AQUIN, Hubert (1929-1977)
Il a réécrit L'Étranger d'Albert Camus et « commencé son oeuvre là où Camus avait abandonné la sienne » (André Langevin, La Presse, 16 avril 1977.
Étudiant en philosophie, il représente ses confrères dans une série de témoignages sur le travail intellectuel en donnant une communication sur la liberté de pensée et la sincérité lors des premières journées d'études, Carrefour 1950, regroupant des intellectuels catholiques canadiens-français, à l'Université de Montréal, sur le thème « La personne humaine et le travail intellectuel ».
À cette époque, toujours à l'Université de Montréal, il assiste aux cours de l'abbé Jean Milet sur Sartre. Milet écrit dans une lettre datée du 2 octobre 1984 : « J'avais eu alors quelques conversations avec lui, en marge du Cours. Déjà il posait des questions que les autres étudiants ne se posaient pas ». Jacques Languirand confiera d'ailleurs, au cours d'un entretien avec Claudette Lambert de Radio-Canada, qu'Aquin fut le premier à lui avoir parlé sérieusement de Jean-Paul Sartre.
Il n'y a pas d'exploration attentive d'un itinéraire intellectuel sans surprises et sans la découverte d'une multitude de petits faits bruts qui laissent au chercheur le plaisir et le soin de rapprocher, d'associer, de combiner, de lier, d'entrelacer, de joindre, de conjuguer, de composer et de proposer. Ici, la pratique des mises en rapports (des faits et des repères chronologiques, biographiques et bibliographiques) opère par associations plutôt que par déduction, se préoccupe des faits de préférence aux raisonnements, reste plus près de l'expérience vécue que de la théorie et se livre, enfin, à la manière d'un essai.
Il y a (c'est mon hypothèse de travail) un récit de l'histoire des idées et de la philosophie au Québec déjà écrit par les témoins et les acteurs mêmes de cette histoire. Chacun d'eux a écrit son fragment. Mon travail de lecture consiste à retrouver ces fragments, à les rassembler et ainsi à rendre manifeste le texte collectif, l'architexte de cette histoire. Cela demande, comme le travail bibliographique, un grand effacement de la part du chercheur.
Le 25 mai 1946, Albert Camus quitte New York pour Montréal et ses tramways d'abord et, ensuite, pour la ville de Québec et le Cap Diamant à propos duquel il écrit, dans Journaux de voyages (Gallimard, 1978) : « À la pointe du Cap Diamond devant l'immense trouée du Saint-Laurent, air, lumière et eaux se confondent dans des proportions infinies. Pour la première fois dans ce continent l'impression réelle de la beauté et de la vraie grandeur. Il me semble que j'aurais quelque chose à dire sur Québec et sur ce passé d'hommes venus lutter dans la solitude poussés par une force qui les dépassait » (p. 47).