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Citations de Jakob Guanzon (24)


…s’il arrive un jour à refaire du confort une constante dans leur vie, observera-t-il toujours son environnement avec la même admiration naïve ? Ou est-ce que ce n’est que passager ? Un sursaut dans la poisse des temps difficiles, une bouffée de fumée de noyer au loin dans la toundra. Finira-t-il comme tous ces inconnus bouffis de leurs privilèges  : le regard vide dans les embouteillages, ronchonnant dans la queue au supermarché, avachis sur leur caddie ? Se fondra-t-il dans ce troupeau  blasé ?
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Nique ta mère. Le patriarche de toutes les insultes. Henry avait toujours supposé que le venin de l’expression, le coup de couteau qu’elle infligeait, était évident  : elle jetait une lumière crue sur la pulsion œdipienne de l’autre. Mais, il le comprenait désormais, il avait tout faux. Il fallait avoir les idées courtes pour croire que la personne à qui elle était lancée était censée être blessée par une invitation reposant sur cette perverse supposition freudienne selon laquelle tout ce dont rêvait n’importe quelle bite était de retourner dans la fente par laquelle elle était sortie. Pourtant, le Viennois coké jusqu’aux yeux avait vu juste pour la deuxième partie, le parricide. La haine du père devait être plus répandue que le désir pour la mère. En vertu de cette logique, il était passé à côté de la véritable racine de la phrase. Elle avait clairement été créée en référence à la figure la plus universellement honnie, à la fois source et cible légitime de la fureur de tout fils. Le père, celui qui a niqué la mère.
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Le guichetier avait ce vernis d'imposture des gamins pauvres qui essaient de le cacher. Le genre à qui on a réussi à faire croire que bien se tenir et avoir des bonnes notes pourrait leur offrir un accès à un échelon supérieur, voire les conduirait un jour sur l'une des deux côtes, n'importe où loin des sables mouvants cramés qu'étaient les plaines sur lesquelles une invraisemblable injustice les avait fait naître. L'inclinaison de son menton boutonneux et ses yeux plissés par la suspicion en disaient assez long. Il croyait sincèrement que sa cravate à deux balles et le gel dans ses cheveux le rendaient meilleur qu'Henry.


Page 138, La Croisée 2023.
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L'espoir, c'est peut-être trop demander mais du confort, ça semble raisonnable. Il se pose la question : s'il arrive un jour à refaire du confort une constante dans leur vie, observera-t-il toujours son environnement avec la même admiration naïve ? Ou est-ce que ce n'est que passager ? Un sursaut dans la poisse des temps difficiles, une bouffée de fumée de noyer au loin dans la toundra. Finira-t-il comme tous ces inconnus bouffis de leurs privilèges : le regard vide dans les embouteillages, ronchonnant dans la queue au supermarché, avachis sur leur caddie ? Se fondra-t-il dans ce troupeau blasé ? À tous marcher d'un même pas traînant vers la seule chose qui leur reste : toujours plus.

Pages 25-26, La Croisée 2023.
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Henry verrouilla les portes du pick-up avant de prendre la sortie qui menait à la zone industrielle, là où les immeubles tout en verre cédaient la place aux cheminées d'usines abandonnées depuis longtemps. Alors qu'ils passaient des pâtés de maisons délabrées, Henry imaginait les anciens occupants qui avaient pointé dans ces usines. Des vies entières sur la chaîne de production. Une monotonie de seconde main. Le train-train quotidien vers l'obsolescence. Ça devait être pour ça qu'Itay avait tenu à ce qu'Henry fasse des études, pour le voir plus tard dans un bureau en costume plutôt qu'avec une ceinture à outils, à boire dans un mug à logo plutôt que dans un thermos, penché sur un ordinateur et pas à quatre pattes.

Mais Henry n'aurait jamais échangé la paisible désolation de l'ouest contre cette ruche de béton. Ici, entassé avec les autres dans cette ville si dense, la contagion parasitique du plus — plus de biens, plus de statut, plus d'achats de produits de marque — aurait été inévitable. Même si les styles de vie hors du boulot pouvaient varier, tout travail était au service de l'insatiable puits sans fond de l'industrie et du commerce. Ça revenait au même en fin de compte. Que ce soit avec une pelle ou une feuille de calcul, tout le monde devait creuser.

Page 161, La Croisée 2023.
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Tout à coup, Henry se retrouva dévoré par les mêmes flammes que celles du lit d'hôpital, lorsque l'infirmière lui avait pour la première fois déposé Junior dans les bras. Un fardeau sans poids ou presque, une pierre en plumes. Des lèvres du bébé à ses orteils, tous ses traits plissés étaient d'une humanité si irréfutable, d'une fragilité si terrifiante. Les quatre minuscules doigts de singe s'étaient accrochés à l'index d'Henry. Et là, la combustion. La plaie qui le démangeait sur son crâne et le brouillard post-commotion furent balayés par un gigantesque embrasement, tandis qu'une prise de conscience nouvelle et terrifiante se répandait sur lui et en lui comme un seau de goudron brûlant. Cet amour défiait la logique. Il allait au-delà de la raison, il anéantissait son intérêt personnel. La dévotion aveugle à cette personne miniature était dangereusement absolue. En un instant, il découvrit une capacité horrifiante, celle d'être tout à fait prêt à faire n'importe quoi d'aussi bas et vicieux que nécessaire pour un autre être humain.
(p.199)
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Comme dans la lunette d'un sniper, il se regarda pleurnicher à l'arrêt de bus. Elle l'avait oublié, l'avait planté, l’avait laissé attendre en ce jour dont il avait cru - au sujet duquel il n'avait pas douté une milliseconde - qu'il serait prodigieux pour tous les deux. Bien sûr, il s'était montré un peu insistant avec elle, mais au nom de la passion. Un peu dur avec Junior, au nom de l'éducation. Il était désolé. Il essayait. Mais que pouvaient-ils espérer de plus ? Il était une hyène en cage, tout juste libérée, affamée, la bave aux lèvres, que l'on venait de tranquilliser et qui avait succombé, et avec le sourire. Son museau s'allongea, aspirant de l'air pour un hurlement ou un rire, mais à la place, il bâilla. Sa langue passa sur ses lèvres et sur ses dents, toucha une canine et décoinça un morceau de saucisse. Il l’avala.
Atteindre la chambre fut une épopée. Ces cinq années avaient fait baisser son seuil de tolérance. Ce qui avait été un brouillard serein lorsqu'il était assis se gélifia en un marécage humide qu'il dut traverser sur un sol spongieux qui se dérobait à chaque pas. Le crâne rempli d'hélium mais des enclumes aux pieds, il trébucha et tituba jusqu'à ce que l'encadrement de la porte le rattrape et le redresse. Il serra la moquette avec ses orteils, stabilisant sa vue pour déchiffrer le mirage qui ondulait dans la chambre. En fermant un œil, il parvenait à superposer les deux formes opaques qui ressemblaient à Michelle en l'unique et merveilleuse femme qu'elle était vraiment.
(p.236)
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Aucune importance. Toute sa résistance d'adolescents endurci façon crachat-à-la-gueule-de-l'autorité, avait de toute façon été étouffée dès la première séance de thérapie de groupe. Ses camarades de cercle avaient pissé sur sa flamme autodestructrice avec toutes les histoires d'abus, d'abandon, de viol et d'inceste qu'ils avaient partagées. Au milieu de cette assemblée de toxicos, survivants et psychotiques, sans oublier la fille effacée avec ses drôles de chicots, la peine d'Henry avait rétréci jusqu'à l'insignifiance. Une bille noire, un jouet de gamin. Son vernis rebelle s'était étiré jusqu'à craquer comme de la cellophane bas de gamme, ne révélant qu'un minuscule grain de solitude amère. […]
Si le lavage d'estomac n'avait pas siphonné son identité profonde, la captivité thérapeutique assurait l'extraction et l'exposition de toute sa claire sentimentale. Au fond, il n'était qu'un banal gamin en colère, incapable de se contrôler. Un petit con automédicamenté et auto-apitoyé avec une mère morte et un connard de père immigré. Envoyez les violons. Lancez la marche de la pitié. À côté des autres gamins internés, chacun parfaitement familier de souffrances abjectes et d'une cruauté entérinant l'inexistence d'un Dieu quelconque, Henry n'avait pas le droit de se plaindre. Au moins, Itay avait-il eu la clémence de ne pas lui faire subir des coups de clé à molette et une bite dans la bouche.
(p.31-32)
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Se fondra-t-il dans ce troupeau blasé ? À tous marcher d'un même pas traînant vers la seule chose qui leur reste : toujours plus.
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Si loin à l'ouest, des maisons de plain-pied condamnées ont rampé du bord du trottoir à l'orée de la forêt comme des cadavres abandonnés en pleine autopsie. Séparées de la route par des étendues désolées de prairie pelée. La jambe meurtrie d'un château d'eau. Des versets de la Bible sur des panneaux cloqués. De poteau en poteau tordu, des lignes à haute tension qui rétrécissent, clopin-clopant, vers l'horizon glacial. Ils passent bientôt devant une série de petites galeries marchandes entourant des parkings déserts au béton gonflé et brisé comme une verrue vue au microscope. Les vitrines de magasins sont vides et poussiéreuses, hormis, ça et là, des magasins familiaux qui vendent encore Dieu sait quoi pour garder l'enseigne allumée et les huissiers à distance. Les quelques vitrines éclairées évoquent plus des braises au fond d'un cendrier qu'une invitation à entrer. (p.27)
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C'est un rose de fille .Une couleur trop festive pour le savon des toilettes pour hommes du Mc Do.C'est la mauvaise couleur dans tous les cas ,tout comme il y a huit ans jour pour jour .Michelle était certaine que le petit garçon qui attend à cet instant Henry de l'autre côté de la porte serait une fille.Tellement sûre d'elle qu'elle lui avait tendu un cigare à bague rose ,juste avant de descendre péniblement du pick-up pour s'allonger sur le brancard.( Page 11).
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Quels sont vos trois plus gros défauts ?
Eh bien c'est facile, votre honneur, votre majesté : l'alcool, les amphets, et un mépris acide envers le monde pour m'avoir arnaqué, mâché, recraché et chié dessus, monsieur.
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《 Voilà ta moitié 》 ,dit-il et ce fut tout.Apres ce geste banal ,aussi banal que de passer le menu d'un dîner à un inconnu,les mains calleuses d'Henry se refermèrent sur cinq liasses de billets de cent dollars.Cinquante mille.Cinquante Briques. Ça avait de la masse.Du volume.Une bible coupée en deux .
Et tout avait été tellement simple.
Ça leur avait demandé du temps mais pas tellement de sueur.Peut-être quelques pics glacés d'adrénaline ici et là, mais pas une goutte de la transpiration âcre du travail manuel.Après en avoir discuté avec Michelle il avait eu des remords à laisser Al faire toute la préparation en plus de prendre tous les risques alors chaque jour après le boulot et durant deux week-ends,il était allé chez lui pour l'aider à peser et presser les oxys de contrebande.Les vingt-cinq mille pilules ,et même un peu plus.( Page 160).
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Une telle abondance de temps. Une fortune d'heures alimentée par une disette de contact humain, une sécheresse d'affection.
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Et puis la nuit tomba.Elle fit descendre les dernières lueurs du crépuscule sous le pare-brise et fit entrer l'odeur du printemps dans la cabine.Gasoil,herbe coupée, asphalte et jonquille.Henri déglutit,sourit,se sentit complet.Comblé.Il avait enfin tout compris .Avec une certitude si riche ,il ne restait plus une seule question ,car tout ce qui comptait c'était ce petit garçon. Tout ce qui comptait c'était son coeur et son esprit et sa santé,tout son potentiel et ses lendemains.Tout était ici et tellement simple.Tout ce qu'Henri avait à faire ,c'était tenir sa promesse ,ses mains fermes sur le volant et ses yeux sur la route, parce que c'était son boulot de continuer à regarder droit devant, de relever la tête. ( Page 322/323).
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Qu'aucun de ses efforts pour la soigner n'ait porté ses fruits ou n'ait même été perçu l'enduisait d'une résine âcre de frustration et d'insuffisance.
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Henry fait défiler dans sa tête un anti-inventaire long comme une ritournelle railleuse. La liste des absents pour cet anniversaire - ballons et banderoles, bougies et gâteau, une pile de cadeaux, un tas de copains, une mère - semble s'inscrire au fur et à mesure sur la surface du miroir tagué. Henry a claqué quatre litres d'essence pour venir dans ce McDonald's précisément, trois villes à l'est de l'école primaire du garçon. Non seulement pour le Play Land mais parce qu'il n'y a pas d'arrêt de bus devant. Pas de code d'accès pour les toilettes. Il est à peu près correct, même si toute la misère qui passe ici a laissé quelques traces. Gravés sur le miroir rayé, des numéros de téléphone, des initiales, des nique ta mère. Pile au milieu, un message d'encouragement griffonné veut croire que ça va aller.
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Qui sur terre ne voulait pas plus d'argent, plus d'énergie, plus de sommeil, plus de tout ?
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Pour ce qui est de ses expériences, il compte évoquer ses boulots dans le bâtiment après le lycée et sa situation de main d'oeuvre free-lance ,un joli euphémisme de son cru pour remplacer 《 chômeur désespéré》.De la plomberie à la toiture,de la mécanique à l'électricité, il a tout fait.Il apprend vite et travaille encore plus dur ,avec une gestion du temps et une expérience client chaleureuse qui vont avec.Raccroche ça aux trois plus grandes qualités et passe à la suivante :
Quels sont vos trois plus gros défauts ?
Eh bien c'est facile votre honneur ,votre majesté : l'alcool,les amphets,et un mépris acide envers le monde pour m'avoir arnaqué, mâché,recraché et chié dessus ,monsieur.....( Page 84/85).
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Et que seraient-ils allés faire ailleurs ? Il n'y avait qu'à voir le nid qu'ils avaient construit ensemble en quelques années. Même s'ils louaient ce mobile home à Indigo Hills, ils s'étaient employés à le redécorer avec des pièces récupérées sur les chantiers d'Henry pour en faire un chez eux. Il avait arraché la moquette grise et tachée au profit d'un patchwork de parquets en hickory, noisetier et acajou. Il avait remplacé le frigo et les plaques par de l'électroménager destiné à la décharge d'une maison qu'ils retapaient. Bien sûr, ce n'étaient pas les modèles les plus récents et les couleurs ne correspondaient pas tout à fait, mais c'était une nette amélioration par rapport aux appareils d'origine qui remontaient à l'époque de Spoutnik et qui avaient été décolorés depuis par la fumée d'innombrables cigarettes. Il avait récupéré un beau morceau de granit ébréché durant le transport pour remplacer le comptoir en formica qui séparait la kitchenette du salon. Ils avaient repeint les murs et les avaient ornés de miroirs anciens trouvés au magasin de l'Armée du Salut, pas par vanité mais pour créer une illusion d'espace. Ils avaient accroché au plafond un lustre rococo abîmé qui lui faisait penser au sourire d'un hockeyeur. En été, il adorait laisser la porte ouverte pour contempler la pergola de cèdre sur laquelle étaient enroulées des guirlandes lumineuses et la nouvelle terrasse dallée à côté de laquelle il prévoyait déjà de bâtir un portique.

l y avait des moments ou il doutait de mériter un tel confort. Comme le môme au guichet de la banque, un gamin pauvre qui essayait de ne pas en avoir l'air, Henry avait l'impression d'être un imposteur, de se faire passer pour un adulte. Ses antécédents autodestructeurs ne semblaient pas compatibles avec la joie innocente que lui procurait la vie domestique : choisir des draps, tester de nouvelles recettes, prévoir des projets déco ou s'endormir côte à côte sans avoir fait l'amour. Il ne pouvait se départir de l'impression qu'ils jouaient au papa et à la maman, un jeu auquel il n'avait jamais joué et qu'il n'aurait jamais cru apprécier.

Mais leur ruse était éventée. On les avait retrouvés et sa vieille résolution de ne jamais être pauvre se dissolvait. Les organismes de recouvrement leur avaient arraché leurs masques de grands et étaient venus collecter tous les dus de l'âge adulte - et les intérêts avec.

Une avalanche dévala au fond de lui. Cette explosion glaciale était causée par le chagrin, la terreur ou plus probablement les deux. Michelle était si concentrée sur les dernières traces de compote de pomme qu'elle ne remarquait pas qu'il grelottait derrière elle.
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