Jean-Baptiste Labrune

Belzebuth, c’est mon chat.
C’est un nom de bête féroce,
Mais mon chat, c’est le plus gentil du monde.
Jamais il ne mord, jamais il ne griffe,
Même pour jouer.

Avec toi comme avec mes élèves, j'étais l'architecte de mon propre effacement, contraint à l'attention continue aux autres, mais également à moi-même, à l'incomplétude de ma condition d'adulte.

Lire, c'est s'arracher à soi pour tenter d'habiter u discours étranger, d'en saisir les logiques implicites ; c'est accepter d'être dérangé, bousculé ; c'est vouloir être emporté ailleurs et revenir trans formé par cette rencontre. p.139

Les moyens mis à notre disposition demeurent faibles compte tenu de la mission qui nous incombe. L'école n'est qu'un pan institutionnel de la problématique éducative, laquelle déborde largement la compétence des pédagogues - et nous ne pouvons incarner les valeurs sociales de notre République dans un monde où l'inégalité et la compétition font loi. Mal logés, mal nourris et mal soignés, trop d'enfants sont encore condamnés à une "réalité diminuée". Et au sein même des foyers, l'impensé de l'éducation comme responsabilité commune entretient la domination masculine : les femmes sont quatre fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel afin d'élever leurs enfants. La refondation scolaire ne se fera pas sans réechantement des lendemains.

Parce que être maître, c'est d'abord tâcher d'avoir pour tous le même respect, la même patience et la même exigence, sans distinction de nom, de classe sociale, de couleur de peau, de religion ou de sexe.

Notre école ne remplit plus aujourd'hui son rôle d'ascenseur social ; au contraire, elle entérine les injustices économiques de notre société.

Au fond, mon autorité n'était légitime que dans la mesure où j’œuvrais à l'émancipation de mes élèves.

Aujourd'hui, cependant, je fais le choix de reprendre du service. Car, malgré ses nombreux défauts, je perçois à quel point l'école publique est nécessaire.