Citations de Hyam Zaytoun (77)
C’est une histoire de pulsation. Une certitude physique qui mute en pensée. Ça me traverse, dans la cuisine, alors que tu es là, juste derrière moi. A peine un mètre nous sépare. Nos corps s’activent pour préparer le repas et nos cœurs étrangement battent plus qu’à l’ordinaire.
Ça ne va pas. On ne peut pas continuer comme ça.
Tu dors de ce sommeil qui ressemble à la mort, celui-là même que Juliette s'infligea pour échapper au mariage forcé et retrouver Roméo, avant qu'il ne se verse le poison, la croyant perdue à jamais.
Je voudrai n'avoir que rêvé, mais la blancheur du jour me cueille.
C'est un combat à faire croire à tout ce qui n'existe pas.
Je poserai la main sur ta poitrine et peut-être tu frémiras :
Je suis ta vigile, ton garde du corps...
J'écoute un à un les nombreux messages reçus depuis ce matin. La nouvelle à presque déjà fait le tour du quartier et, par des connexions que j'ignore, elle est parvenue jusqu'à des amis d'enfance, jusqu'aux récents copains de scène. Cela va vite, ce qui se tisse autour de nous, de témoignages de soutien, de pensées inquiètes, de proposition d'aide.
Certaines nuits sont plus épaisses que d’autres. Celle-ci est trouée de tristesse.
Je la connais, je suis pareille. Une fille inquiète. Une fille capable d’échafauder, en peu de temps, le plan de survie d’un drame non encore advenu. Je repense à ces soirs où ma mère pouvait rentrer un peu plus tard qu’à l’accoutumée, où ma soeur, Lila et moi, encore petites, l’attendions seules à la maison. L’angoisse soudain montait si fort que je me réfugiais dans l’armoire de Lucie, pleurais dans ses vêtements comme si elle était morte, entraînais ma soeur dans ce mélo d’orphelines… jusqu’à ce que Lucie rentre, bien vivante.
La petite mamie d'a côté. Elle est partie comme ça, juste après un café, elle s'est effondrée, dit son mari , ce vieux bonhomme que l'on croise tous les jours arpentant le quartier. La vie sans l'autre, quand on l'a partagée si longtemps, est-ce qu'on s'y habitue ? Dans nos jardins mitoyens, ses hirondelles la cherchent encore.
Et les coucher, les border, les embrasser bien fort. Mais pas plus. Pas plus de temps auprès d’eux. Je fuis leurs yeux innocents. Eux qui n’ont demandé que la joie, et voilà le malheur qui attend au tournant. Qu’aurai-je leur à leur dire, si tu t’en vas ?
Pour la première fois depuis depuis longtemps, je ne peux pas partager ma peine avec toi mon amour. Alors il faut qu'ils soient nombreux à m'entourer, les plus nombreux possibles.
Je repense à ce matin, il y a quelques années, où j'ai vu les pompiers defibriller, juste sous les volets. La petite mamie d'à côté. Elle est partie comme ça, juste après un café, elle s'est effondrée, dit son mari, ce vieux bonhomme que l'on croise tous les jours arpentant le quartier. La vie sans l'autre, quand on l'a partagée si longtemps, est-ce qu'on s'y habitue ? Dans nos jardins mitoyens, ses hirondelles la cherche encore.
Paul verse alors dans mon verre ce vin que je vais adorer : "Gewurztraminer", choc de consonnes et de voyelles, monde de saveurs et de sons, que je vais découvrir sans toi..
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Tu dors de ce sommeil qui ressemble à la mort, celui-là même que Juliette s'infligea pour échapper au mariage forcé et retrouver Roméo, avant qu'il ne se verse le poison, la croyant perdue à jamais.
L'oxygène te quitte peu à peu, je le vois à ton front, à ton visage qui perd sa couleur. Je donne mon poids dans ta poitrine, continue de t'appeler.
Reviens mon amour.
La fenêtre n'offre qu'un spectacle morose, sans orage ni trombes d'eau, pas même l'éclat d'un soleil indécent, mais à l'image de notre drame, contre lequel personne ne se rebelle, un gris banal.
Et l’on a perdu la pudeur, parce que les mots sont écrits par d’autres et c’est comme un costume que l’on prend pour mieux se dévoiler.
Et l’on a perdu la pudeur parce que la lumière nous aveugle et c’est tant mieux.
Chacun de tes vêtements me nargue cruellement. Ils sont intacts. Une vie plus solide que la tienne, on dirait, ces choses qui t’appartiennent.
Je te dis à voix haute ces pensées qui me traversent, parce qu'il faut bien parler, oser. Cela, toi et moi on sait le faire, ouvrir notre cœur à ceux qui se taisent. Depuis la scène, qui est notre jour, l'on choisit, au plus profond de la nuit des spectateurs, dans ce noir épais, chaud et accueillant, notre confident.
Peut-être que leur papa ne s'en sortira pas. Mais je veux qu'ils soient entourés. Que l'école soit joyeuse pour eux. C'est cela que je dis, dans le bureau de la directrice. Et parce que cette femme, que je connais à peine, laisse couler ses larmes, les miennes aussi jaillissent.