L’auteure, sous le pseudonyme d’Helen Zenna Smith s’est confondue avec cette toute jeune ambulancière anglaise qui a tracé dans son journal le terrible quotidien de son engagement pour contribuer activement à l’effort de guerre.
Extrait de ce journal, elle nous livre ici un témoignage vivant de l’horreur, de l’anéantissement d’une jeunesse trompée, de victimes enrôlées sous couvert de fanatisme et de patriotisme. Ne leur est restée que la mort ou une profonde désillusion.
Pour ces jeunes anglaises, bien souvent issues de familles aisées, Pas si calme… c’est l’air glacé du Nord de la France, le manque d’hygiène faute de temps libre pour se laver, les piqûres et démangeaisons sur le corps et les belles chevelures infestées de poux. La fatigue accumulée par les heures de nuit passées à convoyer les malheureux n’est même pas compensée par de bons repas chauds et réconfortants. L’ordinaire est infect et seuls les biscuits et le Bovril envoyés d’Angleterre réchauffent les jeunes estomacs affamés et les corps meurtris par le froid.
Mais il faut faire « son devoir », ne pas montrer de faiblesses face au patriotisme qui habite chaque foyer britannique en ces temps de guerre. À ce sujet, les propos laissés dans le journal de cette engagée attaquent avec justesse et réalité les convictions patriotiques des parents, si fiers que leur progéniture remplisse leur devoir alors qu’eux-mêmes sont au chaud et ignorent l’horreur de cette boucherie. En lisant ces passages m’ont envahie la peine, l’écœurement et l’incompréhension.
Pour ces ambulancières, la guerre c’est les bruits sourds des canons au loin, annonceurs des trains de blessés à venir prendre en charge pour rallier un des hôpitaux de campagne. C’est les gémissements des soldats, des êtres humains saccagés, mutilés, fous de douleur, les regards hébétés, les plaies ouvertes ou internes qui hurlent l’abomination du carnage qu’ils viennent de quitter. C’est aussi le nettoyage de leur véhicule pestilentiel après le transport des pauvres soldats.
Pour elles, les coups de sifflet de La Capitaine résonnent de jour comme de nuit et ne leur laissent aucun répit avec, en prime, des corvées avilissantes supplémentaires face au moindre retard ou à la moindre remarque. Dans la chambrée, parce que toutes ces volontaires n’ont guère plus d’une petite vingtaine d’années, se succèdent entraides ou inimitiés. Dans de telles conditions, toute cette jeunesse se dévoile et s’accroche avec plus ou moins de virulence.
Outre-Manche, dans les comités de dames qui enrôlent de futures victimes, ce sont plutôt des préoccupations mesquines qui prévalent : être la première pour qui le fils doit partir dans les tranchées, étaler les photos des chers enfants en uniforme pour bien montrer qu’ils accomplissent brillamment leur devoir alors que ceux-ci sont en enfer !
« Quand je lis les sottises glorifiant l’indomptable courage et l’attitude remarquable de « nos formidables filles engagées dans la guerre », j’ai envie de gifler leurs auteurs. »
Est écrit dans Pas si calme… la réalité de la guerre vécue par une de ces engagées.
Est écrit dans Pas si calme… cet effroyable parcours d’une ambulancière désabusée dont la jeunesse a été piétinée au nom du patriotisme. Un terrifiant mais réel cri féminin face à la Grande Guerre.
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- Sélection prix des libraires 10/18 2020 -
Entre fiction et récit, Pas si calme est le témoignage d'une jeune anglaise de bonne famille au cœur de la première guerre mondiale. Le cadre est inédit et le propos rarement abordé : alors qu'en France la guerre des tranchées fait rage, l'Angleterre appelle ses femmes à l'engagement pour contribuer à l'effort de guerre. C'est ainsi que des milliers de jeunes anglaises seront envoyées au cœur de la tourmente, et notamment des filles de la petite bourgeoisie afin de soutenir l'image d'une Angleterre engagée et patriote.
Notre héroïne, Helen, est affectée au service des ambulancières chargées de faire la liaison entre le front et les hôpitaux. A travers ses yeux nous découvrons la dureté endurée par ces femmes, les nuits auprès de soldats mutilés, le froid, le manque de sommeil ou encore l'autorité de despote des capitaines de sections. Des conditions invivables mais, comme le dit la narratrice, ces jeunes femmes sont trop bien éduquées pour oser élever la voix face aux maltraitances.
Ce roman est un cri, un cri de révolte face à l'horreur des guerres bien sur mais aussi face à la bêtise d'une aristocratie bien pensante qui envoie fièrement ses enfants aux casse pipe. Un cri d'indignation face à ces mères anglaises qui se glorifient de savoir leurs enfants en danger de mort, qui en font un motif de compétition patriotique dans les salons mondains. Helen incarne cette jeunesse sacrifiée, partie au front avec de solides valeurs patriotiques et revenue vide d'elle même, juste certaine de l'absurdité vécue par sa génération. Mais c'est aussi l'histoire de ces jeunes femmes entre elles, dans la même galère. De leurs échanges émergent du rire, une fureur de vivre et d'être libres, mais aussi le désir profond d'être plus que des poupées de salon pour devenir femmes et maîtresses de leurs corps et de leurs destins... Autant dire de vrais enjeux de sociétés en ce début de XXème siècle.
Je l'ai lu presque d'une traite, captivée par l'histoire, touchée par cette jeune femme si vivante et moderne pour son époque. Il est important de savoir que ce texte, paru dans les années 1930, est tiré du journal d'une jeune ambulancière de guerre et donc une source sincère.
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Ce petit roman, est un texte de commande pour "répondre" à "A l'ouest rien de nouveau".
Tout est en opposition :
Il s'agit d'une narratrice et non pas d'un narrateur
elle est civile, et ambulancière engagée volontaire sur le front - alors que c'est un soldat
Elle est issue de la bonne société anglaise - il vient d'un milieu populaire Allemand.
L'auteure est une femme, alors que l'autre est un homme.
Pourquoi n'a t'on retenu que le roman du soldat Allemand ?
Ou même d'autres récits de soldats (ceux de Henri Barbusse par exemple)
Pourquoi cette histoire d'une femme a t'elle été oublié ? Elle n'est pas plus facile, ses conditions de vie dans la guerre ne sont pas vraiment plus facile, les risques certainement moindre... quoi que...
J'ai été bousculée dans cette lecture. Horrifiée parfois.
C'est à mon avis un récit très féministe : il y est question de l'engagement des femmes, mais aussi de leur regard sur les événements...
Et le décalage avec ceux qui restent à l'arrière, est parfois déroutant : comment un tel écart de perception est il possible ?
A lire absolument
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Ce livre est une grande claque. On ignore beaucoup de tout de ce qu’ont fait les femmes pendant la première guerre mondiale. Et pourtant, elles ont endossé beaucoup de rôles différents dans des conditions terribles. Ambulancière en France, Smithy affronte ses dangereuses missions, parles de ses amies et de sa famille, et le roman ne pourrait pas être plus réaliste.
Cette lecture fait passer par beaucoup d’émotions. Je la conseille vivement.
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14-18 ou le courage des femmes...
Cela peut nous rappeler que nous devrions bien mieux apprécier notre petit confort quotidien d'aujourd'hui car les temps de douceur peuvent disparaître du jour au lendemain.
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Un récit bouleversant qui en 200 pages arrive à nous retranscrire toute l'horreur d'une guerre et ses conséquences psychiques. Inspirée du journal d'une amie l'autrice sous le pseudonyme de Helen Zenna Smith se met dans la peau d'une anglaise de bonne famille qui devient ambulancière sur le front en France pendant la première guerre Mondiale, pour participer à l'effort de guerre et se dévouer pour son pays.
C'est triste, émouvant, l'horreur est décrite sobrement, sans concessions. On est présent sur place, dans ce dortoir de six filles qui s'épaulent, se chamaillent, voient leur volonté vaciller, rêvent de rentrer chez elles pour ne plus subir ces atrocités mais ne peuvent pas car il faut être patriotique. L'hypocrisie des parents d'Helen est si bien retranscrite que je m'etouffais d'indignation en lisant. Bien peu concernés par le bien être et l'état mental de leur fille, seul compte le fait de pouvoir parader aux comités et associations pour se vanter d'avoir une fille qui participe à l'effort de guerre, mais attention pas à une fonction subalterne! Idem pour une mère qui se console que son fils soit aveugle et amputé car il a obtenu la Military Cross, une "compensation" !
Un roman à lire absolument et à remettre en lumière.
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