sont plutôt du domaine du « subtil mythologique », encore que. On trouve en effet page 602 l'information suivante qui ne peut que troubler les « saunièrologues avisés » :
…. Il existe une légende arabe qui n'est pas sans intérêt puisqu'ils parlent dans leurs chroniques d'une cité d'Airain où Salomon avait fait construire un monument secret à sa gloire, situé aux limites du désert occidental, non loin de la ville d'Andalous (à 20 journées de chemin au-delà) raconte la légende. La cité que bâtirent les Devs et les Péris sur ordre du roi devait devenir le dépôt de tous les trésors et les livres du roi Salomon. Certaines indications à mettre en corrélation avec des pistes similaires dévoilées par le soufi andalou Ibn'Arabi nous orienteraient vers les mystères du Razès et du trésor de Salomon rattachés à la mythologie castelrennaise de l'Aude.
…. Parti à la recherche des ruines de la cité, Mousâ Ibn Noçaïr ne trouva rien d'autre que ces versets gravés sur une muraille : J'ai fait couler, au milieu de ce château, cet airain coulant et ai fait apporter ici les pierres précieuses et les trésors de la Terre. J'ai fait construire ce château de façon qu'il puisse subsister jusqu'à l'époque où arrivera je jour du jugement.
Et de conclure …. Les concordances avec les légendes relatives à la région de Rennes-le-Château sont ici nombreuses et mériteraient que les chercheurs y accordent une certaine importance.
AP2C4 : la zone eurasienne sous l ‘emprise du « Dragon Noir », de l'Etoile Rouge et des « Saints » de Satan (111 pages)
Toujours une suite du précédent épisode, de la même plume, dans laquelle nous allons rencontrer la redoutable Teshu Maru, Société du Dragon Noir et découvrir la mystérieuse Cité d'Arkaïm, exhumée au Caucase en 1987 et qui pourrait être l'un des emblèmes du Centre suprême, le nombril du monde. Tout cela résonne bruyamment avec l'Agartha, Shambhala et le Royaume du Prêtre Jean. Mais c'est surtout la localisation des tours du Diable qui motive l'auteur, par un curieux retour en arrière (cf infra C2). Il en cite deux, celle située en Syrie qui pourrait se trouver dans la plaine de Shinéar, au mont Lalesh ; quant à celle du Turkestan, elle serait dans une oasis au croisement du Sinkiang et du dit Turkestan, au sein du district de Tash-Kourgan, au coeur de la vallée de Gilgit. Mais il y en aurait deux autres que René Guénon n'a pas pu pointer avec exactitude. Une en Oural que le chercheur voit à proximité de la cité d'Arkaïm, l'autre en Sibérie occidentale que le rédacteur pense localiser sur l'Ile aux Cornes, au centre du lac de Lovozeo. Pour « conforter » son analyse, AP2C4 interroge Geneviève Beduneau qui pourtant ne rentre pas vraiment dans son sujet, mais parle d'une région qu'elle connaît bien, le Razès, et de la mystérieuse tour du village de Fa, donc à proximité de Rennes-le-Château. Une tour où selon Jacques Bercier (Visa pour une autre Terre) la gravitation et le magnétisme terrestre seraient particulièrement perturbés et qui pourrait être un accès à d'autres dimensions.
On parlera encore de « la pierre tombée du ciel », de la pyramide de Falicon et des mystères de Lyon.
Puis nous plongeons dans l'Eurasie à proprement parler, en s'interrogeant sur les liens ayant existé entre le bolchevisme, l'ésotérisme et les juifs. On voit s'esquisser une centrale communiste rouge, un « cosmisme russe », faisant le pont entre le bolchevisme et l'occultisme. le sulfureux Alexander Douguine , « le Raspoutine de Poutine », est activement sollicité dans la recherche. le chapitre se termine par un entretien entre Oleg Chichkine, historien russe spécialisé dans les liens entre occultisme et services secrets soviétiques et Christian Bouchet . Il en ressort que les flirts entre le GPU et plusieurs sociétés ésotériques comme la R+C étaient fréquents, que Nicolas Roerich était un agent d'influence important dans cette relation et que les dirigeants communistes avaient même envisagé de mener une mission pour libérer Shambhala du capitalisme….
AP2C5 : Histoire Secrète de l'Occident (47 pages)
L'éditeur a dû avoir du mal à découper ce livre en chapitres, et je le comprends, car nous sommes depuis C2 dans la même thématique et avec les mêmes références (Jean Robin est cité ici 16 fois après s'être un peu reposé en C4 !). On revient sur le Centre du Monde qu'on ne peut localiser sur une carte, car il est dans un état « subtil » . Encore que ne s'agirait-il pas du Château Noir du Comte D
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