« Ce que vous n’avez pas compris, c’est la force de notre partage. Ce que vous appelez bonheur, c’est la peur d’être. Je l’aime de chaque fibre de mon corps, malgré notre rupture et sa lâcheté. Et vous savez qu’il en est de même pour lui. Vous l’avez perdu avant même de l’avoir. Vous vivez avec une illusion, je vous la laisse. Peut-être n’êtes-vous capable que de ça ? Pour aimer, il faut savoir être libre. Vous pourrez le dire au colonel. Vous lui ressemblez tellement. Vous vous attendiez surement à des pleurs, de grands cris, des grincements de dents après m’avoir fait vos révélations… Mais vous oubliez une chose, c’est que je suis un homme, et ça, vous ne savez pas ce que c’est ! J’aurais pu aussi me tuer devant vous, vous auriez été horrifiée et soulagée : des pervers comme moi, ça doit mourir ou se cacher. Mais je suis déjà mort et je suis lié à Yuichi. Maintenant rentrez chez vous. Il est peut-être déjà là, mais il ne vous attend pas. »
C’est là aussi que j’ai compris les bosselés et les porcelaines. Les bosselés, ces hommes – dont certains avaient des gosses de mon âge -, je sentais chez eux la tristesse du renoncement. Ceux-là, je ne leur demandais rien et les laissais repartir avec cette part de tendresse et de rêve – avoir réellement été désirés pour ce qu’ils son, même l’espace d’un quart d’heure. Les autres, les porcelaines, ceux qui avaient accepté et cultivé la duplicité, qui la défendaient même, mais qui ne pouvaient pas se passer d’une bite ou d’un cul d’homme, ceux-là, je les faisais payer, et cher.
Je suis casanier, un peu raté sur les bords, pas franchement alcoolique, pas franchement misanthrope pas franchement homo, as franchement hétéro, pas franchement dépressif, jamais amoureux, Complètement banal.
Je veux qu’il me voit comme je suis et peut-être m’aimera-t-il. Ou peut-être me haïra-t-il. Mais s’il me hait, il aura au moins appris qu’un père est un homme, pas une icône redoutable.
Nous nous arrêtons dans une petite calanque étroite, il y a même un pin torturé, sorte de bonzaï géant.
Naître orphelin, c’est s’inventer une vie.
Le cynisme est l’ultime refuge du refus.