Interview de JL Carré à propos de Poutine et du peuple russe contemporain
On s’appelait souvent camarade à cette époque et pour moi les prostitués c’était des camarades de tous les sexes. Il y avait déjà des trans mais il y avait principalement des camarades femmes, des camarades travestis et tous étaient assez politisés. Ils ne voyaient pas ni quand ni comment s’unir pour revendiquer un vrai statut professionnel mais ils envisageaient déjà un mouvement futur. J’ai même eu des faveurs gratuites à l’époque, plus de garçons et de travestis que de femmes, mais ça ne me déplaisait pas d’aller avec une femme parce que j’étais toujours sur mon nuage : union libre, amour libre, communautés… J’ai toujours vu la prostitution plutôt comme un mode de vie de gens qui n’ont pas envie d’aller s’aliéner dans un bureau, dans une usine, dans un lieu clos…
Nous, les transgenres, nous ne sommes pas synonymes de prostituées, mais le contexte est tel que la prostitution fait partie du groupe transgenre, vu qu’il n’y a aucune réponse à notre demande d’emploi, à notre demande d’insertion. Imaginez un travesti en guichetier de banque : actuellement, ça paraît impensable. Nous sommes assimilés à des objets sexuels par les hommes qui disent que si nous sommes comme ça, c’est parce que nous voulons avoir du sexe, en vendre ou transgresser des tabous, choquer, provoquer.
Qualifiée de plus vieux métier du monde, la prostitution reste cet « obscur objet d’interrogation, de haine et de désir » qui a vu ses pratiques évoluer au cours des siècles. S’il est un univers qui suscite à la fois fascination et dégoût, c’est celui de la prostitution et de ses acteurs. Un univers fait de silence, de mystère, de fantasmes, de sueur, de sperme, de passion, de ruine et de désespoir, mais aussi de cris, de savoirs, d’initiation et de plaisir.
Chacun fait ce qu’il veut de sa vie, de son corps, tant qu’il assume. Franchement, je m’en fous. Je suis pour la légalisation des maisons closes et je respecte les prostituées. Si ça leur fait plaisir, si elles aiment faire ça, mais il faut juste que les clients ne pensent pas que nous, on est prostituées parce qu’on leur montre notre cul.
La manière la plus répandue de mettre en cause la liberté des personnes qui se prostituent est de faire l’amalgame avec celles qui sont contraintes par des trafiquants à entretenir des rapports sexuels contre de l’argent que par ailleurs elles ne touchent pas.