« Le bruit courait que les cadavres, ou quel que soit le nom qu’on veuille donner aux restes de ces anciens êtres humains, étaient brûlés sur place ou éliminés dans les caves avec des lance-flammes. Mais en réalité, c’était pire. Les prisonniers ne pouvaient pas pénétrer dans les caves tant il y avait de mouches, ils glissaient sur des vers longs comme le doigt, et les flammes devaient leur frayer un chemin vers ceux qui avaient péri par les flammes. Rats et mouches régnaient sur la ville. Effrontés et gras, les rats grouillaient dans les rues. Mais les mouches étaient encore plus répugnantes ; d’un vert irisé et grosses comme on n’en avait jamais vu. Agglutinées en masse les unes sur les autres, elles se vautraient sur le pavé, s’accouplaient sur les restes de murs et se chauffaient, repues et fatiguées, sur des éclats de vitres. Quand elles ne pouvaient même plus voler, elles nous poursuivaient en rampant à travers les moindres fissures, souillaient tout, et leur bruissement, leur bourdonnement, était la première chose que nous entendions au réveil. Cela ne cessa que plus tard, en octobre. »
«Et celui qui me raconta cela ne savait pas que, dans son langage sans image, il créait une image qu’aucun poète ne peut créer. Il dit : Quelqu’un est venu à nous dans la cave et a dit : maintenant il faut sortir, toute l’immeuble brûle et va s’écrouler. La plupart refusèrent, ils pensaient être là en sécurité. Mais ils ont tous trouvé la mort. Quelques-uns d’entre nous l’ont écouté. Pourtant, il en fallait du courage. Nous devions sortir par un trou, et devant ce trou les flammes ne cessaient d’aller et venir. Ce n’est si terrible, dit-il, j’ai bien réussi à arriver jusqu’à vous. Alors je me suis enveloppé la tête d’une couverture mouillée et j’ai rampé vers l’extérieur. Et nous étions dehors. Ensuite quelques-uns encore sont tombés dans la rue. Nous ne pouvions pas nous occuper d’eux. »
"N'allons pas poser de questions, mais acceptons le plus cruel. Qui c'est si le plus cruel est ce qui est déjà là ? À l'instant où nous nous détournons des ruines de notre ancien foyer, s'ouvre un chemin qui conduit au delà de l'effondrement."