Citations de Hannu Rajaniemi (46)
L'ultime liberté, c'est celle de partir.
La religion, c'est comme l'alcool, se marre Isaac. Une fois que t'es tombé dedans, c'est dur d'arrêter. (Il dévisse la flasque, avale une rasade de vodka.) Et puis là, mon pote, tu patauges dans la foi des champions : mille règles arbitraires, totalement irrationnelles, que t'es prié d'accepter sans rechigner. C'est pas le truc de petite bite où il suffit de croire pour être sauvé, sûrement pas. Tu devrais essayer.
Quand tout sera fini, je me ferai un plaisir de le tuer, déclare Mieli à Perhonen sans cesser de sourire au voleur.
Sans torture préalable ? Tu ramollis.
Mais parlez-moi de ça, justement. Du vol.
- C'est...
Un instinct, ai-je envie de dire. C'est comme faire l'amour, repousser ses limites. Un art. Mais elle ne comprendrait pas, alors mieux vaut s'en tenir à la blague habituelle :
- C'est ma façon de respecter la propriété d'autrui. J'en fais ma propriété, afin d'approfondir mon respect.
Le gevulot fonctionne en générant un arbre composé de paires de codes publics/privés. Une paire apparaît dès que l'utilisateur enregistre un nouveau souvenir pour lequel il veut spécifier des droits d'accès, ladite paire étant également dépendante du nœud supérieur. Théoriquement, seul l'individu en question peut opérer à la racine de l'arbre.
Sauf que toutes les racines ont l'air d'être reliées à une autre paire, un genre de racine maître. Ceux qui la possèdent peuvent accéder à toutes les exomémoires de l'Oubliette et les réécrire à l'envi. Pour les citoyens en phase de Silence, cela veut dire que leur esprit set totalement accessible. C'est ce qui s'est passé pour Unruh. Les cryptarchs ont sans doute développé une sorte de système automatisé qui modifie tous les Silencieux.
Potentiellement, ils peuvent lire et modifier les souvenirs de tous les gens passés au moins une fois par le Silence. Comme cela représente trop de données à gérer pour un nombre réduit de comploteurs, je suppose qu'ils disposent de routines de gestion adaptées. Néanmoins, vu les changements restreints constatés chez Unruh, il serait logique de penser que leurs ressources de calcul sont limitées. En conclusion, l'Oubliette n'a rien d'une merveille d'oubli et de vie privée : c'est un panoptique.
Je t'assure que j'ai rarement rempli une mission si morale. Voler aux riches pour donner aux pauvres. Enfin plus ou moins.
Elle prend ma main dans la sienne : ses doigts sont chauds, un peu collants à cause du sorbet. Je cherche des images adéquates dans ce qui me reste de souvenirs. Un château de glace dans le nuage d'Oort, des comètes et des réacteurs à fusion reliés en un extravaguant planétaire, des foules ailées qui tournent autour. Supra, la ville aux immeubles grands comme des planètes, dômes et tours lancés à l'assaut des anneaux de Saturne. Les mondes de la Ceinture, teintés de couleurs automnales par une vie artificielle foisonnante. Les cerveaux de la goubernia du système solaire intérieur, sphères de diamant parées des visages des fondateurs, lieux d'éternelles intrigues.
Bizarrement, ces merveilles me semblent moins réelles que ma présence ici, dans ce corps étroit, en compagnie d'une jolie femme.
Mieli sent l'odeur de sa propre mort. Une mort définitive, puisqu'elle est un authentique singleton : tout autre choix aurait représenté une trahison envers ses ancêtres. Si elle échoue, il n'y aura pas de seconde chance. C'est ce genre d'impératif qui fait parfois la différence dans la bataille.
- Ce que je veux dire, c'est que nous nous contentons de traiter les symptômes. Technologie hors-monde. Pirates gogol. Mais l'infection sous-jacente nous touche au même titre que la population. Donc, quand je décèle une occasion de travailler avec un agent extérieur capable de nous prêter main-forte, je me permets de vous en faire part.
[…]
- Avant d'entrer dans les détails, il nous serait utile de comprendre exactement quels sont vos objectifs.
- Trois choses. Défendre les idéaux de l'Oubliette. Protéger ses citoyens des pirates et autres agressions extérieures. Découvrir les vrais dirigeants de cette ville et les éliminer.
Tu as toujours eu de bonnes excuses, rétorque-t-elle, le regard dur. Mais cette fois, cela ne marchera pas. Au cas ou ce ne serait pas clair, il n'y a pas grand monde dans l'univers qui me dégoûte plus que toi. Je te conseille donc de touver ces oiseaux rares, histoire d'établir enfin une comparaison favorable.
Une prison reste un prison, même quand on ignore y être enfermé.
Cela m'a tellement manqué qu'au début, tout est désordre de chair, de peau, de caresses, de bouches et de morsures. Elle est plus forte que moi et n'hésite pas à le montrer, n'hésite pas à jouer avec les pouvoirs de Mieli : des points-q incandescents naissent au bout de ses doigts et viennent me chatouiller tandis qu'elle sourit à pleines dents tel le chat du Cheshire.
Nous découvrons au troisième round que ses ailes sont sensibles au toucher, et c'est là que le jeu devient vraiment intéressant.
Le Temps n'est jamais ce que nous choisissons d'en faire : relatif, absolu, fini, infini.
Le vrai criminel est un artiste. Détectives et policiers sont ses critiques.
- Ça ressemble à quoi, le Silence ?
- C'est difficile à expliquer. En fait c'est très brutal. Quand votre temps est écoulé, la transition est immédiate : les Résurrecteurs viennent chercher le corps, mais l'esprit est déjà ailleurs. On pourrait comparer cela à une attaque cérébrale. Tout à coup, le cerveau fonctionne différemment, dans un corps différent, avec des sens différents. Puis une fois le choc passé, on s'habitue, on se concentre à fond sur sa tâche, ce qui est finalement assez agréable. C'est juste une autre façon de penser. La parole est remplacée par une sorte de rêve éveillé que l'on partage à plusieurs. Sans oublier qu'en fonction du corps fourni, il y a une sensation de puissance qui peut vite devenir... exaltante.
La tragédie, c'est moi qui glisse sur une peau de banane, la comédie, c'est vous qui glissez.
Des millions de créatures infernales prennent le cratère d'assaut, toutes différentes mais regroupées au sein d'une masse compacte qui agit comme un seul organisme. Des essaims d'insectes transparents s'agglutinent en une monstrueuse version d'eux-mêmes ; des grappes de bulbes aux reflets chimiques forment un flot nauséeux ; des géants humanoïdes au corps vitreux exhibent des visages saisissants de réalisme : sans doute leurs ancêtres ont-ils compris qu'une apparence humaine faisait hésiter les Silencieux guerriers une fraction de seconde supplémentaire.
Les phobois sont des armes hybrides chair/synthbio qui se reproduisent à travers des milliards de générations virtuelles avant de modifier leur anatomie en conséquence. Leur guerre contre l'Oubliette dure depuis des siècles ; à présent que la ville ne bouge plus, ils se précipitent à la curée.
La guerrière se sent plus proche des personnes réunies autour de cette table que n'importe qui sur cette planète. Elle sent le rêve à l’œuvre derrière leurs visages masqués, l'appel d'un destin plus grand qu'eux ; les jeunes guerriers de son koto affichaient la même détermination. Le voleur ne comprendra jamais ça, lui qui ne vit que pour les manigances et les mauvais tours.
Être cambriolé, c'est une chose, mais ce n'est pas une raison pour négliger les bonnes manières.
Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité.