Le choix d'un roman de la rentrée littéraire dans le cadre du club des lecteurs Cultura est toujours compliqué. Certains livres n'ont pas de couvertures, d'autres aucun résumé. C'est un peu un jeu de hasard qui parfois promet de belles découvertes et d'autres, malheureusement, des déceptions.
Ceux qui restent fait parti de ces livres qui n'avaient pas de résumé, mais en guise de quatrième de couverture un extrait. Un extrait qui laissait entendre qu'un soldat avait disparu et que ses compagnons d'armes allaient partir à sa recherche. Un extrait et cette phrase « Un roman sans concessions sur ce que la guerre fait aux hommes et aux femmes, à ceux qui partent, à ceux qui ne reviendront pas et à ceux qui restent. »
Je ne sais pas pourquoi ce livre en particulier m'a interpelée mais lorsque je l'ai ouvert, j'en ai été bouleversée du début à la fin. Et, bien que je ne sois pas sûre d'être capable de totalement appréhender cette fin, j'ai ressenti de l'admiration et de la douleur pour ces hommes aux blessures invisibles, qui gardent tout à l'intérieur.
Il me semble que les livres de romances militaires sont plutôt à la mode. Ici, c'est une vérité brute que l'on découvre, c'est le quotidien de ces femmes qui n'est pas vraiment rose et qui sont souvent laissées pour compte, c'est l'horreur des combats qui nous semblent si loin, mais c'est aussi ce lien, indéfectible, qui unit ces hommes, ces frères d'armes, et qui passe souvent avant leur famille. Ceux qui restent, c'est un hommage à ces hommes et femmes qui restent derrière, à faire tourner la maison, à s'occuper des enfants, à s'inquiéter pour leur moitié en OPEX, à être fort. Mais ce sont aussi ceux qui reviennent d'une zone de combat, qui sont restés en vie alors que d'autres n'ont pas eu cette chance.
S'il y a nombre de séries, films ou romans sur les soldats américains, Ceux qui restent se déroule en France. Peu de temps après avoir ouvert le livre, je me suis intéressée à son auteur : Jean Michelin est un lieutenant-colonel dans l'armée de terre, ce qui donne d'autant plus de valeur à son écrit. Il sait de quoi il parle, il a, peut-être, côtoyé des soldats qui ressemblent à Marouane, Stéphane ou Romain. Il a probablement expérimenté le racisme, le deuil d'un frère d'arme, le "ce n'était pas ta faute, tu as bien fait ton boulot".
Les hommes que l'on rencontre dans Ceux qui restent viennent tous de milieux différents, ils ont, plus ou moins de pression de la part de leur famille, ils savent, avec plus ou moins d'exactitude qu'ils sont légitimes, que leur place est là où elle doit être et ils tentent, tous, de conjuguer travail et famille, à coup de missions de quatre mois ou plus, d'où ils ne savent pas forcément s'ils vont revenir. Ces hommes parlent peu mais se comprennent, ils ont des automatismes, ils ont vécu les mêmes galères, perdu les mêmes frères. Pourtant, chacun gère différemment, ou se laisse porter; mais tous se questionnent.
Ceux qui restent n'est pas un roman joyeux, c'est un roman qui met à nu, sans pudeur, d'un ton incisif; un roman poignant. Il mêle administration et sentiments; automatismes et imprévus. Il met à mal hommes et femmes. Il sublime ce temps, ces vies, parfois, donnés pour la patrie. Il souligne cette unité que forment les soldats ayant servi ensemble, ce "tout" dont les épouses se sentent exclues. Parce qu'on ne parle pas de l'impensable à table le soir ou sur l'oreiller. Il explore l'âme de ces soldats qui ont perdu l'un des leurs, revient sur ce qu'il s'est passé Là-bas et s'attarde sur la recherche d'un disparu Ici tout en parlant d'un Ailleurs.
La fin est un peu brutale, à demi mot, dure. Nous, tout ce qu'on espère, c'est que ces hommes auront droit à leur part de bonheur, qu'ils sauront s'apaiser et avancer.
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