Aujourd'hui, je suis fatiguée. Mentalement et physiquement. Cela fait des mois que j'achemine ces boîtes recouvertes d'un drapeau jusqu'au petit cimetière très laid qui défigure la vallée. Je n'en vois pas la fin. Combien de fois ai-je tenu le rôle de figurante dans la dernière scène de ce grand drame de guerre ? De cette représentation dont le rideau s'ouvre tous les jours dans un bureau de recrutement et tombe, sans applaudissements, sur un cercueil en bois nu recouvert de l'Union Jack, au son de The Last Post, la sonnerie aux morts réglementaire jouée par une fanfare de deux musiciens ? Le dernier acte pittoresque de la mascarade. D'innombrables jeunes gens terminant leur vie prématurément comme des numéros enfouis sous les buttes de terre d'un champ récemment transformé en cimetière. Des victimes de l'éternel piège qui attire la jeunesse – l'attrait de ce qui l'attend peut-être au tournant.
L'odeur ? Répugnante. Celle des chaussettes sales et des pieds enflés qui ont doublé de volume... violets, bleus, rouges... avec de grosses ampoules noires pleines de pus jaune. (p. 86)
Mission accomplie. W-C nettoyés à fond, papier de cabinet découpé, siège ciré, cuvette récurée, mégot éliminé. Je rapporte le seau dans la remise. En chemin, je croise Tosh qui me demande ce que j’ai fabriqué.
- Ce que c’est d’être une femme d’influence, raille-t-elle quand je le lui dit.