Si j’avais appris le violon de façon classique, je n’aurais peut-être jamais pu jouer à ma manière. Mes premiers pas dans la vie expliquent certainement mon goût pour la musique vivante. Celle qui se développe et éclot au coin d’un boulevard, dans les bals ou les cinémas muets de l’époque, loin des conservatoires.
Stéphane n’est heureux que dans la nouveauté. Le mouvement perpétuel est sûrement une de ses inventions.
En fait, mon père est certainement le premier hippie que j’ai rencontré : un humaniste, un peu en marge de la société, profondément cultivé, qui aimait les arts, la philosophie, la musique, la littérature, et ne possédait pas de métier défini.
Je me souviens avec un immense plaisir de la découverte du prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy. Lorsque j’entendis pour la première fois l’introduction à la flûte du prélude, c’était par une chaude journée d’été dans le parc de Bellevue. Je restai hypnotisé, ce fut comme un choc. De là date ma passion pour Debussy. J’avais l’impression de voir ce faune, de le toucher. Le souvenir est gravé en moi, indélébile, pour l’éternité.
Mais premières leçons, je les ai prises dans la rue, en observant comment jouaient les autres. Le premier violoniste que j’ai vu jouait à la station Barbès, s’abritant sous le métro aérien. Quand je lui ai demandé comment on devait jouer, il a éclaté de rire. Je suis reparti, tout penaud, mon violon sous le bras. J’ai eu plus de chance avec un pianiste.
Pour moi, l’essentiel s’appelle phrasé, sensibilité, accents, improvisations. La technique en soi m’intéresse peu.