Lorsqu’un suicide est reconnu comme accident du travail c’est finalement toute une société qui reconnaît que potentiellement travailler est un risque mortel.
Quelle aubaine aussi pour l’entreprise qui crée artificiellement un consensus autour de la question psychosociale en ayant pris soin de faire disparaître le terme même de ”souffrance au travail” indésirable et dangereux pour sa réputation, en le poussant ”hors les murs”.
Qu’il s’agisse de récalcitrance, de dissidence, de rébellion, de contestation ou, de l’autre coté de cet invisible bras de fer, de motivation, de coopération, de solidarité, nous assistons à une même déclinaison de ce que j’appellerai la ”créativité des indignés” », ni aux conclusions qu’elle en tire « Il devra tenter, chemin faisant, un nouveau rapport de confiance avec tous ceux qu’il va y croiser et oser réinvestir à nouveau le champ de l’action collective et politique pour lutter efficacement contre l’extermination de la vie au travail.
Sous prétexte d’optimiser les organisations et de créer de la valeur, l’entreprise va imposer au travail toujours plus de sévices. Elle va le ”tendre” (méthode kanban de gestion à flux tendu par exemple), le tronçonner (organisation en silo, externalisation des activités en dehors du cœur de métier), l’exiler (délocalisations), le trancher à vif (méthode du down sizing ou de suppression de postes), l’amaigrir (lean ou gestion drastique de ses frais), le harceler ( kaizen : méthodes d’amélioration continue), l’écarteler (pression sur les objectifs, intensification de son rythme, et diminution de ses ressources)
Et si la fabrication du risque psycho social avait pour fonction d’éviter de intéresser aux pathologies du travail, de nier sa maladie, et pour mieux l’innocenter de victimiser le salarié ?
Pendant que la machinerie à gestion de projets, à fabrication de tableaux de bord, à consolidation d’indicateurs, à recherche d’indices, déploie toutes ses fonctionnalités pour prévenir les risques psychosociaux, le travail, principal générateur de stress et de souffrance, échappe à la remise en cause de l’entreprise, à la critique de ses cadres, à la vindicte de ses salariés.
Comment accepter, en effet, d’être ainsi aidé et soigné par cette même entreprise qui vous met(trait) à mal, vous brutalise(rait), vous stresse(rait) ou vous harcèle(rait) ?
ans les relations de travail, la question de la subordination reste un élément central de la définition du salariat et structure à mon sens fortement le cadre juridique, mais également psychique, des relations entre un employeur et ”son” subordonné.
Au bout du compte l’entreprise fait de lui un ETP en trop, autant dire un ennemi à éradiquer