Un fruit vient..., Israël Eliraz
lu par Danielle Lebrun
Respecte
cette espèce
de mouvement
permettant
aux ailes
de porter entre elles
le muscle tendu
de l'effort
infatigable
flèche lancée
vers un grain
lointain
pour se faire
oiseau
qui donne âme
au monde
(extrait de "Oiseau") - p. 9
Rien de ce qu’on a dit
n’est arrivé.
Des rumeurs
filtrent.
L’ombre leur fait de la reliure.
Quelque chose a foiré.
Sûr, ce lieu a un Maître des lieux,
mais va-t’en le prouver.
Ce que j’ai entendu (fractionné)
est protégé par la lampe
éteinte.
Ce que j’ai saisi (le concret)
a disparu.
Prête attention à la pente.
Comprends ce qu’est
être dedans
près de la souffrance
quand le cercle attend
quand le cercle attend
difficile ici de distinguer
le blanc de l’effacé.
Tout est posé à même le sol.
Poussière
n’épuise pas
terre.
Le feu se déclare par son mouvement,
cherche sa matérielle.
Qui mène ? Qui suit ?
De dedans, tu contiens l’oubli
en des mots qui
le rappelleront
l'enfant traite l'arbre
comme un texte
polyphonique
Il grimpe dans une partitiion
où chaque branche est la
substance d'un rêve
Ce fut le seul bonheur
inattendu, inconnu, bruyant
C'était le moment d'équilibre
de joie aussi proche
que ta bouche
A présent, seule reste la poésie pour nous aider. Si ce n'est pas la poésie, c'est le crayon, et si ce n'est pas ça c'est la page vide où la main passe et repasse. Moi, je trouve à la suivre une consolation immense.
le temps d’aller vers l’ouvert
le temps de se taire
le temps de prendre le souffle
de le perdre
dans les jours qui viennent
(avant que tout cela ne devienne
trop abstrait)
tu n’as qu’une bouche, une demi-poche,
des hasards
La parole qui existe comme des
vagues muettes
Les oreilles se tendent vers les matières
qui ne se prononcent pas
Le vert quitte les tiges
pour s’y perdre
Dehors,
sur ton épaule,
le petit jour, l’audace
On se laisse aller
(pas pour longtemps)
et ça n’a plus de sens
En tout cas, j’ouvre la
porte au poème, à la
poche de la crainte
Rien de sublime
Habiter la peur à
l’embouchure de la musique
et il y a toujours l’immense
à empoigner
Ne ronge plus tes ongles
Parle-moi, près de la table
des choses particulières,
des points d’appui
inachevés –
une tige, le hasard, l’oubli
C’était le soir, et il revient en moi et je veux
plus que jamais, ce que je voulais toujours et encore
raconter sans rien inventer.
Cet été tout sera différent. On pourra
y parvenir. Oui, à ce point là.
Je me lève (tu dis,
« déjà »). Et, dans la rue, j’emporte avec moi
avec beaucoup de précaution tout ce qui est arrivé
ici. Difficile d’expliquer aujourd’hui
l’atmosphère d’une mélodie dont on ne peut dire : c’est ceci ou c’est cela.
Nous étions ici. Jour après jour. Nous faisions
Ce que l’on fit ensemble, des choses connues.
Sur le seuil de la maison, la terre, à ce niveau,
a bougé, il semble, un peu, presque bougé.
Il y avait une chose, elle revient en moi et je
veux, plus que jamais, ce que je voulais encore
et toujours raconter sans rien inventer
(traduit de l’hébreu par Esther Orner)
soudain les choses…
soudain les choses prennent connaissance
de leurs vraies natures en célébrant
l’instant né au bout du doigt
la fourmi qui dit ceci, là, sa
façon d’être dehors
Bob* dit, nothing wiser than a moment
* Robert Creely
(rien de plus sage qu’un moment)
Du sacré dans les mains
aujourd’hui, après des années, nous sommes assis
dans la même goutte d’eau qui attire
l’abeille.
Touche les choses autrement. Une maison, un arbre tout près,
un arbre encore. Derrière le muret, encerclés de rouge
une femme, et une tache ineffaçable ou un pli, un cheval peut-être, là,
près de la vigne, de la fumée verte.
« Et les grappes
sont plus lourdes que la soif »
Encore une heure de lumière
dans laquelle je peux m’asseoir
près de toi, te regarder,
autour, tout autour,
voir comment près de ton épaule
le temps sur ton visage
passe, transforme derrière nous
au bout du sable, l’eau
en un champ qui bouge près d’un
champ
sur un champ et la lumière
se replie jaune, monte plus claire
s’allonge encore un peu
et bientôt disparaîtra
s’éteindra presque
ltellement le rouge est vif que tu ne
le montres pas et sans cesse
il déborde
sans se raidir.
Toujours un dénouement dans tes courbes.
J’empoche le mouvement,
l’éclat
« on a de nouveau le sentiment
d’un rendez-vous ultime
à ne pas manquer »
Le jour est passé. Je l’ai vu
passer
sur le mur de la vieille maison,
derrière la fenêtre.
Passé le jour.
Penser et repenser à toi : mais
quoi ?
À ce que j’écris ici sur toi.
Je dois parler de moi à toi.
Le silence est inutile.
Te verrais-je demain ?
Tu es à nouveau avec moi
derrière la fenêtre
remplie de feuilles. A la vue de
mon corps tu commences
doucement à voir ton corps.
Ce qui passe n’est pas seulement
l’hiver.
Le jour passe, meurt dans la
fenêtre, je l’ai vu
passer, passé le jour
bouche à bouche…
bouche à bouche le bleu. Tout d’un
coup je sais que j’existe. J’y fais
mon nid. C’est simple
c’est tout ce qui compte
« nos corps feront jour
rien qu’en ouvrant les
bras sous le pommier. »*
* Sophie Loizeau