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Citations de Hervé Kempf (109)


Mais il faut repérer deux choses nouvelles au milieu de cette avalanche d’informations. D’abord, le processus de destruction s’est accéléré à tel point qu’en quelques décennies ce qui était objet de débat est devenu une réalité sensible en tout lieu de la planète. J’observe comme journaliste scientifique la crise écologique depuis trois décennies. Autour de 1990, l’alerte écologique avait été relancée depuis quelques années (à partir des pluies acides en 1983, des accidents de Bhopal en 1984 et de Tchernobyl en 1986, de la déplétion de la couche d’ozone connue en 1988, du premier rapport du Giec sur le climat en 1990). Cependant, le doute restait grand tant sur le changement climatique qu’à propos de la biodiversité, dont le concept n’avait été posé par les biologistes qu’en 1986. Si l’on savait que la destruction des espèces et des milieux naturels était en cours, les scientifiques avaient du mal à évaluer les taux d’extinction des espèces (le concept d’espèce était lui-même disputé), et former une vision globale des milliers de situations particulières était difficile. Quant au changement climatique, il restait incertain, comme le reconnaissait le Giec deux ans après son rapport de 1990 : la réaction de la température moyenne à la surface du globe au doublement du CO2 (gaz carbonique ou dioxude de carbone) ne dépasserait « probablement pas » la fourchette de 1,5 °C à 4,5 °C, écrivait-il ; il y avait « de nombreuses incertitudes dans [leurs] prédictions, particulièrement en ce qui concerne « le calendrier, l’ampleur et les effets régionaux » ; la hausse de la température depuis cent ans « est de même magnitude que la variabilité naturelle du climat » ; la détection sans équivoque de l’accroissement de l’effet de serre « n’est pas probable avant une décennie voire plus ».
Les climato-sceptiques, le plus souvent financés par les compagnies pétrolières, se sont engouffrés dans cette hésitation pour entretenir le doute et créer la confusion dans l’opinion publique. C’est tout à l’honneur des scientifiques d’avoir avancé avec prudence pour asseoir leurs conclusions avec le plus grand degré possible de certitude. Mais il a fallu des années pour parvenir au fait indiscutable que la sixième crise d’extinction des espèces s’amorce et que le changement climatique est lui aussi pleinement engagé. La connaissance scientifique, et c’est logique, est toujours en retard sur la réalité des phénomènes qu’elle tente de décrire. L’ennui, le gros ennui, est que la lente marche pour refermer peu à peu les interrogations a permis aux conservateurs de maintenir un statu quo destructeur. Si bien qu’en à peine trente ans réchauffement, recul de la diversité de la vie et pollution des écosystèmes ont atteint des niveaux effrayants.
Autre élément nouveau et crucial, les dégâts macro-écologiques affectent les pays riches, alors que jusqu’à récemment ils se manifestaient surtout dans les pays du Sud. Qui était réellement concerné en Europe ou en Amérique du Nord quand les Pygmées du Cameroun ou les Yanomami au Brésil constataient la destruction des forêts où ils vivaient, quand les Philippins ou les Guatémaltèques voyaient leur économie meurtrie pour plusieurs années par des cyclones, quand les Pakistanais étouffaient par une chaleur de 45 °C ? Cependant, depuis le coup de gong de l’ouragan Katrina qui a balayé La Nouvelle-Orléans en 2005, le souffle oppressant de la catastrophe atteint les rivages prospères. En Californie, avec des feux monstrueux à répétition, l’exception devient d’une banale normalité. En 2019, l’Australie a éprouvé pendant des mois des incendies de forêt au goût d’apocalypse. En 2020, un virus venu de la forêt profonde et disparue a plongé le monde dans la stupeur et la paralysie. Nous ne sommes plus à l’abri. Et le spectre de l' »effondrement » taraude les sociétés opulentes, qui oublient que cette situation a déjà été subie par d’autres cultures : Mayas, Incas et Aztèques exterminés par les maladies apportées par les Européens au XVIe siècle, sociétés africaines déprimées par l’esclavage des Européens aux XVIIe et XVIIIe siècles, peuples premiers des États-Unis d’Amérique quasiment détruits par un génocide au XIXe siècle. Le monde s’effondre, écrivait Chinua Achebe en 1958, face à la « modernisation ». Mais qui écoute un écrivain nigérian ?
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La transformation écologique du monde se poursuit à une vitesse sidérante. Le changement climatique fonce comme un troupeau de bisons lancés au galop, menaçant de tout dévaster sur son passage. Et nous continuons à tergiverser, soupeser, évaluer, fixer des objectifs à 2050, ratiociner, pendant que les nuées de la furie se rassemblent à l’horizon.
Ce livre est une interpellation dont le sens profond pourrait effrayer son auteur s’il ne savait que la poursuite de l’entre-deux actuel n’était pas plus effrayante encore.
Il y a près de quinze ans, dans Comment les riches détruisent la planète, j’ai expliqué l’articulation essentielle de la crise sociale, résumée dans la montée des inégalités, et de la catastrophe écologique, démontrant qu’il n’était pas possible d’éviter celle-ci si on ne résolvait pas celle-là.
Mais si le mouvement social et le mouvement écologique se sont, en grande partie, transformés pour converger et ont commencé à nouer des alliances, du côté des puissants, des dominants, de l’oligarchie, rien n’a vraiment changé. Pis encore, comme on va le montrer dans ce livre, la classe dirigeante s’est arc-boutée, s’engageant dans la foulée de l’ébranlement financier de 2008-2009 sur un nouveau chemin de radicalisation du capitalisme, niant la nécessité du changement et montant les pièces d’un apartheid planétaire. Nous sommes arrivés à un moment de l’Histoire où c’est eux ou nous. Il ne s’agit plus de convaincre les dominants, mais de détruire leur système de domination. Il s’appelle le capitalisme, et le capitalisme doit s’effondrer si nous voulons préserver les chances d’une société humaine en paix et assurant la dignité de ses membres.
Dire que le capitalisme a une histoire signifie qu’il a un début et une fin. En tant que phénomène historique, cette forme particulière d’organisation sociale va disparaître pour laisser place à une autre forme. Les historiens en situent le début au XVIe siècle. La fin, on peut maintenant l’envisager. Elle ne va pas advenir d’un coup, comme la mort d’un organisme vivant, mais selon un processus continu et prenant un certain temps, qui n’est prévisible qu’en partie, même si des trajectoires possibles se dessinent. Des scénarios cruciaux ont notamment été établis par le Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat) : ils mettent en rapport la hausse prévisible des émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement de l’atmosphère moyenne. La traduction de ces trajectoires en évolutions concrètes de la société dépend de celle-ci, c’est-à-dire que nous sommes collectivement maîtres de notre destin. Nous pouvons influencer le processus, s’il n’a pas un chemin tout tracé.
En termes politiques, on peut traduire les cas extrêmes de ces scénarios en deux pôles : l’un est celui d’une société sobre, ayant rétabli l’équilibre avec la biosphère (le climat étant considéré comme le marqueur d’un comportement écologique général), l’autre est celui d’une société ayant laissé les émissions atteindre un niveau si élevé que le réchauffement rend la vie humaine (notamment) extrêmement pénible. Ces deux pôles représentent, l’un une société ayant largement résolu le déséquilibre fondamental des inégalités entre les humains et se trouvant en paix, l’autre une société en proie au chaos violent provoqué par la lutte incessante pour s’approprier les ressources dans un monde livré à la fournaise. Entre ces deux pôles s’étend une gamme de situations possibles, et il dépend de notre action que la réalité approche telle ou telle branche de l’alternative.
Chacun de ces pôles est l’aboutissement de la logique suivie par une configuration particulière d’intérêts. Autrement dit s’exprime ici un conflit que l’on doit assumer, en considérant que certains ont intérêt à aller vers le pôle désastreux et qu’ils entrent en lutte avec ceux qui veulent aller vers le pôle harmonieux. Il faut cesser de croire que tout le monde veut aller vers le pôle harmonieux : cela implique de tels changements que ceux qui profitent de forts avantages actuellement ne sont pas prêts à les abandonner au nom de l’intérêt général.
Il y a des gens qui ne veulent pas que ça s’arrange, et il faut définir les stratégies pour les empêcher d’orienter la décomposition du capitalisme sur une voie néfaste. C’est pourquoi la question stratégique est aujourd’hui centrale pour le mouvement écologique, pour le mouvement émancipateur, et en fait simplement pour toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté. L’écologie est l’enjeu politique central des premières décennies du XXIe siècle.
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« Ôôôôôôô, quelle violence ! Quelle faute de goût, quelle brutalité, quelle horreur ! Ne peut-on pas s’exprimer, euh, paisiblement, raisonnablement, entre gens de bonne compagnie ? Mais là… pouah… »
Que crève le capitalisme, mes amis ! Que crève cette baudruche immonde, ce monstre stupide, cet ivrogne insatiable, ce meurtrier insensible, ce violeur impénitent, cette ganache ventripotente, ce concept délirant, cette histoire subclaquante, mais oui, qu’il crève, ce fatum puant, ce cauchemar de toxicomane, qu’il disparaisse, le capitalisme, corps malade éventré des plaies de la Terre, ver immonde qui ne survit que de l’anéantissement de la vie, tumeur métastatique, élixir trompeur des rêves impossibles, virus mortifère, gredin, chenapan, criminel, boudin gras et suintant, bulldozer métallique et sans pitié, cyber caché et pervers, qu’il crève, et que vivent les sans-abri, que dorment les sans-logis, que se rassasient les affamés, que coure le léopard, que transpire la jungle, que sourie la mère, que vive enfin le monde, que l’horizon s’éclaire, que la lumière revienne, que se lève un avenir qui ne serait pas de catastrophe, de chaos, d’étouffement, de lutte pour une survie misérable, que vive enfin l’humanité libérée des rets tentaculaires de l’argent qui veut décider de tout.
Que crève le capitalisme pour que nous vivions. Titubants, comme l’alcoolique désespéré de savoir se détruire et qui pourtant reprend un verre, groggy, vaporeux, nous avançons dans le brouillard de la consommation en sachant qu’il détruit tout et pourtant incapables de dire stop, d’arrêter, de bifurquer, addicts au dernier, pour la route, la route qui conduit à l’abîme.
Que crève le capitalisme, que finisse cette histoire qui eut son aube, son aurore, sa jeunesse, sa maturité, ses tournants, ses phases folles, criminelles, énergiques, créatives, et qui maintenant n’est plus que mécanique absurde, vampirique, qui ne peut maintenir l’apparence du normal qu’en suçant à l’os la peau et la chair et les nerfs et le cœur de la Terre, et des humains qui tentent, comme depuis un million d’années, d’y vivre, simplement.
Que crève le capitalisme, mes amis, et n’ayez crainte de proférer l’imprécation interdite pour qu’en leurs palais moroses les puissants incertains voient se fissurer leur monticule de papier, pour qu’en leurs tours phalliques les spéculateurs sentent le souffle du cyclone, pour qu’en leurs prisons dorées les opulents tremblent d’appréhension, n’ayez crainte de leur pouvoir évanescent, de leurs alibis sans valeur, de la peur qu’ils distillent, n’ayez crainte de l’avenir. Et que crève le capitalisme pour que s’ouvre le monde nouveau, le monde d’une humanité réconciliée avec le cosmos.
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Dans cette situation, qui pourrait conduire soit au chaos social, soit à la dictature, il importe de savoir ce qu’il convient de maintenir pour nous et pour les générations futures : non pas la « Terre », mais les « possibilités de la vie humaine sur la planète », selon le mot du philosophe Hans Jonas, c’est-à-dire l’humanisme, les valeurs de respect mutuel et de tolérance, une relation sobre et riche de sens avec la nature, la coopération entre les humains.
Pour y parvenir, il ne suffira pas que la société prenne conscience de l’urgence de la crise écologique – et des choix difficiles que sa prévention impose, notamment en termes de consommation matérielle. Il faudra encore que la préoccupation écologique s’articule à une analyse politique radicale des rapports actuels de domination. On ne pourra pas diminuer la consommation matérielle globale si les puissants ne sont pas abaissés et si l’inégalité n’est pas combattue. Au principe écologiste, si utile à l’époque de la prise de conscience – « Penser globalement, agir localement » -, il nous faut ajouter le principe que la situation impose : « Consommer moins, répartir mieux ».
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Le confort dans lequel baignent les sociétés occidentales ne doit pas nous dissimuler la gravité de l’heure. Nous entrons dans un temps de crise durable et de catastrophes possibles. Les signes de la crise écologique sont clairement visibles, et l’hypothèse de la catastrophe devient réaliste.
Pourtant, on prête au fond peu d’attention à ces signes. Ils n’influencent pas la politique ni l’économie. Le système ne sait pas changer de trajectoire. Pourquoi ?
Parce que nous ne parvenons pas à mettre en relation l’écologie et le social.
Mais on ne peut comprendre la concomitance des crises écologique et sociale si on ne les analyse pas comme les deux facettes d’un même désastre. Celui-ci découle d’un système piloté par une couche dominante qui n’a plus aujourd’hui d’autre ressort que l’avidité, d’autre idéal que le conservatisme, d’autre rêve que la technologie.
Cette oligarchie prédatrice est l’agent principal de la crise globale.
Directement par les décisions qu’elle prend. Celles-ci visent à maintenir l’ordre établi à son avantage, et privilégient l’objectif de croissance matérielle, seul moyen selon elle de faire accepter par les classes subordonnées l’injustice des positions. Or la croissance matérielle accroît la dégradation environnementale.
L’oligarchie exerce aussi une influence indirecte puissante du fait de l’attraction culturelle que son mode de consommation exerce sur l’ensemble de la société, et particulièrement sur les classes moyennes. Dans les pays les mieux pourvus comme dans les pays émergents, une large part de la consommation répond à un désir d’ostentation et de distinction. Les gens aspirent à s’élever dans l’échelle sociale, ce qui passe par une imitation de la consommation de la classe supérieure. Celle-ci diffuse ainsi dans toute la société son idéologie du gaspillage.
Le comportement de l’oligarchie ne conduit pas seulement à l’approfondissement des crises. Face à la contestation de ses privilèges, à l’inquiétude écologiste, à la critique du libéralisme économique, il affaiblit les libertés publiques et l’esprit de la démocratie.
Une dérive vers un régime semi-autoritaire s’observe presque partout dans le monde. L’oligarchie qui règne aux Etats-Unis en est le moteur, s’appuyant sur l’effroi provoqué dans la société américaine par les attentats du 11 septembre 2001.
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L’autobus me conduisait à l’aéroport d’Heathrow, au terme d’un reportage sur le « soldat du futur ». La radio diffusait les nouvelles. Le journaliste racontait que, selon des spécialistes suédois, un taux élevé de radioactivité était détecté dans le pays scandinave. Cela pourrait provenir de l’accident d’une centrale nucléaire.
Nous étions le 28 avril 1986, le surlendemain de l’accident de Tchernobyl. Cette nouvelle réveilla en moi, soudainement, un sentiment d’urgence oublié. Dix ou quinze ans auparavant, je lisais Illich, La Gueule Ouverte, Le Sauvage, et me passionnais pour l’écologie, qui me paraissait la seule vraie alternative à une époque où le marxisme triomphait. Puis la vie m’avait poussé sur d’autres chemins. Journaliste, j’étais alors immergé dans la révolution micro-informatique : au moment où Time consacrait l’ordinateur « homme de l’année », je découvrais avec mes camarades de Science et Vie Micro les arcanes du premier Macintosh, les « messageries roses » du Minitel qui préfiguraient les chats et forums d’Internet, les aventures d’un jeune type nommé Bill Gates qui venait de conclure un contrat fumant avec IBM.
Subitement, Tchernobyl. Une évidence : l’écologie. Une urgence : la raconter. J’ai commencé à le faire. Depuis, j’ai toujours été guidé par deux règles : être indépendant, et produire de la bonne information, c’est-à-dire exacte, pertinente, originale. Aussi me gardai-je du catastrophisme. Racontant, parmi les premiers, l’affaire climatique, l’aventure des OGM, la crise de la biodiversité, je n’ai jamais « forcé le trait ». Il me semblait que les faits, portés par une attention tenace pour des sujets si évidemment prioritaires, suffisaient à parler à l’intelligence. Et je croyais que l’intelligence suffisait à transformer le monde.
Cependant, après avoir cru que les choses changeaient, que la société évoluait, que le système pouvait bouger, je fais aujourd’hui deux constats :
– la situation écologique de la planète empire à une allure que les efforts de millions de citoyens du monde conscients du drame mais trop peu nombreux ne parviennent pas à freiner ;
– le système social qui régit actuellement la société humaine, le capitalisme, s’arc-boute de manière aveugle contre les changements qu’il est indispensable d’opérer si l’on veut conserver à l’existence humaine sa dignité et sa promesse.
Ces deux constats me conduisent à jeter mon poids, aussi infime soit-il, dans la balance en écrivant ce livre court et aussi clair qu’il est possible de l’être sans trop simplifier. On y lira une alarme, mais surtout un double appel, sans le succès duquel rien ne sera possible : aux écologistes, de penser vraiment le social et les rapports de force ; à ceux qui pensent le social, de prendre réellement la mesure de la crise écologique, qui conditionne aujourd’hui la justice.
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Dans le monde hypertechnologisé que façonne le capitalisme dans son inextinguible volonté de croissance, l'imprévu catastrophique se produit de plus en plus souvent : une pandémie bouleverse le monde depuis 2019, le réchauffement climatique favorise des mégafeux en Australie et des sécheresses à répétition dans le monde, une guerre dévastatrice se déroule sur le territoire européen…
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Les livres sur la démocratie se comptent par centaines et remplissent des rayonnages entiers de bibliothèques. Mais d'études politiques sur l'oligarchie, point. Le dernier livre qui ait vraiment réfléchi au fait oligarchique est l'ouvrage de Robert Michels paru en... en 1911, il y a cent ans ( Les Partis politiques. Sous-titré : les tendances oligarchiques des régimes démocratiques ). Depuis, la science politique ne s'est plus intéressée au concept. Au XXe siècle, pour des raisons historiques bien compréhensibles, elle s'est focalisée sur l'analyse de la dictature, puis elle a ratiociné sans fin et paresseusement sur la démocratie libérale. Et l'oligarchie ? Non, c'est quoi ?

P33.
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C'est une scène de la vie parisienne : dans les gares, des soldats en treillis de combat déambulent, une mitraillette au poing. La France serait-elle en guerre ? Officiellement, ces patrouilles font partie du "plan Vigipirate", supposé protéger le pays du terrorisme, et en vigueur depuis de longues années. La fonction dissuasive d'une telle démonstration, qui est strictement nulle en ce qui concerne les terroristes, dissimule son but véritable : habituer les citadins à la banalité d'une présence militaire normalement réservée aux dictatures. Le plus surprenant est que, chez les vaniteux Gaulois qui s'enorgueillissent encore parfois d'être la "patrie des droits de l'homme", l'affront que constitue cette exhibition ne suscite qu'indifférence. On mesure à cette passivité le degré atteint par la dégénérescence de l'esprit démocratique.

P142.
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Nucléaire ou sobriété, il faut choisir.

Contrairement à ce que prétendent les nucléaristes, la question de l'énergie nucléaire du point de vue du climat n'est pas que scientifique, elle est tout autant politique. Et ce n'est pas un hasard si le choix du nucléaire est majoritairement fait par des dictatures ou des pays très autoritaires (Chine, Russie, Biélorussie, Turquie...). Pas un hasard non plus si, en France, le nucléaire est essentiellement soutenu par des partis de droite ou d'extrême-droite. D'abord, il y a un lien consubstantiel entre nucléaire civil et arme atomique, comme l'a rappelé le président de la République française en décembre 2020 : «Opposer nucléaire civil et nucléaire militaire en terme de production, comme en terme de recherche, n'a pas de sens dans un pays comme le nôtre. La filière vit de ses complémentarités et elle doit être pensée dans ses complémentarités.» Ensuite, un débat ouvert ne donne pas l'avantage à l'énergie nucléaire, qui ne peut s'imposer qu'en limitant l'information. Comme l'observe La Parisienne Libérée, «le nucléaire est par essence militaire et le rapport de cette industrie au secret définit la nature même du régime politique dans lequel il nous oblige à vivre». En France, les décisions sont imposées sans discussion, comme l'a déploré la Commission nationale du débat public, écrivant : «L'énergie nucléaire est-elle nécessaire à la transition énergétique ? C'est un débat dont le public n'a jamais pu se saisir.»
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Nous ne sommes plus à l'abri. Et le spectre de l'"effondrement" taraude les sociétés opulentes, qui oublient que cette situation a déjà été subie par d'autres cultures : Mayas, Incas et Aztèques exterminés par les maladies apportées par les Européens au XVIème siècle, sociétés africaines déprimées par l'esclavage des Européens au XVIIème siècle et XVIIIème siècle, peuples premiers des Etats-Unis d'Amérique quasiment détruits par un génocide au XIXème siècle. Le monde s'effondre, écrivait Chinua Achebe en 1958, face à la "modernisation". Mais qui écoute un écrivain nigérian?
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Il est stupéfiant que les nucléaristes et avec eux la majorité des politiques raisonnent comme si un accident grave ne pouvait jamais se produire en France.
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le 25 mai 2010, dans l'émission "Dilemme" de la chaîne W9, la jeune Ophélie, tenue en laisse par une comparse, se traînait à quatre pattes, mangeant des croquettes pour animaux dans une gamelle. Elle acceptait de faire le chien dans l'espoir d'aider son équipe à gagner 3000 euros. de "Loft Story" à "Secret Story" en passant par "L'île de la tentation", la téléréalité ne joue pas seulement sur les huis-clos dont la clé est la tension érotique, elle cultive aussi les facettes les plus médiocres de la nature humaine : on accepte de prendre un bain de purin, on se livre à des stimulations sexuelles sur cheval, on s'injurie à longueur d'antenne - "pédophile", "connard", "sénile", "pouilleuse" -, on accepte d'être emprisonné et maltraité par de (faux) compagnons de cellule, on inflige des électrochocs à un candidat qui répond mal aux questions - c'est ici un faux jeu, destiné à montrer jusqu'où les gens sont prêts à aller.
Rien n'est plus utile à l'oligarchie que la vulgarité et la veulerie que met si complaisamment en scène la télévision. L'individualisme qu'expriment ces spectacles correspond à l'idéologie qu'elle encourage efficacement depuis une trentaine d'années, et la distraction proposée détourne les foules de toute interrogation politique. La surreprésentation des rapports émotionnels entre individus - compétition, frustration, désir, cupidité - évacue tout rapport collectif du champ de la conscience des spectateurs.
p96-97.
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Le 25 mai 2010, dans l'émission "Dilemme" de la chaîne W9, la jeune Ophélie, tenue en laisse par une comparse, se traînait à quatre pattes, mangeant des croquettes pour animaux dans une gamelle. Elle acceptait de faire le chien dans l'espoir d'aider son équipe à gagner 3000 euros. De "Loft Story" à "Secret Story" en passant par "L'île de la tentation", la téléréalité ne joue pas seulement sur les huis-clos dont la clé est la tension érotique, elle cultive aussi les facettes les plus médiocres de la nature humaine : on accepte de prendre un bain de purin, on se livre à des stimulations sexuelles sur cheval, on s'injurie à longueur d'antenne - "pédophile", "connard", "sénile", "pouilleuse" -, on accepte d'être emprisonné et maltraité par de (faux) compagnons de cellule, on inflige des électrochocs à un candidat qui répond mal aux questions - c'est ici un faux jeu, destiné à montrer jusqu'où les gens sont prêts à aller.
Rien n'est plus utile à l'oligarchie que la vulgarité et la veulerie que met si complaisamment en scène la télévision. L'individualisme qu'expriment ces spectacles correspond à l'idéologie qu'elle encourage efficacement depuis une trentaine d'années, et la distraction proposée détourne les foules de toute interrogation politique. La surreprésentation des rapports émotionnels entre individus - compétition, frustration, désir, cupidité - évacue tout rapport collectif du champ de la conscience des spectateurs.

p96-97.
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Les maîtres de la télévision ne produisent pas un discours délibérément construit pour orienter précisément l'esprit des spectateurs. Il leur suffit de créer l'ambiance d'un monde informe et insaisissable. Le fontionnement médiatique actuel "induit moins des idées et des comportements structurés et massivement uniformes, écrit le sociologue Jean-Pierre Le Goff, qu'il n'entretient la confusion et paralyse le jugement par la réception massive et continue d'informations, d'interviews, d'images et de commentaires mêlant indistinctement tous les genres [...]. En rendant le monde insignifiant et vain, un tel mécanisme inhibe la pensée, l'initiative et l'action, plutôt qu'il ne modèle les hommes selon une norme prédéfinie".

p92.
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Physiquement, le modèle de l'enfermement volontaire se généralise : l'Occidental moyen passe de pluls en plus de temps dans un lieu clos, allant de sa voiture au bureau, s'approvisionnant dans des hypermarchés sans fenêtre, déposant ses enfants à l'école en automobile, se distrayant chez lui dans le tête-à-tête avec la télévision ou l'ordinateur. Le refus d'interaction avec les conditions extérieures se prolonge par la généralisation de la climatisation, qui isole les individus des conditions atmosphériques, au bureau, en voiture et bientôt à domicile, tandis que les lotissements à l'accès contrôlé, les vacances en milieu fermé (croisières ou "villages" clos) se multiplient. Parallèlement, l'expansion de l'institution pénitentiaire répond à la montée des inégalités et aux troubles gênant le confort des classes riches et moyennes : les Etats-Unis montrent ainsi la voie au monde "développé" en ayant multiplié le nombre de personnes emprisonnées par huit en quarante ans, de 174 000 en 1972 à 1 403 000 en 2010 !

p94.
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La dette pose un problème écologique majeur : elle implique un système économique en croissance, faute de quoi elle provoque un appauvrissement continu. […] Vouloir maintenir le niveau de vie moyen à répartition inchangée des revenus, donc l’ordre social, rend ainsi indispensable la croissance économique. Si bien que conserver ce niveau de vie tout en payant la dette se traduit par un impact environnemental néfaste, la croissance se faisant aux dépens de la biosphère.
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Il faut s’insurger contre l’opposition brandi par les postillonneurs médiatiques entre « l’économie » et « l’écologie ». L’écologie, c’est mettre l’économie à sa juste place, non pas la détruire. L’économie n’est pas le capitalisme, qui lui, est une forme d’économie devenue cancéreuse et dévorant le corps social.
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Vous connaissez le point Godwin, une sorte de loi énoncée par le juriste Mike Godwin, selon laquelle « plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité de trouver une comparaison impliquant des nazis ou Hitler approche de 1 ». On peut de même énoncer la loi goulag ou point Goulag : « Si l’on propose des mesures visant à limiter la richesse ou la pollution, la probabilité que la réponse se réfère à l’Union soviétique ou goulag approche de 1. » […] Que leur dire? Rien. Même pas qu’aujourd’hui, l’univers carcéral se trouve aux Etats-Unis.
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La révolution était le paradigme émancipateur de XXe siècle, la catastrophe est celui de XXIe siècle.
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