Jan Walraven

Pour citer Edward Snowden : "Dire qu'on n'accorde pas d'importance au droit à la vie privée parce qu'on n'a rien à cacher revient à dire qu'on n'accorde pas d'importance au droit à la libre expression parce qu'on n'a rien à dire." Et tout le monde a quelque chose à cacher. Où voudriez-vous que le facteur lise vos lettres avant de les glisser dans votre boîte? Même si vous pensez ne rien avoir à cacher aujourd'hui, la situation peut être toute différente dans un avenir proche.

J'ai déjà donné l'exemple des voitures équipées d'une boîte noire qui enregistre la conduite d'un assuré. Un tel dispositif permet à un assureur de déterminer le risque au niveau individuel. Êtes-vous d'accord ? Ou allez-vous refuser poliment une telle méthode ? Quid si vous refusez ? Auriez-vous quelque chose à cacher ? Seriez-vous un chauffard ? Dans ce cas, vous devrez payer une prime plus élevée... [...] Les gens qui peuvent se le permettre peuvent donc décider de ne pas faire enregistrer et analyser leur conduite. De cette façon, le respect de la vie privée risque de devenir un bien précieux réservé à une élite.

Nous sommes notre smartphone. Quand on connaît le smartphone, on connaît la personne qui se cache derrière.

Bientôt, consulter Facebook sera devenu un automatisme aussi naturel qu'un clignement des yeux. Le fait qu'à chaque récompense, le cerveau libère une dose de dopamine, l'hormone du plaisir, intervient également, sans aucun doute. Et finalement, nous ne pouvons plus nous en passer.

Le respect de notre vie privée n'est donc pas seulement une question d'intérêt individuel, il sert aussi l'intérêt d'une société livre et démocratique. C'est un droit humain sur lequel reposent d'autres droits humains, tels que le droit à la libre expression.

Leur soif de données [à Facebook et Google] est insatiable parce que leur survie en dépend. C'est cela qui doit nous inquiéter. Car ce n'est pas pour rien si le respect de la vie privée est un droit. Et le pouvoir de ces géants des données doit aussi nous inquiéter pour d'autres raisons. Non seulement notre droit individuel à la vie privée est menacé mais c'est la société tout entière qui doit s'inquiéter de l'impact de ce nouveau modèle tant sur notre démocratie que sur notre économie. Voilà donc un autre aspect dont nous ferions mieux de tenir compte.

Wang et Kosinski ne se sont pas arrêtés au sexe des personnes, ils ont voulu apprendre à un modèle informatique à reconnaître l'orientation sexuelle sur la base de visages. Et ils y sont parvenus. [...] Impressionnant. Et effrayant. En menant cette étude, les deux chercheurs entendent aussi mettre en garde contre les risques de la reconnaissance faciale automatique.

Une Barbie intelligente qui réagit à ce que lui disent les enfants s'est également révélée technologiquement vulnérable. Des chercheurs en matière de sécurité avaient réussi à transformer la poupée en un appareil d'espionnage. Les micros intégrés pouvaient être détournés à distance pour servir d'appareils d'écoute.

Ou, comme Zuboff l'écrivait dans la Frankfurter Allgemeine : "Exiger des capitalistes des données qu'ils respectent votre vie privée, c'est comme demander à Henry Ford qu'il refasse entièrement les voitures à la main. C'est comme demander à une girafe de raccourcir son cou.

Comme dans le conte de Perrault, il y a des prédateurs qui picorent ces miettes. Et ces prédateurs, ce ne sont pas des oiseaux affamés, mais des entreprises de tailles diverses dont nous ignorons jusqu'à l'existence, mais aussi des autorités locales et nationales.