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Citation de enkidu_


La plupart des hommes, à l’approche de la mort, changeaient de vérité. Ou bien les affaires de la terre, auxquelles ils s’étaient toujours livrés avec passion, alors leur apparaissaient futiles, et il n’y avait plus que l’indifférence à n’être pas futile : ce qu’avaient prêché les haut-parleurs. Ou bien ces mêmes affaires devenaient futiles, et il n’y avait plus que la construction religieuse à n’être pas futile, encore que depuis l’enfance ils l’eussent ignorée. Or, ce n’était là que le terme d’une suite de métamorphoses : leur vision du monde avait changé avec chaque époque de leur vie.

Mais s’il y avait une vérité pour l’âge de vingt ans, une vérité pour l’âge de quarante ans, une vérité pour l’âge de soixante, une vérité pour l’agonie, s’il y avait tant de vérités, il n’y avait pas de vérité. Les « problèmes » se dissolvaient comme se dissipent les nuages dans un ciel qui veut devenir serein. Lui qui avait vécu depuis son enfance sur cette conception : qu’il y a le vrai d’un côté, le faux de l’autre, et pas la moindre demi-teinte entre eux ! Il y avait la vie qui était mouvante, confuse et incohérente, et puis ce qu’il y a pour l’homme avant sa vie et après sa vie, qui était fixe et absolu. Le haut-parleur disait vrai : il y avait le chaos, qui était la vie, et la nuit, qui était ce qu’il y a avant la vie et après la vie (Chaos et Nuit, deux personnages de la divine comédie d’Hésiode, d’Hésiode que Celestino n’avait pas lu). Il y avait le non-sens, qui était la vie, et le non-être, qui était ce qu’il y a avant la vie et après la vie. Ou plutôt n’y avait-il pas que le non-être, et une apparence d’être ? « Rien n’a d’existence, puisque tout cesse d’exister quand je cesse d’exister. C’est cela qu’il aurait fallu comprendre plus tôt : rien n’a d’existence. » Mais il le comprenait enfin, et cette lumière qui l’éclairait était si insolite et si grandiose que seule sa mort pouvait la répandre. Elle était l’avertissement certain de sa mort, si sur celle-ci il avait pu avoir un doute. Un quart d’heure d’intelligence dans toute une vie, et au moment qu’on va la quitter !
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