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Citations de Giulia Caminito (134)


Plus ils tapaient fort plus je me rapprochais, et je suis restée au premier rang jusqu'à ce qu'ils s'écroulent par terre, éreintés par la rixe et par l'alcool, leurs visages étaient méconnaissables, leurs yeux fermés, leurs cheveux trempés de sueur et de sang.
Leurs amis les ont secourus à la fin du combat, les soulevant par les bras et par les jambes, et alors seulement je me suis aperçue que j'étais la seule fille restée là. Mes amies s'étaient éloignées, elles avaient récupéré leurs serviettes et leurs sacs, et avec Ours et le Grec elles étaient allées se réfugier au-delà du saule, mettant de la distance entre elles et la bagarre.
J'ai jeté un regard alentour à leur recherche et senti des yeux inconnus et curieux posés sur moi, peut-être que certains m'avaient reconnue: celle qui sait tirer, la fille d'Antonia la Rousse, la fille qui aime le carnage, les effusions de sang et les blessures.
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A présent, elle est distante, maléfique, je me sens aiguillonnée par son regard, ces cajoleries qui subitement me rendent malade, je suis la première à me dérober et à réagir par l'animosité, au moment même où notre amitié est en danger et que quelqu'un de plus séduisant que moi est sur le point de la conquérir, je ne sais pas me rendre agréable, je ne sais pas me travestir en sainte patronne, je crache des flammes et érige des murailles.
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Quand j'ai raconté cela à Antonia, en lui demandant si c'était vrai, si nous courions ce risque, elle m'a répondu que c'était une bêtise et que nous allions devenir des femmes peureuses, qui passent leur temps à attendre l'arrivée d'un fantôme et sont incapables de faire face aux vrais dangers, aux vraies crises.
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Les derniers, les moins aimés, ce sont les étrangers qui viennent chercher un travail rudimentaire, ou qui vendent sur les trottoirs les objets fabriqués de leurs mains, eux, on leur réserve des coups d'œil soupçonneux et des phrases affûtées. Depuis des années, des familles étrangères - polonaises, roumaines et albanaises - se sont installées en ville et dans les villages, des familles comme la mienne, composées de gens qui travaillent dur du matin au soir et qui ont réussi à louer des appartements ici, ils ont trouvé des emplois de maçons, jardiniers, domestiques, serveurs, cuisiniers, on raconte des histoires sur leur compte, on répand des calomnies.
Pendant longtemps, Agata m'a tenue informée de tous les méfaits accomplis par "ces gens-là", si le toit d'une grange tombait, si les rues étaient sales, si le travail venait à manquer à la campagne, si un chien de berger disparaissait, si c'était dangereux de traîner la nuit, si des bouteilles de bière flottaient à la surface du lac : tout était leur faute. Un des meilleurs racontars, qui revenait chaque année, voulait qu'un Roumain soit mort après s'être éloigné, ivre, sur un matelas pneumatique, il s'était noyé, le lac avait accompli
sa vengeance.
À partir du moment où elle a entendu dire que des hommes, albanais selon la rumeur, faisaient le guet à la sortie des collèges et des lycées pour enlever les jeunes filles, les forcer à monter dans des bus pour les emmener se prostituer Dieu sait où, Agata est devenue parano pendant presque un an. Quand nous sortions de cours, elle tendait le cou et jetait des regards furtifs dans toutes les directions, elle repérait chaque fourgon garé et chaque visage inconnu, elle me demandait: c'est qui, celui-là ?
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Derrière, il y a les étrangers riches - les Allemands, les Hollandais, les Anglais - qui ont acheté les maisons les plus anciennes, les plus haut perchées, et les ont rénovées, ils en font des chambres d'hôtes ou bien ils y habitent à l'année, certains sont retraités, d'autres ont ouvert de minuscules boutiques d'artisanat, d'autres encore travaillent à l'Agence nationale italienne pour les nouvelles technologies, l'énergie et le développement durable sur le site de Casaccia, ils sont biologistes, chercheurs, ils ne voient que le meilleur d'ici: les fresques dans les églises, l'aube sur le lac, les plongeons depuis les rochers, la neige dans les venelles; parmi les moins appréciés, les envahisseurs, ils sont le haut du panier, les gens du coin se moquent de leurs initiatives culturelles, de leur école de musique, de leur théâtre, de leurs lectures publiques.
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Iris a subi mes retards cumulés, mes distractions et mes disparitions, mais elle a continué à m'inviter chez elle pour qu'on fasse des muffins ensemble, qu'on regarde une série sur les vampires, qu'on se promène dans le potager, elle s'est proposé de venir à ma soutenance de master et m'a invitée à la sienne - j'ai refusé dans les deux cas -, elle est venue en bas de chez moi avec sa voiture d'occasion pour me montrer qu'elle avait appris à conduire, elle m'a envoyé des messages jusque tard dans la nuit, elle a fait sonner le téléphone fixe et je n'ai jamais répondu, si bien que ma mère a pris l'habitude de le débrancher le soir, et le téléphone sonnait occupé, de fait j'étais occupée à creuser des tranchées le long de mes frontières.
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(...) entre la personne que j'étais et ce en quoi j'ai évolué, à quelle espèce est-ce que j'appartiens maintenant? Je suis peut-être un lynx, peut-être une anguille, peut-être un dinosaure, je viens du passé et c'est pour cela que je suis à l'étroit dans le présent, il ne semble pas avoir de place pour moi.
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(...) elle sait que si les erreurs de la plupart des gens sont pardonnées, ce n'est pas le cas des nôtres, quand on commet une erreur en bas de l'échelle, on paie le double, on n'a pas de filet de sécurité, pas de connaissances, pas d'argent pour se payer une absolution.
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- Ça te ressemble bien.
- Quoi?
- De tirer et de gagner.
- Pourquoi?
- Parce que tu es comme ça, tu as le courage de tout faire.
Je ne sais pas quoi répondre à cela, je ne me suis jamais considérée comme capable ou volontaire, j'ai toujours agi sur des impulsions, par convulsions, par revanche et par honte.
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Ma manière d'étudier est aussi compacte qu'un container aveugle, un parallélépipède massif, une construction d'appoint que personne ne transformera jamais en palace, j'ai dû créer de nouveaux espaces à partir de rien pour soutenir mes efforts intellectuels. Pour ce faire, j'ai mis au point des rites et des échéances, des rythmes et des calendriers.
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(…) mon père a perdu l'équilibre et la barre en fer qui aurait dû le protéger a cédé, il a lâché les seaux mais n'a pas eu le temps de se rattraper et quand il est tombé mon père savait que son travail n'était pas déclaré, il n'était pas couvert en cas d'accident, il n'avait pas de treizième mois, il devait aller réclamer à voix basse l'enveloppe qu'on lui donnait un mois sur deux, il devait insister et rappeler son existence, rappeler qu'il se levait à cinq heures du matin comme les autres pour aller sur le chantier, il savait qu'il ne pouvait compter ni sur un syndicat, ni sur une protection, ni sur une plainte.
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Au coucher du soleil je me fais hibou, je passe des heures à réciter par cœur les vers grecs et je m'entraîne à la métrique - le trimètre iambique, l'hexamètre dactylique, l'anapeste -, j'essaie d'éduquer ma mémoire limitée et perméable, je veux qu'elle soit d'acier et d'aluminium, qu'elle abrite dates, rois et reines, rimes et mélodies, guerres, épidémies, formules algébriques, chapiteaux et tableaux.
Iris m'appelle parfois et me demande si je fais la tête, si j'ai des problèmes.
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Mais tu m'as demandé de te l'écrire, alors la voilà, cette chose destinée à ne servir à rien.
Tu me manques et j'ai été une affreuse, affreuse, affreuse amie.

Gaia
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Les trêves n étaient pas comme la paix,elles puaient le.mesonge sans faire rêver.
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Un roman flamboyant

Rome et sa périphérie, années 2000.
Ce roman vous happe dès les premières pages avec l'entrée en scène d'Antonia la rousse, mère de la narratrice et pilier de la famille où grandit Gaïa au milieu de trois frères et sœurs et d'un père en fauteuil roulant. Une personnalité forte, sans compromis, prête à tout pour obtenir un logement salubre et permettre à sa fille de faire les meilleures études possibles, dans des établissements pour les riches. Mais l'adolescente a la haine de sa condition sociale et de cette pauvreté qui la marginalise, oscillant entre mal-être, frustration, violence et envie de revanche.
Le récit d'une jeunesse féroce et vulnérable, faite de relations rugueuses et fragiles, la rage d'une adolescente qui cherche à se construire et à s'émanciper.

"Je pense que nous sommes du matériel de rebut, des cartes inutiles dans un jeu compliqué, des billes ébréchées qui ne roulent plus : nous sommes restés inertes par terre, comme mon père tombé d’un échafaudage inadapté sur un chantier illégal, sans contrat et sans mutuelle, et de là, de l’endroit où nous avons atterri, nous voyons les autres mettre des colliers de pierres précieuses à leur cou. "
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Les livres ont disparu de mon étagère, il y a maintenant la place pour toutes les têtes tranchées de mes ennemis, je les époussetterai, les admirerai, les caresserai en signe de mépris et de compassion, c'est grâce à moi qu'elles sont tombées.
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La ponctuation était catastrophique, il y avait des majuscules mal placées, des accents à la place des apostrophes, quelques k là où il aurait été opportun de mettre qu, cette négligence m’a irritée jusqu’à la moelle, jusqu’à l’intérieur des os, elle n’a même pas pris la peine de se relire, elle a vomi ces sinistres excuses, ces couinements de rat, sans daigner le faire avec dignité, avec le respect que l’on doit au moins aux mots.
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Je me sens grande et pleine, comme une pâte sous un linge, j’ai levé, j’ai assimilé de l’air, mes succès m’ont enflée et bouffie.
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Pendant des années, je suis allée à la bibliothèque, j’ai emprunté et rapporté des livres, caché des retards, des taches, aplati des pages cornées par distraction, détesté, côtoyé des personnages, des milieux, du mobilier, je me suis forcée à apprendre, j’ai sauté les pages que je ne comprenais pas, fait traîner des lectures insupportables et hostiles, tenu des listes de mes lectures pour ne pas les oublier, rêvé du jour où j’aurai tout lu absolument tout et alors on ne pourra pas venir me dire que je ne mérite pas de récompense, d’honneurs, d’égards.
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Ça te ressemble bien.
Quoi?
De tirer et gagner.
Pourquoi?
Parce que tu es comme ça, tu as le courage de tout faire.
Je ne sais pas quoi répondre à cela, je ne me suis jamais considérée comme capable ou volontaire, j'ai toujours agi sur des impulsions, par convulsions, par revanche et par honte.
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