Isabelle Bauer, rescapée dun féminicide : "Il m'a tiré deux fois dessus, puis il est parti et a mis fin à ses jours"
Je comprends le séisme dans la vie et le cœur de mes filles. Pourtant, moi, je souffle enfin. C’en est fini de cette violence plus ou moins sourde et contenue, de cette traque incessante, de cette perversité qui m’a poussée à devenir l’ombre de moi-même durant des semaines. Lorsque je me retrouve seule dans ce réduit qui me sert de chambre, mon esprit embrumé d’antalgiques n’est pas en paix pour autant.
Pris dans sa folie d’homme délaissé, emporté par sa passion destructrice, il n’a visé ni la tête ni le cœur. Il a visé le bas-ventre, le siège de ma féminité, s’assurant de cette manière que ma vie serait irrémédiablement fichue. L’arme qu’il a utilisée pour commettre son crime est une arme de catégorie C, utilisée pour le tir sportif ou la chasse, et dont le nombre de coups est limité.
À l’heure où commence ma convalescence, je sais que mon histoire n’est rien d’autre que la sombre chronique d’une violence ordinaire qui ne dit pas son nom, qui s’insinue par tous les pores du couple, à laquelle on ne prend pas garde, dont on minimise parfois les aspérités les plus rugueuses, dont on ne se défend que trop tard, et qui s’achève inéluctablement par un drame.
Avec chacune leur histoire, leur degré de maturité, leur vie, leurs passions, elles sont à la fois différentes et complémentaires, et ce qu’elles vivent depuis début janvier 2021 n’a rien de normal, elles le savent. Toutes aussi différentes qu’elles soient, en cette fin d’après-midi, elles pleurent de concert.
J’ai toujours su qu’un jour, j’aurais des enfants. J’ignorais quand et avec qui ; je ne rêvais pas d’un prince charmant, je n’idéalisais pas celui qui serait l’homme de ma vie. Je savais simplement que je serais mère.