Elle répondit à son baiser avec ardeur. Avec passion. L’instant était magique. Emma avait complètement oublié Ian et Charlotte. Elle en avait oublié l’endroit où elle était. Elle profitait simplement du moment présent. Carpe Diem. Le présent que la vie lui offrait. Le baiser que Gabriel lui donnait ne pouvait se comparer à rien de ce qu’elle avait pu vivre précédemment. Il lui transmettait un désir qu’elle n’avait jamais connu. Emma huma l’odeur de Gabriel tandis que ce dernier embrassait son cou, lui procurant des milliers de fourmillements dans le bas de son ventre. Tout son être pétillait d’exaltation et elle avait la nette impression que le temps s’était arrêté. Le seul bruit qu’elle pouvait entendre était le battement de leurs cœurs qui avaient le même rythme.
Emma ne pouvait pas dire si elle était fâchée ou sarcastique. Elle préférait garder le silence et la regarder pendant un instant. C’était une belle femme qui devait être beaucoup moins âgée que ce qu’elle laissait paraître en réalité. Elle était habillée sobrement, mais avec goût, et elle portait des marques de grands noms qu’Emma ne pouvait pas se payer avec son salaire présentement. Ses cheveux étaient blonds et tombaient en dégradé sur ses épaules. Pas de mèches folles ou de couettes rebelles. Elle portait une blouse blanche dont seul le dernier bouton du haut était défait, sous une veste noire, et portait même une cravate. Elle avait un pantalon noir, style portfolio, pour compléter son look androgyne qui était aussi très féminin. Il était arrivé peu souvent à Emma de croiser Candice ; or, chaque fois, elle lui faisait penser à une avocate par son air professionnel et détaché.
Charlotte avait aussi choisi un maquillage discret. Elle avait tout de même donné un style brumeux et mystérieux à ses yeux noisette en y appliquant du fard noir. Ses cheveux châtains étaient défaits. Emma lui avait toujours trouvé un air de femme fatale. Elle lui enviait cette confiance qu’elle avait lorsqu’elle abordait le sexe opposé. Elle attirait les hommes, comme d’autres collectionnent les timbres. Ils étaient fous d’elle et, dès qu’elle entrait quelque part, c’était sur elle que les regards se posaient. Elle suscitait de l’admiration pour certaines femmes, tandis que d’autres la craignaient. Elle dégageait un magnétisme incroyable, et Emma devait avouer qu’elle l’admirait pour cela. Même si elle était très jolie, elle ne possédait pas l’assurance de sa meilleure amie.
Emma partageait le même sentiment que le jeune homme. Elle avait aussi l’impression de le retrouver et qu’ils se connaissaient depuis longtemps. Elle osa se demander si c’était cela qu’on appelait des âmes sœurs. Des âmes qui avaient été séparées lors de leur incarnation et qui avaient comme mission de se rejoindre. Puis, elle mit un frein à son imagination. Leurs âmes s’étaient reconnues, mais elle trouvait cela beaucoup trop rapide. Ce n’était qu’un baiser et elle n’avait pas été embrassée de la sorte depuis déjà un bon moment. Tous ses sens étaient en alerte. Ian l’étreignait avec plus d’empressement et ses caresses se firent de plus en plus entreprenantes. Elle l’encouragea. Puis, ses mains se posèrent sur sa taille. Emma finit par le repousser délicatement.
Emma le suivit du regard. Son cœur battait à tout rompre. L’homme lui plaisait. Elle avait l’impression que c’était réciproque. Un coup de foudre ? Elle ne savait pas si cela était possible, mais elle était consciente qu’elle aimerait bien le revoir. Il était séduisant, certes, mais c’était plus que ça. Elle était séduite par la vibration qu’il dégageait. Sous son regard, elle s’était sentie vivante. Cela faisait déjà plusieurs mois que ça ne lui était pas arrivé.
— Tu as vu l’apollon ? C’est certain que je ne lui ferais pas mal ! Et le corps qu’il a… ouf ! s’exclama Charlotte en donnant un coup de coude dans les côtes d’Emma.
— C’est bon, n’en dis pas plus. Pour toi, les hommes sont comme des pièces de viande.
Il était facilement séduit par les femmes. Il les aimait toutes, sans exception. Les blondes, les rousses, les brunes, les noires, les petites, les grandes, les minces, les rondes. Par contre, celle qui se trouvait devant lui possédait quelque chose en elle qu’il cherchait depuis toujours. Il ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qu’elle arrivait à allumer en lui. Il était lucide et savait que c’était plus qu’une attirance physique. Il n’avait pas l’intention de coucher avec elle un soir et de l’oublier par la suite. Il voulait apprendre à la connaître. La posséder, autant de corps que d’esprit.
L’ivresse était devenue une béquille pour elle. Une manière comme une autre de fuir la réalité qui devenait trop difficile. Sous cette façade froide et forte se cachait une âme blessée. Une femme ayant une soif irrémédiable d’être aimée. Qui n’avait pas besoin de l’être ? Emma était la première. Pourtant, comme cette femme qui portait un masque pour éloigner les gens d’elle, elle faisait tout ce qui était possible pour que les personnes ne s’approchent pas trop. Charlotte était l’une des rares qu’elle acceptait dans son cercle restreint. Elle ne tenait aucune relation pour acquise.
Ça, c’est totalement moi. Dire un bout de phrase et garder l’essentiel dans ma tête. Je lui explique alors, en gros, comment s’est passé le retour d’Albany en train et la femme qui m’a raconté son histoire de petit gâteaux et d’enfants qu’elle a élevés seule. Teresa est passionnée par ce que je lui raconte et sourit.
Je suis contente d’avoir une amie qui est aussi facile à vivre et avec qui je m’entends très bien. Je suis persuadée qu’elle aurait apprécié rencontrer cette dame. Toutes les deux auraient eu beaucoup de choses à se dire, j’en suis convaincue.
C’est le côté un peu plus sombre de cette fonction de médium. Il faut apprendre à ériger un mur et à se détacher des émotions plus tristes. En effet, il faut faire preuve de détachement comme un médecin face à son patient mais garder en même temps une belle empathie et une compassion remarquable. Vous devez donc apprendre à vous protéger, car si vous devenez trop empathique, vous ne pourrez pas aider et vous donnerez de l’énergie là où il ne faut pas. Vous portez déjà votre bagage d’émotions, vous n’avez pas à porter celui des autres en plus du vôtre.
Candice se mit à détailler la jeune femme de la tête aux pieds. Son regard s’attarda sur sa taille, sur ses jambes et, pendant un bref instant, sur sa poitrine. Emma eut l’impression d’être jugée pendant un moment. Elle n’appréciait pas la chose, mais se garda de le dire. Elle se savait en tort et elle n’aimait pas jeter de l’huile sur le feu pour rien. Et puis, elle se sentait « bas de gamme » avec sa tenue toute froissée de la veille devant la femme qui avait des allures bon chic, bon genre.