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EAN : 9782849503362
148 pages
Syllepse (29/03/2012)
5/5   1 notes
Résumé :
Des salariés souffrent, tombent, meurent... les entreprises ont peur, elles s’affolent... Après des excuses maladroites, des plans d’actions pour preuve d’actions, elles appellent à l’aide... ils accourent. Les consultants se précipitent, multiplient leurs offres de service : du funéraire (autopsies psychologiques, cellules d’urgence) au numéraire (questionnaires, enquêtes, formations, accompagnements...). Un vrai effet d’aubaine ! Les experts se concertent, rêvent ... >Voir plus
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« Se tenir sur le fil du rasoir comme un danseur de cordes, repérer depuis un point à la fois menacé et invincible, les périls qui guettent de toutes parts et les chances qui gisent à même le danger, telle est à la fois ligne droite et sinueuse de la résistance » Françoise Proust citée par l'auteure.

Dans le système capitaliste mondialisé, l'entreprise est au centre des attentions, l'entreprise et ses actionnaires qui prennent, soit-disant, tous les risques face à la concurrence. Un conte pas très moral pour masquer des réalités bien tangibles. Exit les salarié-e-s, exit la subordination, exit les résistances, place à la responsabilité sociale, à la surveillance des risques psychosociaux. Ce faisant, cette présentation, très à la mode, vise à transformer, ou au moins à maquiller, le coeur du rapport salarial et le(s) salarié-(e-s) « le statufiant en quelque sorte sous la posture du ”gisant”, elle l'implore de garder sagement la pose, pendant que le travail, principale source de la souffrance salariale, continue de distiller ses effets ravageurs et dysfonctionner en toute impunité »

Le livre est divisé en quatre chapitres, centrés sur « Un salarié » « en souffrance », « en méfiance », « sous surveillance » et « en résistance(s) ».

L'auteure propose de « briser ce piège de la victimisation d'autant plus pervers, qu'en cernant les fragiles, il protège avant tout les fauteurs de troubles ». Au départ bien évidemment la subordination « Dans les relations de travail, la question de la subordination reste un élément central de la définition du salariat et structure à mon sens fortement le cadre juridique, mais également psychique, des relations entre un employeur et ”son” subordonné. » Sur la subordination et plus générale le droit du travail Laurent Willemez : le droit du travail en danger (Editions du Croquant, paris 2006)
L'auteure s'attache particulièrement à décrire les évolutions internes des entreprises, les nouvelles orientations de management, les réalités le plus souvent cachées : « Sous prétexte d'optimiser les organisations et de créer de la valeur, l'entreprise va imposer au travail toujours plus de sévices. Elle va le ”tendre” (méthode kanban de gestion à flux tendu par exemple), le tronçonner (organisation en silo, externalisation des activités en dehors du coeur de métier), l'exiler (délocalisations), le trancher à vif (méthode du down sizing ou de suppression de postes), l'amaigrir (lean ou gestion drastique de ses frais), le harceler ( kaizen : méthodes d'amélioration continue), l'écarteler (pression sur les objectifs, intensification de son rythme, et diminution de ses ressources) » Et la/le salarié-e est rendu-e abstrait-e, transformé-e en un Équivalent Temps Complet « Au bout du compte l'entreprise fait de lui un ETP en trop, autant dire un ennemi à éradiquer ».

Ces descriptions sont ensuite mis en relation avec le soin particulier que semblent développer les états-majors pour contenir les risques psychosociaux. Deux citations de l'auteure :

« Quelle aubaine aussi pour l'entreprise qui crée artificiellement un consensus autour de la question psychosociale en ayant pris soin de faire disparaître le terme même de ”souffrance au travail” indésirable et dangereux pour sa réputation, en le poussant ”hors les murs”. »

« Pendant que la machinerie à gestion de projets, à fabrication de tableaux de bord, à consolidation d'indicateurs, à recherche d'indices, déploie toutes ses fonctionnalités pour prévenir les risques psychosociaux, le travail, principal générateur de stress et de souffrance, échappe à la remise en cause de l'entreprise, à la critique de ses cadres, à la vindicte de ses salariés. »

Il est donc plus que légitime de s'interroger « Et si la fabrication du risque psycho social avait pour fonction d'éviter de intéresser aux pathologies du travail, de nier sa maladie, et pour mieux l'innocenter de victimiser le salarié ? »

Isabelle Forno souligne, à très juste titre, dans cette narration excluante des fondements de la réalité des salarié-e-s, ce grand absent qu'est le travail « Or pour les humains, le travail… ce n'est pas que le travail ». A cela s'ajoute une autre négation « Exit également la question de la conflictualité autour du travail, de son organisation, de sons sens ».

Pour utiliser un langage, que ne partagerait peut-être pas l'auteure, ce travail n'est pas seulement une « activité », c'est l'exploitation de la force de travail dans des rapports sociaux asymétriques, c'est une forme historique de travail, particulière au système capitaliste.

Quoiqu'il en soit, pour en rester aux analyses et aux interrogations posées par d'Isabelle Forno : « Comment accepter, en effet, d'être ainsi aidé et soigné par cette même entreprise qui vous met(trait) à mal, vous brutalise(rait), vous stresse(rait) ou vous harcèle(rait) ? ».

Je ne partage pas les appréciations de l'auteure sur l'absence de formes de résistance ou de conflictualité « traditionnelle ». le travail ne saurait être réduit à des fonctionnalités sans contradiction. Les salarié-e-s sont toujours, d'une certaine façon, en résistance contre les formes imposées du travail. Ce qui diffèrent dans le temps, c'est à la fois les rapports de force entre groupes sociaux, la conscience individuelle de la situation et les formes d'organisation, plus ou moins collectives. Une opposition irréductible, car au fondement du fonctionnement du système. Cela n'enlève rien, aux propos de l'auteure : « Qu'il s'agisse de récalcitrance, de dissidence, de rébellion, de contestation ou, de l'autre coté de cet invisible bras de fer, de motivation, de coopération, de solidarité, nous assistons à une même déclinaison de ce que j'appellerai la ”créativité des indignés” », ni aux conclusions qu'elle en tire « Il devra tenter, chemin faisant, un nouveau rapport de confiance avec tous ceux qu'il va y croiser et oser réinvestir à nouveau le champ de l'action collective et politique pour lutter efficacement contre l'extermination de la vie au travail. »

Je termine par ses propos sur le suicide en entreprise « Lorsqu'un suicide est reconnu comme accident du travail c'est finalement toute une société qui reconnaît que potentiellement travailler est un risque mortel. » Sur ce sujet, encomplément possible, le livre de la Fondation Copernic, coordonné par Louis-Marie Barnier : Travailler tue en toute impunité… (Editions Syllepse, Paris 2009)
L'auteure a exercé des fonctions de direction, des mal-nommées, ressources humaines, son expérience et ses réflexions se traduisent par un livre réjouissant, au langage sans détour, acerbe et ironique, en décalage avec les propos souvent tenus, y compris dans les milieux syndicaux. Un regard « décentré » pour une critique de la victimisation des salarié-e-s et la remise au centre de la réflexion du travail, activité nuisible dans sa forme même, qu'il convient, au delà des adaptations nécessaires, de réduire à une durée la plus faible possible.
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Qu’il s’agisse de récalcitrance, de dissidence, de rébellion, de contestation ou, de l’autre coté de cet invisible bras de fer, de motivation, de coopération, de solidarité, nous assistons à une même déclinaison de ce que j’appellerai la ”créativité des indignés” », ni aux conclusions qu’elle en tire « Il devra tenter, chemin faisant, un nouveau rapport de confiance avec tous ceux qu’il va y croiser et oser réinvestir à nouveau le champ de l’action collective et politique pour lutter efficacement contre l’extermination de la vie au travail.
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Lorsqu’un suicide est reconnu comme accident du travail c’est finalement toute une société qui reconnaît que potentiellement travailler est un risque mortel.
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Quelle aubaine aussi pour l’entreprise qui crée artificiellement un consensus autour de la question psychosociale en ayant pris soin de faire disparaître le terme même de ”souffrance au travail” indésirable et dangereux pour sa réputation, en le poussant ”hors les murs”.
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Sous prétexte d’optimiser les organisations et de créer de la valeur, l’entreprise va imposer au travail toujours plus de sévices. Elle va le ”tendre” (méthode kanban de gestion à flux tendu par exemple), le tronçonner (organisation en silo, externalisation des activités en dehors du cœur de métier), l’exiler (délocalisations), le trancher à vif (méthode du down sizing ou de suppression de postes), l’amaigrir (lean ou gestion drastique de ses frais), le harceler ( kaizen : méthodes d’amélioration continue), l’écarteler (pression sur les objectifs, intensification de son rythme, et diminution de ses ressources)
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Pendant que la machinerie à gestion de projets, à fabrication de tableaux de bord, à consolidation d’indicateurs, à recherche d’indices, déploie toutes ses fonctionnalités pour prévenir les risques psychosociaux, le travail, principal générateur de stress et de souffrance, échappe à la remise en cause de l’entreprise, à la critique de ses cadres, à la vindicte de ses salariés.
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