Publié en 1953, Maud Martha est le premier et unique roman de l'immense poétesse américaine Gwendolyn Brooks. Largement inspiré de la vie de l'autrice, Maud Martha retrace en trente-quatre brefs tableaux les différentes étapes de son existence: enfance, jeunesse, mariage, vie conjugale, maternité
Les épisodes de la vie, qui sont les mêmes pour tous, éprouvés par une jeune femme noire de Chicago dans les années 1940.
À partir des petits riens qui forment le tissu de l'existence et épousent la courbe de la mémoire, Gwendolyn Brooks a composé une grande oeuvre littéraire traversée par les questions raciales et leurs violences silencieuses. Un roman magnifique sur une femme qui doute d'elle-même et de la place qu'elle tient dans le monde.
« Maud Martha » de Maud Martha
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Sabine Huynh
ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
+ Lire la suite
Dans l'ensemble, elle avait l'impression que la vie tenait plus de la comédie que de la tragédie. Pratiquement tout ce qui se passait contenait un élément comique, qui d'ailleurs n'était pas si bien dissimulé que ça. Tôt ou tard, on pouvait trouver quelque chose de comique dans presque chaque situation. C'était, ce qui, au bout du compte, préservait les gens de la folie. En vérité, si vous parveniez à tirer une bonne Tragédie d'une vie, une tragédie bien déchirante, absolue, pas ridicule, qui raclât le fond de l'âme et ne fût en aucun cas le fruit de la bêtise humaine, vous vous en sortiez, pensa-t-elle, plutôt bien, oui, vous vous en sortiez même très bien. (page 178)
En ce qui la concernait, elle se préserverait, pour elle-même. La gloire ne l’intéressait pas. Devenir une « star » ne l’intéressait pas.
Créer – un rôle, un poème, une image, une musique, un enchantement de pierre : magnifique. Mais pas pour elle.
Ce qu’elle voulait, c’était offrir au monde une bonne Maud Martha. Telle était l’offrande, la parcelle d’art, qui ne pouvait venir de nulle autre que d’elle-même.
Elle allait perfectionner et peaufiner cela.
Speech to the Young: Speech to the Progress-Toward
Say to them,
say to the down-keepers,
the sun-slappers,
the self-soilers,
the harmony-hushers,
"Even if you are not ready for day
it cannot always be night."
You will be right.
For that is the hard home-run.
Live not for battles won.
Live not for the-end-of-the-song.
Live in the along.
in Family Pictures, 1970
Elle contempla les petites spirales de fumée qui tournoyaient autour de la main de Paul et songea aux scénarios possibles. Elle craignait de lui avouer que rien n’« arrivait » à la plupart des gens. Qu’ils vivaient simplement au jour le jour, jusqu’à leur mort. Qu’au bout d’un an après sa mort, probablement moins de cinq personnes penseraient à lui plus d’une fois par an. Qu’une année viendrait où personne sur Terre ne penserait plus à lui.
« Ce qu’elle voulait, c’était offrir au monde une bonne Maud Martha. Telle était l’offrande, la parcelle d’art, qui ne pouvait venir de nulle autre que d’elle-même. Elle allait perfectionner et peaufiner cela. »
Mais si l’amertume était dans la racine, pour quelle raison perdrait-elle son temps à s’en prendre à la feuille ?
« Elle avait dix-huit ans et le monde attendait. De pouvoir la caresser. »