Quel beau titre pour ce roman de Jean-François Vilar… Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués… Cette phrase-titre provient d’une citation de Natalia, la femme de Léon Trotsky et fait référence aux militants assassinés par la police de Staline.
Une histoire de chemins parcourus et de souvenirs en marge de l’Histoire avec un grand H…
Les quelques 1021 jours et nuits d’intimité forcés entre deux hommes qui ne se connaissaient pas mais qui sont devenus otages ensemble : Victor et Alex…
Tout un univers de roman noir, des flics déguisés, des agents doubles, des femmes mystérieuses, des fausses-pistes… Une enquête en forme de déambulation, paradoxale pour Victor qui déteste l’idée même de voyage, deux intrigues qui se télescopent au gré d’un croisement du passé et du présent et du hasard.
Une belle plongée dans l’entourage d’André Breton et de Man Ray et dans le quotidien de jeunes militants trotskystes pleins d’idéaux, épris de liberté… Une histoire d’amour et de trahisons avec la menace nazie en filigrane…
Des personnages sombres, auréolés de mystère et de non-dits, dont un médecin-flic, une journaliste d’origine tchèque et un vieil homme, réalisateur de télévision à la retraite…
Un café parisien…
Une écriture à la première personne, sans concession, désabusée. C’est Victor qui raconte ou plutôt, s’il s’écoutait, qui ne voudrait rien dire… Il a tout de l’anti-héros, photographe pigiste sans grande envergure. C’est par pur hasard qu’il a vécu trois ans de détention à l'autre bout du monde… À son retour, en novembre 1989, il ne reconnaît plus Paris à l'heure où tombe le mur de Berlin et où s’effondre l’Europe de l’Est et il ne comprend pas la surveillance policière dont il fait l’objet.
Alors, pour éviter de nous ennuyer avec la gestion de son stress post-traumatique, il se plonge et se réfugie dans la lecture d'un journal intime rédigé en 1938, entre surréalisme et révolution… Ce journal est celui d’Alfred Katz, le père de son camarade de captivité, mort à son retour dans de drôles de circonstances.
Les dialogues sont savoureux, les descriptions à la fois détaillées et évocatrices. La personnalité du photographe transparait dans le récit, dans la transcription de la lumière ou des contre-jours, dans le rendu des physionomies.
Jean-François Vilar nous balade et nous captive dans ce roman introspectif, didactique, historique et très humain.
Ce roman est le dernier volet d'une trilogie très remarquée qui met en scène Victor Blainville, photographe de presse et enquêteur, flâneur, dilettante, au regard aiguisé ; c’est par pur hasard que si j’ai commencé par la fin ; je vais me procurer rapidement les deux premiers : C’est toujours les autres qui meurent et les Exagérés.
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