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Critiques de Henry Gourdon de Genouillac (3)
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Comment on tue les femmes, étude de moeurs

D'un esprit médiocre, sans imagination et sans expérience féminine, M. Octave de Monsiennes découvre avec frustration que sa jeune épouse diffère nettement de ses illusions matrimoniales : « une bonne femme, sans trop d'amour au coeur, sachant faire les confitures, additionnant chaque mois le livre de dépenses, et habillant leurs enfants avec la même satisfaction que, dix ans auparavant, elles en avaient à promener leurs poupées dans le jardin des Tuileries, alors qu'elles jouaient à la maman.

Femmes qui ne procurent pas de plaisirs brûlants, mais qui sont incapables d'apporter le déshonneur en échange de l'affection.

Femmes qui ne présenteront jamais à leur mari que leur front à baiser, mais dont les lèvres ne seront jamais, non plus, rougies par les lèvres de l'amant.

Femmes sans mièvreries et sans vapeurs, ni laides, ni belles, mais propres à féconder la famille, à assurer la paix du foyer et à faire prospérer la maison. »



Déconcerté et émerveillé face à une créature aussi charmante qu'indépendante, il subit le paradoxe des propriétaires : « il est des propriétaires esclaves de leur propriété, comme il est des maris esclaves de leur femme »

Vouloir s'approprier une femme coquette, capricieuse et légère est bien trop délicat pour cet homme brutal qui n'agit que par maladresses.

S'efforçant néanmoins de dompter la chose, il s'abaisse au ridicule et ne recueille que du mépris : « Ces propriétaires, ou ces maris-là, s'ingénient en petits soins, se constituent gardiens, inventent des pièges, tendent des traquenards, veillent dans l'ombre ; ils passent leur vie à obséder ce qu'ils aiment, soi-disant pour le protéger et le défendre, et en réalité, parce qu'ils tremblent toujours d'être dépossédés. »



D'humiliation en humiliation, son épouse, Nathalie de Monsienne, le rabaisse négligemment sans même lui suggérer des idées de nature à la séduire, comme s'il était définitivement impropre à l'aimer. Il n'a ni le droit de l'effleurer et moins encore de l'embrasser :



«  Il marchait sur les orteils, retenant son souffle, et s'il était assez heureux pour effleurer de ses lèvres cet épiderme pulpeux dont le contact l'inondait de voluptés, Nathalie s'écriait :

— Oh ! mon ami, je vous en prie, ne m'embrassez donc pas de la sorte, si Victor ou Marie entraient dans un pareil moment !

Et elle reprenait sa lecture, tandis qu'Octave se demandait si la crainte d'être surpris par ses propres domestiques, devait l'empêcher à jamais d'embrasser sa femme. »



Las de ses infructueuses tentatives, il passa, de l'amoureux brutal, lourd et maladroit, d'un extrême à l'autre : il devint jaloux, injurieux, colérique de telle sorte que Nathalie se prit à le détester cordialement.



Elle n'eut pas de difficultés à trouver un amant qui joignait l'esprit à un coeur romantique.

Mais par imprudence, des lettres sont interceptées par l'époux qui, furieux, demande le nom de l'amant.

Réfutant tout en bloc, Nathalie se réfugie chez son amie et conseillère : la baronne de Chenevièvre qui lui propose un audacieux stratagème : celui de duper son époux en lui faisant croire que la baronne lui avait confié ses propres lettres et qu'ainsi le vicomte était supposé être l'amant de la baronne et non de Nathalie.



La crédibilité de l'opération était très incertaine et proche du ridicule en ce que la baronne était ostensiblement laide, au point qu'on la dénommait « La Molosse » : « c'était sa bouche, une bouche énorme, dont la lèvre supérieure trop courte se relevait lorsqu'elle parlait, et mettait à jour une mâchoire garnie de deux longues dents, qui assez semblables à des crocs, paraissaient défier quiconque s'approchait d'elle. »



Il fallait alors, pour accréditer cette mascarade, que le beau vicomte s'affiche publiquement et avec régularité en présence de la baronne.



Mais c'était, en définitive, ni risqué, ni ridicule, puisque l'un et l'autre se sont étrangement aimés au-delà du jeu auxquels ils devaient se prêter.

La baronne cherchait éperdument un cœur qu'elle n'a jamais rencontré, elle n'était mariée que grâce à sa fortune à un époux qui la délaissait entièrement, avec courtoisie mais d'une indifférence propre à l'humilier.

Le vicomte était un sentimental qui tôt ou tard aurait été dévoré par l'orgueil et la coquetterie froide de Nathalie. La rencontre d'une âme ardente et dévouée gagna aisément sa confiance, puis son coeur.



Le monde et ses convenances n'était pas outré par de simples adultères mais se montra particulièrement curieux et moqueur à l'égard de ce singulier couple entre la Molosse et un jeune Don Juan :



« on riait partout tant et si bien qu'un des rieurs, ami d'Olivier, vint charitablement l'avertir qu'il se donnait gratuitement en spectacle au faubourg, qu'on se moquait de lui partout et que sa réputation d'homme de goût courait grand risque d'être compromise (…) »



Quant à la baronne, le châtiment était plus dur et cruel :



« on lui fit un crime d'être aimée et toutes les dames qui jusqu'alors avaient bien voulu reconnaître qu'à défaut de beauté elle possédait d'autres qualités, virent en elle un monstrueux assemblage de tous les défauts et de tous les vices, et ce fut un tollé général contre cette laide créature qui avait l'outrecuidance d'avoir un coeur comme si elle était jolie ! »



De son côté, Nathalie ne lui reprochait pas tant la trahison ou le vol d'un amant si facilement interchangeable pour elle mais était furieuse d'avoir pour rivale une femme notoirement laide, irritant profondément son amour-propre.

C'est d'ailleurs à ce titre qu'elle en fit son amie, sa laideur devait exclure tout ce qui était de nature à exciter sa jalousie : « Les deux femmes étaient trop dissemblables pour songer à établir un parallèle entre elles, et la seule cause des haines féminines, n'est-elle pas toujours une comparaison défavorable à celle qui hait ? »



Quant au vicomte, il s'enflamma à la première provocation et amplifia les rumeurs par un duel contre un persifleur.



Les représailles furent assez simples pour Nathalie : au détour d'une dernière conversation au domicile du vicomte, elle plaça discrètement un mouchoir imbibé d'odeur féminine et portant ses initiales sous un oreiller. Ce détail fut immédiatement remarqué par la baronne qui n'entendait pas la moindre justification cohérente à ce sujet.



Ce chagrin, doublé des souffrances et complexes liés à ses difformités physiques, l'a fit sombrer dans des envies suicidaires par la prise d'un poison lent faisant lentement agoniser.



A ce drame s'ajoutait simultanément celui de Nathalie qui, lors de sa furtive opération de vengeance, fut épiée et surprise par son mari qui l'a suivait.



C'est au tour du mari de se venger en une seule fois pour l'ensemble des humiliations passées : sa femme est défigurée d'une façon irréversible par un coup de pistolet. Sachant également avec certitude que le vicomte est son amant, même s'il ne l'était plus au moment du dernier du rendez-vous, il le provoque en duel mais perd en conservant de lourdes séquelles.



Tout le monde est châtié en ce roman, le vicomte seul n'en garde que des remords, les autres sont estropiés, mutilés, ou morts comme la baronne expiant son dernier souffle aux côtés du vicomte suite au poison.



C'est une composition étrange que ce roman plein de légèreté et d'humour délicat dans un style pur s'opposant à cette fin atroce et assez brutale qui paraît punir de la plus cruelle façon la malheureuse baronne au physique disgracieux qui voulait connaître, une fois dans sa vie, un amour sincère et véritable :



« L'homme qui l'aimerait serait pour elle un ange qui lui donnerait la moitié de sa divinité ; aussi, puisant son bonheur dans cet amour, elle ne vivrait que pour lui ; foulant à ses pieds tous les préjugés du monde, elle serait fière de n'avoir à se conformer qu'aux volontés de celui qui l'aurait réhabilitée aux yeux du coeur ; jouissant de son triomphe, elle se garderait bien de le laisser voir dans la crainte qu'il ne lui échappât, mais sans cesse attentive à plaire à son amant, tous les instants de sa vie seraient consacrés à chercher le moyen de se conserver son amour ; à lui, tous les trésors de tendresse ensevelis au plus profond de son âme, à lui tous les enivrements de la passion, à lui l'ardeur des sens. Oh ! si les hommes savaient tout ce qu'il peut y avoir de sublime abnégation au fond du coeur d'une femme obligée de concentrer en elle-même le feu qui la dévore ! »



J'apprécie la fine plume de l'auteur, quoiqu'il y ait quelques longueurs parfois dans ce style mais qui se joint aussi bien à des scènes légères et ridicules qu'à des scènes où le pathétique domine.
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Le roi rouge

« Le Roi Rouge » est un roman d'une cruauté et d'une âpreté qui, même aujourd'hui, en rendent encore la lecture douloureuse. Mais outre qu'il s'agit probablement du seul roman historique ayant patiemment reconstitué la courte existence de Jean de Leyde, l'auteur a soigneusement évité le piège facile du procès à charge religieux. Sa position en tant qu'aristocrate catholique est très délicate, mais on sent en lui une sympathie instinctive pour ce fou de Dieu d'un autre bord qui s'est cru prophète de manière sacrilège mais qui n'en a pas moins vécu le « vrai » destin d'un prophète. Henri Gourdon de Genouillac peine à cerner ce personnage, et ne nous en fait pas mystère. Était-il un dictateur ? Un pervers ? Un homme ivre de justice sociale ? Ou un authentique fanatique religieux ? Une chose est sûre : décortiquer sa vie n'apporte pas de réponse, aussi l'écrivain se refuse à toute analyse psychologique d'un tel personnage. Les pensées et les paroles prêtées à Jean de Leyde sont conditionnées par ses actes, l'auteur n'explique que ce que Jean expliqua lui-même. Lorsque la Roi Rouge annonce qu'il prendra plusieurs épouses, cette décision n'est pas expliquée, puisque lui-même ne l'a jamais fait. Tout cela dépeint au final un homme au magnétisme impressionnant dont le destin fut majoritairement improvisé dans une sorte de désespoir mégalomane, et peut-être est-ce vraiment ce qu'il a été.

Tout le mérite d'Henri Gourdon de Genouillac aura été de partir d'archives extrêmement lacunaires et d'en tirer un roman d'une grande richesse, où tous les personnages sont retranscrits et où les informations manquantes sont habilement compensées par l'habileté imaginative de l'écrivain, sans qu'il soit possible de toujours démêler le vrai du faux. le roman ne laisse aucun trou scénaristique, tout est paramétré, calculé, pensé et préétabli. On sent une oeuvre qui a été extraordinairement préparée, et où l'action et la réflexion sont subtilement dosées au travers d'un style dense, fluide, nerveux et pour tout dire déjà cinématique. On ne croirait jamais à lire ce livre qu'il date de 1885 tant il est rédigé d'une manière moderne, sans temps mort, sans longueur, avec une admirable fluidité en dépit des complexités de l'intrigue et de la situation historique lointaine. Probablement limité dans le nombre de pages que son éditeur daignait accepter sur un tel sujet, Henri Gourdon de Genouillac pare au plus pressé, évite de s'empêtrer dans des scènes picaresques ou dans un humour littéraire à la Alexandre Dumas, propres au roman historiques et qui n'ont pas toujours bien vieilli. En s'affranchissant de ces modèles et en n'ayant soin de ne jamais écrire une phrase inutile, non seulement l'auteur fait du « Roi Rouge » un roman intemporel et captivant; mais il confère dans sa rédaction une tension qui se marie à merveille avec l'époque tourmentée qu'il dépeint. Se cantonnant en plus dans les plus strictes limites de la réalité historique, Henri Gourdon de Genouillac récupère à ses frais un scénario délirant et atypique, dépourvu de morale, de romance niaise, de nostalgie chevaleresque, et n'invente des faits que pour justifier ceux qui sont réels. Cette mécanique d'écriture devient un irrésistible séjour dans l'enfer obscurantiste de la Renaissance, au cœur d'une campagne reculée de la Rhénanie où l'on n'avait guère entendu parler du Cinquecento.

La Réforme va, sur bien des points, en finir définitivement avec le Moyen-Âge, mais elle en est, à ce stade, encore issue, et ses adversaires aussi. C'est donc dans un obscurantisme moyenâgeux à l'agonie que nous plonge l'auteur, avec le désir que l'on s'y sente le plus mal possible, et effectivement, on s'y sent mal mais on ne veut pas en partir avant la fin.

« Le Roi Rouge » est un roman inclassable, unique, passionnant, extrêmement bien ficelé, intemporel et insolite, et pas seulement parce qu'il revient sur un fait lui-même insolite. Il y a dans cette reconstitution historique quelque chose qui nous interpelle par-delà les siècles tant il y aura toujours sur Terre des illuminés, des contestataires, des conservateurs et des fous furieux. C'est un livre monstrueux, un livre à la douceur nécessaire et libératrice, et donc un livre profondément humain.
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Histoire du capitoulat et des capitouls de ..

Henri Gourdon de Genouillac est un généalogiste fameux.

Il s'attache dans ce livre à écrire l'histoire des capitouls de Toulouse depuis leur institution au XIIe jusqu'à la Révolution qui les supprima.

Les Capitouls, comme les consuls dans des villes plus modeste dirigeaient la ville de Toulouse dans le cadre des franchises octroyées par les Comtes de Toulouse puis confirmées par le Roi de France; leur charge les anoblissait.

H Gourdon de Genouillac complète son livre par la liste de tous les capitouls connus.
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